Comment le PS s'imagine pouvoir gouverner avec une majorité de 121 députés, en cas de chute du gouvernement Bayrou

Article rédigé par Clément Parrot - avec le service politique de France Télévisions
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Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, et Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, au campus du PS, le 29 août 2025, à Blois (Loir-et-Cher). (GUILLAUME SOUVANT / AFP)
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes, et Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, au campus du PS, le 29 août 2025, à Blois (Loir-et-Cher). (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

Le Parti socialiste revendique Matignon. Pour l'instant, rien n'indique qu'Emmanuel Macron se tournera vers la gauche pour former un nouveau gouvernement, mais Olivier Faure et ses troupes se préparent, même si le PS est très loin de disposer d'une majorité à l'Assemblée.

Ils se disent que c'est leur tour. Les socialistes répètent depuis plusieurs jours qu'ils sont candidats à la succession de François Bayrou à Matignon, sans attendre le résultat du vote de confiance du 8 septembre. Au moment où le Premier ministre doit recevoir les responsables du PS dans son bureau, jeudi 4 septembre, tous les regards se tournent vers des socialistes revenus au centre du jeu. Ils apparaissent désormais comme la seule possibilité d'une stabilité gouvernementale sans dissolution, puisque de l'autre côté, le Rassemblement national réclame un retour "ultrarapide" aux urnes.

Selon les informations de franceinfo, Emmanuel Macron lui-même a enjoint son camp à "travailler avec les socialistes" et d'autres partis, à l'exclusion de LFI et du RN, lors d'un déjeuner réunissant mardi les chefs de la coalition gouvernementale à l'Elysée. De son côté, Olivier Faure s'est déclaré sur BFMTV "à la disposition" du président de la République pour discuter d'une solution pour l'après-Bayrou, tout en répétant que sa décision de faire tomber le gouvernement restait "irrévocable"

"On lui a laissé une chance"

Les socialistes n'ont plus confiance en François Bayrou et le font savoir. "Pathétique et crépusculaire", a réagi le même Olivier Faure au sujet de la prestation du Premier ministre, dimanche, sur l'ensemble des chaînes d'info en continu. Ils en font désormais une affaire personnelle. "Pour Bayrou, c'est fini", confirme à franceinfo le député PS Laurent Baumel. "On a considéré au début qu'on pouvait essayer d'entrer dans un autre temps de la législature, mais il nous a trahis."

"II nous a traités avec beaucoup de condescendance et de mépris."

Laurent Baumel, député PS d'Indre-et-Loire

à franceinfo

Au début de l'année, François Bayrou avait convaincu les sociaux-démocrates de ne pas voter la censure contre son gouvernement, en échange de concessions, à commencer par la réouverture du chantier de la réforme des retraites. "Je n'ai pas cherché le chaos, j'ai cherché à composer", a rappelé Olivier Faure sur BFMTV. Mais l'échec du "conclave" sur ce dossier a acté la rupture. Les socialistes reprochent au chef du gouvernement d'avoir promis une réouverture de la discussion "sans totem ni tabou", avant de fermer la porte à un rabaissement de l'âge légal de départ à la retraite.

"On lui a laissé une chance de se rattraper avec les retraites, il ne l'a pas fait, et maintenant il nous représente un budget abominable", résume Laurent Baumel. Désormais, le PS revendique donc les clés du gouvernement et a déjà annoncé un changement de méthode, en renonçant à toute utilisation de l'article 49.3 au profit de compromis, texte par texte. Il a même présenté un contre-budget, avec, notamment, "26,9 milliards d'euros de recettes" venues de taxes sur les grandes fortunes et les grandes entreprises. Mais là aussi, les socialistes se disent prêts à en discuter avec les autres groupes. "Il faudra chercher un budget qui peut trouver un écho au-delà de nos rangs", admet une figure de l'aile gauche du PS.

Une minorité fragile

La confiance des socialistes dans leur capacité à gouverner ne leur donne pas pour autant de majorité à l'Assemblée. En comptant sur ses alliés écologistes et communistes, le PS pourrait s'appuyer sur un groupe de 121 députés, bien moins que les 210 de l'actuelle coalition gouvernementale composée du bloc central et de LR. "Mais même avec 210 députés, ça ne marche pas, personne n'a la majorité, défend le socialiste Philippe Brun. Emmanuel Macron a bien commencé par nommer Michel Barnier, qui était à la tête d'un groupe d'une quarantaine de députés LR."

