Nouveau Premier ministre, dissolution… Quels sont les différents scénarios envisageables en cas de chute du gouvernement Bayrou ?

Article rédigé par Clément Parrot - avec le service politique de France Télévisions
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Le Premier ministre, François Bayrou, le 25 août 2025 à Paris, lors d'une conférence de presse où il a annoncé son intention de demander un vote de confiance à l'Assemblée. (FRANCOIS PAULETTO / HANS LUCAS / AFP)
Le Premier ministre, François Bayrou, le 25 août 2025 à Paris, lors d'une conférence de presse où il a annoncé son intention de demander un vote de confiance à l'Assemblée. (FRANCOIS PAULETTO / HANS LUCAS / AFP)

En annonçant l'organisation d'un vote de confiance le 8 septembre à l'Assemblée, François Bayrou s'est lancé dans un pari risqué. Pour l'instant, tous les partis qui ne participent pas au gouvernement ont annoncé leur intention de le faire tomber.

Le gouvernement Bayrou ne tient plus qu'à un fil. Le Premier ministre a annoncé lundi 25 août, lors d'une conférence de presse, qu'il engagerait le 8 septembre la "responsabilité du gouvernement" devant l'Assemblée nationale. Pour François Bayrou, il s'agit d'en appeler à la responsabilité des différentes forces politiques et de trancher la "question centrale" de "la maîtrise" des finances publiques en validant le principe de son plan d'économies budgétaires.

Sur fond d'appels à bloquer la France le 10 septembre, le pari s'annonce très risqué. Dans les minutes qui ont suivi sa prise de parole, les oppositions ont annoncé leur intention de faire tomber le gouvernement. "C'est une autodissolution", estime même dans Le Monde Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste. Pour le moment, le chef du gouvernement n'a pas les voix nécessaires pour obtenir cette confiance du Parlement. Et en cas de chute du gouvernement, Emmanuel Macron sera contraint de trouver une issue à la crise politique.

La menace d'une nouvelle dissolution

Depuis début juillet, Emmanuel Macron dispose à nouveau du pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale. Et en cas de chute du gouvernement Bayrou, le chef de l'Etat pourrait être contraint de se tourner vers cette option. Le président de la République a pourtant répété ces dernières semaines, notamment dans Paris Match, que le scénario d'un recours à l'article 12 de la Constitution n'avait pas ses faveurs. Mais la fin du gouvernement Bayrou pourrait entraîner un blocage à l'Assemblée que seule une dissolution viendrait résoudre. "Je n'ai jamais cru à une dissolution... Cette fois-ci, j'ai du mal à voir comment on y échappe", admettait lundi un cadre du groupe macroniste EPR (Ensemble pour la République).

Lors du petit déjeuner du "socle commun", regroupant les groupes censés soutenir le Premier ministre, François Bayrou lui-même a admis que "la dissolution rest[ait] une hypothèse", avant de rappeler que ce n'était pas l'option privilégiée par Emmanuel Macron. La petite musique d'un retour aux urnes s'installe dans le paysage médiatique. "La dissolution coûte cher à la France bien sûr, mais il ne faut pas écarter cette hypothèse", a ainsi déclaré mardi matin sur France 2 le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avant de préciser qu'il revenait "au président de la République de décider".

Une partie des oppositions s'impatiente déjà de la tenue de nouvelles élections. Marine Le Pen, la cheffe de file des députés Rassemblement national, a ainsi renouvelé son souhait de voir siéger une nouvelle Assemblée. "Seule la dissolution permettra désormais aux Français de choisir leur destin", estime-t-elle sur X. "S'il est un président responsable, il se tourne vers les Français, il dissout l'Assemblée et il leur dit 'Donnez une majorité'", a ajouté sur CNews le député RN Sébastien Chenu, soulignant que "les Français ont vu ce que ça donnait, un pays sans majorité".

A gauche, on ne se précipite pas pour réclamer de nouvelles élections, tout en ayant conscience de la situation. "Nous devons nous préparer à une dissolution", confie à franceinfo le député écologiste Pouria Amirshahi. Conscient des enjeux, le coordinateur national de La France insoumise, Manuel Bompard, a d'ailleurs déjà relancé sur X une campagne d'inscription sur les listes électorales. 

