Censure partielle de la loi Duplomb : comment les opposants et les partisans du texte comptent poursuivre leur mobilisation à la rentrée
Les principaux syndicats agricoles réclament un nouveau texte pour réautoriser l'acétamipride, tandis que la gauche et les écologistes veulent continuer à la rentrée leur combat contre le reste de la loi, validée par le Conseil constitutionnel.
Après un parcours législatif chaotique, le feuilleton de la loi Duplomb sera-t-il bientôt terminé ? Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi 7 août la mesure la plus controversée et médiatisée de ce texte sur l'agriculture, en retoquant la réintroduction dérogatoire de l'acétamipride, un insecticide nocif pour la biodiversité. Mais le reste du texte n'a pas été retouché par les Sages, et Emmanuel Macron a rapidement fait savoir qu'il promulguerait la loi "dans les meilleurs délais". Le chef de l'Etat dispose de quinze jours pour le faire.
Or, cette version partiellement censurée du texte agricole continue de susciter la colère des partisans de la loi Duplomb, comme de ses détracteurs. Les deux camps comptent poursuivre leur mobilisation et la bataille législative à la rentrée.
Les opposants réclament l'abrogation totale du texte
En censurant la réautorisation du pesticide de la famille des néonicotinoïdes, au nom de la Charte de l'environnement, le Conseil constitutionnel a été salué par les écologistes et la gauche, qui avaient saisi les Sages car ils estimaient que la loi était incompatible avec la préservation de l'environnement et le principe de précaution en matière de santé. Opposés au reste du texte, ils réclament toujours un nouveau vote sur la loi Duplomb. Dans leur viseur : les mesures facilitant la construction de bassins de stockage d'eau et "méga-bassines" ou les simplifications pour la construction de bâtiments d'élevage.
"Puisqu'Emmanuel Macron a décidé de promulguer cette loi malgré la mobilisation citoyenne, nous ferons tout pour l'abroger", a prévenu sur X Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes, dès jeudi, s'appuyant sur la pétition contre le texte signée par plus de deux millions de personnes. Les députés écologistes ont annoncé le dépôt d'une proposition de loi pour abroger le texte.
"Le rejet populaire de cette loi est massif et le combat continue", ont réagi dans un communiqué les députés de La France insoumise, qui exigent une seconde délibération parlementaire. "Le but désormais est d'élargir et d'étendre le combat (…) jusqu'à l'abrogation complète de la loi", écrit Jean-Luc Mélenchon sur son blog. La question d'un nouveau débat parlementaire sur ce texte devrait être discutée lors des universités d'été des différents partis de gauche, à la fin du mois d'août.
Quant à la Confédération paysanne, syndicat agricole opposé au texte, elle appelle dans un communiqué "à amplifier la mobilisation et à la renforcer, dès la rentrée".
La filière betterave demande des aides
Déçus de la censure de la réintroduction de l'acétamipride, les partisans du texte, eux, ne s'avouent pas vaincus. La droite et l'extrême droite ont fustigé la censure de la réautorisation du néonicotinoïde. Sur X, la patronne des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, a demandé au gouvernement d'interdire "toutes les importations de denrées ou biens produits avec des substances interdites en France". À l'unisson, son allié Eric Ciotti formule sur X la même demande, au nom de la "souveraineté alimentaire".
Les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs demandent que l'article censuré soit "retravaillé pour que les engagements politiques de l'hiver 2024 soient enfin tenus et que des filières entières, comme la betterave sucrière, la noisette ou les pommes et les poires, ne soient pas purement et simplement abandonnées et vouées à disparaître". La Coordination rurale, autre syndicat agricole, annonce des "actions coup de poing" à venir, notamment contre des produits importés de pays qui utilisent l'acétamipride, comme l'a expliqué sur Europe 1 l'un de ses porte-paroles.
En attendant, la Confédération générale des planteurs de betteraves de la Somme, affiliée à la FNSEA, demande des aides à l'Etat. Elle estime, en effet, que les cultivateurs sont mis en difficulté par l'interdiction de ce pesticide, qui permet notamment de lutter contre la jaunisse causée par les pucerons. "On demande un dispositif d'indemnisation et un nouveau texte", a déclaré vendredi sur ICI Picardie Fabien Hamot, secrétaire général de l'organisation. "On a des pertes de rendement très importantes quand on est touchés par la maladie", justifie-t-il.
Un nouveau texte pour autoriser l'acétamipride ?
Du côté du gouvernement, divisé sur l'usage de l'insecticide, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, favorable à l'acétamipride, a missionné l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement afin d'identifier les filières "en situation d'impasse".
Le débat pourrait-il gagner les sphères européennes ? Au lendemain de la censure partielle de la loi Duplomb, Yannick Neuder, le ministre de la Santé, a demandé sur France Inter "une réévaluation par les autorités sanitaires européennes sans délai de l'impact sanitaire de l'acétamipride". "On ne peut pas interdire une substance en France si on importe les produits des autres pays européens qui traitent les aliments avec ce produit-là", affirme le ministre.
Laurent Duplomb, le sénateur Les Républicains à l'origine du texte, n'exclut pas de présenter une nouvelle proposition de loi dans l'optique d'obtenir cette fois le feu vert des Sages. "Le Conseil constitutionnel ne dit pas que l'acétamipride ne pourra jamais être réintroduit", a-t-il déclaré vendredi au micro de RMC. Dans sa décision, il "nous donne les éléments qui pourraient permettre, avec un nouveau texte, de trouver des solutions pour pouvoir peut-être réintroduire" l'acétamipride, a poursuivi l'élu de la Haute-Loire. Un nouveau texte qui ne manquerait pas de provoquer une nouvelle bataille parlementaire.
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