"On propose un gouvernement de gauche avec un accord de non-censure avec le centre, ce qui permettrait à notre gouvernement de durer."

Philippe Brun, député PS de l'Eure

à franceinfo

"Il faudra qu'on aille chercher environ 150 autres voix pour avoir des majorités sur chaque texte et qu'on parvienne à ne pas être censurés sur le budget", poursuit le député Arthur Delaporte. Les socialistes savent qu'ils ne pourront pas appliquer l'intégralité de leur programme, mais acceptent de jouer les gestionnaires dans l'attente de la présidentielle. Et pour tenir, ils ont donc sorti la calculette. Le bloc central représente actuellement 161 députés, ce qui, en cas d'accord, permettrait de se rapprocher de la majorité de 289 parlementaires. Les socialistes ne pourront s'appuyer ni sur le RN, ni sur LR pour trouver des accords.

Reste la question de La France insoumise (LFI). Les représentants de la gauche radicale multiplient ces dernières heures les paroles de défiance à l'encontre de la stratégie socialiste. "Consternant. Olivier Faure se met à disposition de Macron pour remplacer Bayrou, a déploré Jean-Luc Mélenchon sur X. Les insoumis ne sont informés de rien et n'ont rien à voir avec cette offre de service qu'ils condamnent." Au sein du groupe socialiste, on reste convaincu que LFI n'ira pas jusqu'à la censure. "Est-ce que vous pensez vraiment que LFI censurerait un gouvernement qui suspendrait la réforme des retraites et qui rétablirait la justice fiscale ?", espère Philippe Brun.

"On a bien compris que Macron nommait qui il voulait"

Pour obtenir un accord de non-censure, il va falloir convaincre toutes les composantes de la macronie. La tâche s'annonce ardue, même si certains cadres du bloc central plaident pour une solution tournée vers les socialistes. "Il faut que Macron ouvre à gauche, se tourne vers le PS pour le prochain gouvernement", confiait la semaine dernière, sous couvert d'anonymat, un poids lourd du gouvernement. De son côté, François Bayrou a pour l'instant balayé les propositions budgétaires venues de la gauche. "Ça veut dire qu'on ne fait rien" pour réduire la dette, a-t-il estimé dimanche.

Le Premier ministre a par ailleurs jugé sur BFMTV "pas très cohérente la démarche" du PS de faire tomber le gouvernement pour espérer prendre les rênes du pouvoir avec "le soutien du bloc central". Selon le maire de Pau, cette stratégie sert avant tout une ambition personnelle : "Ne faisons pas de mystère, Olivier Faure pense qu'il peut être nommé Premier ministre."

Du côté des socialistes, on répète à l'envi que le nom du futur Premier ministre n'est pas le sujet. "On a surjoué la question du casting à l'époque de Lucie Castets et ça ne sert à rien. On a bien compris que Macron nommait qui il voulait", explique Laurent Baumel. "Je ne cherche pas une place", a également assuré Olivier Faure sur LCI, avant d'inviter tous les socialistes qui se verraient proposer Matignon par le chef de l'Etat à accepter l'offre.

La présidentielle en ligne de mire

Pour autant, la stratégie du premier secrétaire ne convainc pas tout le monde au sein de son parti. "Je ne crois pas au PS à Matignon, et faut-il le souhaiter ? Le Parti socialiste est en rémission et il est prématuré de prétendre aux responsabilités quand on n'est pas tout à fait remis. Un échec ferait courir le risque d'être disqualifié pour 2027", confie un député PS. "Il ne faut pas qu'on perde trop de temps dans une solution de gouvernement provisoire. Si on n'a pas de majorité, on ne pourra pas mener une vraie politique de gauche", considère aussi dans Le Figaro Benoît Hamon, candidat socialiste à la présidentielle de 2017.

La majorité des socialistes interrogés restent toutefois convaincus du bien-fondé de "l'opération Matignon". "Les socialistes sont toujours prêts à gouverner, c'est dans notre ADN, c'est ce qui nous définit", justifie Laurent Baumel. "Bien sûr que ce sera difficile, mais les Français nous ont élus pour ça, pour prendre nos responsabilités", ajoute l'ancien ministre et député PS Guillaume Garot. "Et puis quelle est l'autre solution ? Offrir Matignon au RN avec une dissolution ? On ne va pas jouer l'avenir du pays pour des raisons tactiques."

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