La nomination d'un nouveau gouvernement

En cas de chute du gouvernement Bayrou, Emmanuel Macron a également la possibilité de chercher une solution avec un nouveau gouvernement. A gauche, le PS, Les Ecologistes et le reste de la gauche unioniste, qui promettent une candidature commune pour 2027 (sans Jean-Luc Mélenchon ni Raphaël Glucksmann à ce stade) se disent désormais "prêts" à prendre la suite du gouvernement Bayrou. "Dès le 9 septembre, la gauche et Les Ecologistes doivent être prêts à gouverner en responsabilité", estime le député écologiste Pouria Amirshahi. "Est-ce qu'Emmanuel Macron se rattrape, au moins démocratiquement, en nommant quelqu'un des rangs issus de la force politique qui a gagné les législatives ?", s'interroge aussi Marine Tondelier sur BFMTV

"Nous sommes prêts à gouverner, ce que les Français ont demandé dans les urnes."

Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes

sur BFMTV

"Emmanuel Macron n'écoute que lui-même, se désole de son côté Olivier Faure dans Le Monde. Je me permets de lui adresser un conseil : le mieux qu'il puisse faire est d'entendre ce que nous avons à proposer comme alternative au plan Bayrou et de laisser le Parlement choisir sa propre voie." Les responsables de gauche s'appuient toujours sur les 192 sièges qu'ils ont obtenus en juillet 2024, même si les querelles intestines au sein de l'alliance du Nouveau Front populaire laissent peu de marge à un gouvernement de gauche. Mais l'hypothèse d'une ouverture à gauche commence à être défendue au sein même du bloc central. "Il faut que Macron ouvre à gauche, se tourne vers le PS pour le prochain gouvernement", réclame sous couvert d'anonymat un poids lourd du gouvernement. 

Emmanuel Macron peut également tenter d'obtenir un compromis avec une personnalité de la société civile, comme cela avait été évoqué après les législatives de l'été 2024, ou en cherchant de nouveaux appuis. Mais l'échec de Michel Barnier, comme les difficultés actuelles de François Bayrou, montrent que le chemin est étroit. D'autant que le parti Les Républicains, allié de circonstance, connaît des divisions internes. Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a mis en garde contre un vote qui ferait chuter le gouvernement de François Bayrou et serait contraire "aux intérêts de la France", pointant le risque d'"une crise financière majeure". Mais une partie des députés LR n'a pas apprécié l'absence de concertation avant cette prise de position. "Environ 40% des députés demandent à réfléchir d'ici au vote de confiance du 8 septembre. Tant qu'on ne sait pas ce que Bayrou va annoncer, on ne va pas signer un chèque en blanc", confie un député LR à franceinfo.

Le départ d'Emmanuel Macron

Le président de la République a jusque-là écarté toute idée de démission face aux blocages rencontrés par l'Assemblée et s'est même agacé par le passé quand les journalistes lui posaient la question. Mais certaines voix, comme celle de Jean-François Copé, appellent le chef de l'Etat à reconsidérer cette hypothèse en cas de chute du gouvernement Bayrou. "Emmanuel Macron doit accepter d'entendre que les Français ne veulent plus de lui et agir en homme d'Etat", estime l'élu LR dans Le Figaro.

"Emmanuel Macron doit avoir un geste gaullien et programmer sa démission. S’adresser aux Français et annoncer son départ dans six mois, au lendemain des élections municipales de mars prochain."

Jean-François Copé, maire LR de Meaux

dans "Le Figaro"

Les responsables de La France insoumise remettent sur la table depuis lundi l'hypothèse d'une destitution d'Emmanuel Macron. "Il faut empêcher M. Macron de nommer pour la troisième fois un Premier ministre qui ferait la même politique. Voilà pourquoi il faut le destituer. Le chaos, c'est Macron", a expliqué Jean-Luc Mélenchon sur France Inter. Le leader de la gauche radicale a annoncé le dépôt à l'Assemblée d'une nouvelle motion de destitution contre le chef de l'Etat le 23 septembre. Par ailleurs, une pétition lancée par LFI sur ce thème a récolté plus de 400 000 signatures.

En août 2024, les insoumis avaient déjà déposé une proposition de résolution "visant à réunir le Parlement en Haute Cour, en vue d'engager la procédure de destitution du président de la République", rappelle Jean-Luc Mélenchon. Mais cette proposition avait été rejetée par la commission des lois de l'Assemblée nationale (15 voix pour, 54 contre). La réforme constitutionnelle a mis en place une procédure de destitution du président de la République, "en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". Mais de nombreuses étapes sont nécessaires avant de la faire aboutir. Après avoir obtenu un vote favorable du bureau de l'Assemblée, puis de la commission des lois, il faut réunir dans une Haute Cour les députés et sénateurs. "Il faut que la proposition soit votée à la majorité des deux tiers des membres de chacune des deux assemblées, donc c'est très lourd et très contraignant", précise à l'AFP Julien Bonnet, président de l'Association française de droit constitutionnel. Un départ d'Emmanuel Macron entraînerait une élection présidentielle anticipée et très certainement des élections législatives dans la foulée.

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