Suspect arrêté, agression filmée, piste d'un crime raciste et islamophobe... Ce que l'on sait après l'assassinat d'un fidèle, tué à coups de couteau dans une mosquée du Gard

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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La mosquée Khadidja à La Grand-Combe (Gard), le 27 avril 2025. (MIGUEL MEDINA / AFP)
La mosquée Khadidja à La Grand-Combe (Gard), le 27 avril 2025. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Le suspect, en fuite, s'est rendu dimanche soir aux autorités italiennes, alors que plusieurs rassemblements en hommage à la victime avaient eu lieu dans la journée.

Il "s'est rendu de lui-même". Le procureur d'Alès a annoncé à l'AFP, lundi 28 avril, que le suspect dans l'assassinat d'un jeune Malien dans une mosquée du Gard, a été interpellé dans un commissariat de Pistoia, en Italie, dimanche vers 23 heures. Aboubakar Cissé, a été tué à coups de couteau, vendredi à La Grand-Combe. Le suspect, Olivier H., s'était filmé en train d'insulter Allah. "La piste d'un acte antimusulman n'est pas négligée, bien au contraire. Il est hors de question de tolérer dans notre société ce genre d'actes", avait déclaré dimanche le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui s'est rendu à Alès. Franceinfo fait le point sur ce que l'on sait à ce stade de l'enquête ouverte pour "assassinat" et sur les nombreuses réactions politiques.

La victime a reçu "40 ou 50 coups de couteau", le suspect s'est filmé en insultant Allah

Un fidèle musulman a été tué vendredi, vers 8h30, dans la mosquée Khadidja, une salle de prière située dans le hameau de Trescol, dans la petite commune gardoise de Grand-Combe, au nord d'Alès. Selon le procureur de la République d'Alès, Abdelkrim Grini, la victime et son agresseur étaient "seuls à l'intérieur de la mosquée", lorsque les faits ont eu lieu. Les "deux hommes étaient occupés à prier, lorsqu'un des deux a porté plusieurs dizaines de coups de couteau à l'autre, avant de le laisser pour mort et de prendre la fuite", a expliqué le magistrat, ajoutant que la victime aurait reçu "40 ou 50 coups de couteau". Le corps de la victime n'a été découvert que "vers 11 heures, 11h30", "lorsque les autres fidèles sont arrivés pour la prière du vendredi à la mosquée", a précisé Abdelkrim Grini. Une autopsie doit permettre de préciser ces premières constatations. 

L'agresseur s'est filmé après son passage à l'acte, a rapporté le parquet d'Alès à France Télévisions, samedi, confirmant une information de l'AFP. Sur ces images tournées avec son téléphone portable et obtenues par France Télévisions, l'homme brandit son couteau et tient des propos injurieux contre "Allah" et contre la victime, que l'on voit agoniser au sol. Au vu des propos tenus, la piste islamophobe fait partie des hypothèses examinées par les enquêteurs, a annoncé le procureur. Le Parquet national antiterroriste (Pnat) est en phase d'observation sur ce dossier, mais ne s'en est pas encore saisi. L'enquête pour assassinat a été confiée au groupement de gendarmerie du Gard et à la section de recherches de Nîmes ainsi qu'à la police judiciaire.

La victime était un fidèle de la mosquée

La victime, âgée de 23 ou 24 ans, "fréquentait régulièrement" cette mosquée située dans le hameau du Trescol, a précisé le procureur d'Alès à l'AFP. Aboubakar Cissé venait bénévolement chaque semaine faire le ménage dans la mosquée avant la prière du vendredi. Il était seul sur place quand le suspect est entré, a expliqué le magistrat. 

Selon plusieurs personnes interrogées sur place vendredi par l'AFP, Aboubakar Cissé était arrivé du Mali il y a quelques années. "Je le croisais plusieurs fois par jour. Deux fois par jour, il allait en direction de la mosquée ou il rentrait chez lui. Mais toujours avenant, toujours quelqu'un qui disait bonjour, toujours avec le sourire", a expliqué Nathalie, une habitante de la commune. "Nous sommes à la recherche de ses parents, mais déjà quelques contacts ont pu être établis" avec sa famille, a fait savoir Bruno Retailleau.

Le suspect s'est rendu dans un commissariat en Italie 

Le suspect, Olivier H., "s'est rendu de lui-même" dans un commissariat de Pistoia, en Italie, dimanche vers 23 heures, a annoncé tôt lundi à l'AFP le procureur d'Alès, Abdelkrim Grini. "C'est une très grande satisfaction pour le procureur que je suis. Face à l'efficacité des moyens mis en place, l'auteur n'a eu pour seule issue que de se rendre et c'est la meilleure chose qu'il pouvait faire", a déclaré le magistrat.

Olivier H. avait pu être identifié, notamment grâce aux images des caméras de surveillance dont est équipée la mosquée Khadidja, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment. Né à Lyon en 2004, cet homme de nationalité française, d'origine bosnienne, a une partie de sa famille dans le Gard. Contrairement à sa victime, l'homme "ne fréquentait absolument pas [cette mosquée] et n'y était a priori jamais venu auparavant", a précisé le procureur. Sans emploi, il n'était apparemment pas connu des forces de l'ordre.

