Assassinat dans une mosquée du Gard : pourquoi le Parquet national antiterroriste ne s'est-il pas, pour l'instant, saisi de l'affaire ?

Article rédigé par Mathilde Goupil, Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
La mosquée de La Grand-Combe (Gard), où Aboubakar Cissé a été tué, le 25 avril 2025. (MIGUEL MEDINA / AFP)
La mosquée de La Grand-Combe (Gard), où Aboubakar Cissé a été tué, le 25 avril 2025. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Un Français de 21 ans est soupçonné d'avoir tué Aboubakar Cissé de dizaines de coups de couteau, dans la mosquée de La Grand-Combe, vendredi. Une enquête a été ouverte pour assassinat, notamment en raison de la religion, sans que le motif terroriste ne soit retenu à ce stade.

Un crime sanglant. Aboubakar Cissé, un jeune Malien d'une vingtaine d'années, a été tué à coups de couteau, vendredi 25 avril, dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard). Le suspect, Olivier H., a rapidement posté une vidéo revendiquant son acte, avant de se rendre aux autorités italiennes, dimanche. Le procureur d'Alès, Abdelkrim Grini, a assuré le même jour sur BFMTV que "la piste de l'acte antimusulman et islamophobe" était "privilégiée".

Une information judiciaire a été ouverte pour meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion, a annoncé, lundi après-midi, la procureure de Nîmes. Cette enquête va être désormais conduite par un juge d'instruction du pôle criminel de la même ville.

Invité de franceinfo, lundi, Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman, a "regretté" que le Parquet national antiterroriste (Pnat) ne se soit pas, pour l'instant, saisi de l'affaire. Tous les éléments "auraient dû [le] pousser" à le faire, a-t-il estimé, ajoutant qu'une "grande majorité des musulmans de France ont le sentiment que la haine [à leur encontre] n'est pas prise au sérieux de la même façon que les autres haines". Sur BFMTV, Mourad Battikh, l'un des avocats de la famille de la victime, juge ce choix "absolument choquant". "Moi, la vidéo que j'ai pu voir, il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre que c'était un acte terroriste".

"Mettez-vous à la place des fidèles, qui ont l'impression et le sentiment que ce 'deux poids, deux mesures' se matérialise un peu plus chaque jour."

Mourad Battikh, l'un des avocats de la famille d'Aboubakar Cissé

à BFMTV

Contacté par franceinfo, le Parquet national antiterroriste assure que les faits survenus à La Grand-Combe sont toujours "en évaluation" par ses services. A ce stade de l'enquête, ce crime ne s'inscrit pas dans un projet qui a pour objet de "troubler gravement l'ordre public" par "l'intimidation ou la terreur", le critère défini par le Code pénal pour considérer qu'une infraction est terroriste. Les premiers éléments évoquent un périple meurtrier, qui ne s'inscrit dans aucune idéologie, selon les informations de franceinfo. Des investigations plus poussées, notamment les auditions du suspect, qui doit être extradé vers la France ces prochains jours, seront déterminantes pour confirmer cette première piste. 

Distinguer l'acte discriminatoire du mobile terroriste

"Le meurtre ou l'assassinat pour un motif discriminatoire ne relève pas toujours du terrorisme", relève en effet Jean-Baptiste Perrier, professeur en sciences criminelles à l'université Aix-Marseille. Pour faire la différence entre acte terroriste ou non, les enquêteurs regardent en particulier si l'auteur des faits appartient à un réseau qui revendique un projet de terreur, ou s'il a agi seul, ajoute-t-il. Ils se penchent également sur "ses déclarations" afin "d'éclairer son projet criminel", avance l'expert.

"On peut avoir une haine des musulmans, sans pour autant être dans une démarche de déstabiliser l'Etat et les communautés musulmanes."

Jean-Baptiste Perrier, professeur en sciences criminelles

à franceinfo

Dans ce dossier, Olivier H. s'est filmé après les faits en train d'insulter Allah, promettant de tuer au moins deux autres victimes afin de pouvoir être considéré comme un tueur en série. Il nie néanmoins avoir agi par haine de l'islam et assure "avoir tué la première personne qu'il a trouvée" sur son chemin, selon son avocat italien, Giovanni Salvietti. Le procureur d'Alès, Abdelkrim Grini, a aussi souligné qu'il avait "peut-être (...) des motivations de fascination de la mort, d'envie de donner la mort, d'envie aussi d'être considéré comme un tueur en série".

D'autres homicides très médiatisés n'ont pas fait l'objet d'une prise en charge par le Pnat. C'est notamment le cas de la récente attaque au couteau dans un lycée privé de Nantes ou encore de celle survenue dans un parc d'Annecy (Haute-Savoie) en juin 2023.

De plus, même lorsque le mobile terroriste est établi, le Pnat n'est pas nécessairement chargé de l'enquête. "Il y a une discussion entre le procureur national et le procureur local pour savoir ce qu'il est opportun de faire", précise Jean-Baptiste Perrier. Le parquet de Nîmes et le Pnat sont toujours en lien dans l'affaire de l'assassinat à la mosquée de La Grand-Combe.

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