"C'est quelqu'un qui n'avait pas d'activité particulière" et "qui était sous les radars", a déclaré dimanche le magistrat, lors d'un point-presse devant la sous-préfecture, au côté du ministre de l'Intérieur. Bruno Retailleau a précisé que "plus de 70 enquêteurs" étaient mobilisés "nuit et jour" afin de trouver le suspect. "La piste d'un acte antimusulman est privilégiée, mais ce n'est pas la seule", avait ajouté Abdelkrim Grini. Selon lui, d'autres éléments laissent penser que le mobile du crime pourrait être différent.

Dans une vidéo, Olivier H. a tenu "des propos antimusulmans" et exprimé sa volonté de "tuer au moins deux autres personnes pour pouvoir être désigné comme tueur en série", avait souligné Bruno Retailleau, demandant aux préfets de renforcer la sécurité devant les mosquées. Interpellé samedi, le petit frère mineur du suspect avait été placé quelques heures en garde à vue avant d'être relâché sans aucune charge en début de soirée.

Plusieurs hommages se sont déroulés dimanche

A La Grand-Combe, une marche blanche a réuni environ 2 000 personnes, dimanche après-midi en hommage à Aboubakar, entre la mosquée Khadidja où s'est déroulé le drame et la mairie, selon la journaliste d'"ici Gard Lozère" sur place. "C'était important que tous les Français, de toutes les religions, viennent condamner cet acte barbare qui a eu lieu dans un lieu de culte et soutenir les musulmans", a salué le président de la mosquée de la commune, Salim Touazi, sur franceinfo.

En début de soirée, à Paris, un rassemblement a réuni plusieurs centaines de personnes sur la place de la République. Plusieurs figures de La France insoumise, ainsi que la cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, avaient appelé à s'y rendre pour rendre hommage à la victime et manifester "contre l'islamophobie". Sur place, Jean-Luc Mélenchon a reproché au gouvernement d'entretenir "un climat islamophobe", en citant notamment Bruno Retailleau, qui a déclaré en mars "à bas le voile". Des rassemblements ont aussi eu lieu dans plusieurs autres villes.

Des politiques dénoncent l'islamophobie

Les réactions politiques se sont multipliées durant le week-end sur les réseaux sociaux, nombre d'entre eux dénonçant un acte islamophobe et raciste. Dimanche, Emmanuel Macron a adressé un message de soutien à la famille de la victime et "à nos compatriotes de confession musulmane". "Le racisme et la haine en raison de la religion n'auront jamais leur place en France", a ajouté le président de la République sur X.

Du côté du gouvernement, François Bayrou a estimé que "l'ignominie islamophobe s'[étai]t exhibée sur une vidéo", samedi, sur X. "Nous sommes avec les proches de la victime, avec les croyants si choqués. Les moyens de l'Etat sont mobilisés pour que l'assassin soit saisi et puni", a ajouté le Premier ministre. Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a regretté samedi un "ignoble assassinat" dans "un édifice religieux sacré", qui "blesse le cœur de tous les croyants, de tous les musulmans de France". Dès vendredi, le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a déploré un "événement épouvantable", faisant part de son "soutien à la famille de la victime et [sa] solidarité à la communauté musulmane touchée par cette violence barbare, dans son lieu de culte, le jour de la grande prière".

Dans l'opposition, les réactions sont également nombreuses. "La République ne peut accepter que nos concitoyens de confession musulmane subissent un climat de peur", a réagi, samedi, le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, en dénonçant "un acte ignoble motivé par le racisme et l'intolérance". "L'islamophobie tue. Tous ceux qui y contribuent sont coupables", a déclaré samedi Jean-Luc Mélenchon, le leader de LFI, sur X, avant d'affirmer dimanche que "le meurtre d'un musulman en prière [étai]t le résultat des incessantes incitations à l'islamophobie". Dans un communiqué, le patron des communistes, Fabien Roussel, a dénoncé la "haine antimusulmans". A l'autre bout de l'échiquier politique, le patron du Rassemblement national, Jordan Bardella, a déploré sur X un "ignoble assassinat". Son allié Eric Ciotti, président de l'UDR, a estimé sur le même réseau social que "ces atrocités visiblement motivées par des haines religieuses [étaient] une source d'inquiétudes pour la République".

Localement, le vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et recteur de la mosquée Sud-Nîmes a regretté que le préfet ne soit pas venu sur place. "Les fidèles sont un peu déçus que le préfet ne se déplace pas pour leur apporter son soutien et les rassurer", a souligné Abdallah Zekri, dimanche, sur franceinfo

Bruno Retailleau a bousculé son agenda pour se rendre à Alès

L'attitude du ministre de l'Intérieur a dans un premier temps été critiquée. "Je me demande si M. Retailleau, hier, avait piscine. On ne l'a pas entendu", a regretté dimanche Dominique Sopo, président de SOS Racisme, sur franceinfo. L'écologiste Sandrine Rousseau a fait le même reproche au locataire de Beauvau. "Il se rend sur place dès qu'il y a le moindre sujet, pourquoi là n'est-il pas sur place, pourquoi ne pose-t-il pas les mots, pourquoi n'a-t-il pas la même fermeté dans son langage ?", s'est interrogée la députée de Paris, dimanche, sur franceinfo.

Le ministre de l'Intérieur a finalement bousculé son agenda pour se rendre à Alès dimanche après-midi. Après avoir échangé avec le préfet, des élus locaux, le procureur et le président du conseil départemental du culte musulman, Bruno Retailleau a exprimé devant les caméras "un message de compassion, de solidarité et de mobilisation". Sur BFMTV, il a ensuite expliqué avoir attendu des éléments complémentaires sur l'enquête avant de se déplacer.

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