"Le mouton à cinq pattes" : la nomination d'un nouveau Premier ministre, un casse-tête aux multiples inconnues pour Emmanuel Macron

Article rédigé par Pierrick Bonno, Paul Barcelonne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président de la République, Emmanuel Macron, le 5 septembre 2025. (CHRISTOPHE ENA / POOL)
Le président de la République, Emmanuel Macron, le 5 septembre 2025. (CHRISTOPHE ENA / POOL)

François Bayrou remettra sa démission mardi midi, au lendemain de la chute de son gouvernement. Emmanuel Macron a désormais les cartes en main pour nommer son successeur, mais l'équation s'avère délicate : plusieurs camps politiques mettent la pression et posent leurs conditions.

François Bayrou renversé, Emmanuel Macron seul maître à bord. Dans un communiqué publié lundi 8 septembre au soir, l'Elysée a annoncé que le président prenait "acte" de la chute du Premier ministre, qui va lui remettre sa démission mardi midi. Le chef de l'Etat nommera ensuite un nouveau chef de gouvernement, mais il y a encore beaucoup de flou.

Le président de la République a donc toutes les cartes en main, c'est à lui de trancher. Et il semble vouloir aller vite. Emmanuel Macron va nommer dans les "tout prochains jours", précise le communiqué de l'Elysée, un nouveau Premier ministre. Ce qui est une manière implicite, entre les lignes, de couper court à l'idée d'une démission, toujours balayée par le président et réclamée par une partie de la droite et La France insoumise. C'est aussi une manière d'écarter au moins pour l'instant l'hypothèse d'une dissolution, réclamée par certaines voix des oppositions.

Si le chef de l'Etat a toutes les options sur la table, il se retrouve mardi matin seul en première ligne : quand va-t-il nommer un Premier ministre ? Dès aujourd'hui, au risque de l'exposer d'emblée à la colère de la rue, la journée "Bloquons tout" étant prévue mercredi, ou plus tard, peut-être en fin de semaine ? "Revoilà le maître des horloges", savoure un ami du président, qui se souvient que le record d'Emmanuel Macron date de l'année dernière : 59 jours avant de nommer Michel Barnier à Matignon.

Gabriel Attal propose de nommer un négociateur

D'autres questions restent encore en suspens aujourd'hui : qui pour Matignon ? Et pour faire quoi ? Emmanuel Macron cherche "le mouton à cinq pattes", grimace un conseiller. Traduction : un Premier ministre capable de parler à la gauche, surtout aux socialistes, sans braquer la droite, alors que le ministre de l'Intérieur et leader des Républicains, Bruno Retailleau, répète que sa participation au gouvernement n'est pas automatique.

Mardi matin encore, circule avec insistance le nom de Sébastien Lecornu, ministre des Armées, proche du président, ancien membre des LR, comme ceux des ministres sortants Gérald Darmanin et Eric Lombard. Le nom du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, circule aussi.

Mais pour éviter cette course de petits chevaux, Gabriel Attal propose la nomination d'un négociateur venu du monde syndical ou associatif, chargé de réunir en lieu neutre les responsables politiques du pays, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, jusqu'à ce qu'ils trouvent un accord pour gouverner. À une condition, selon l'ancien Premier ministre : que le président accepte "de partager le pouvoir".

Le RN pose ses conditions

De leur côté, les élus du RN préviennent, si le président de la République ne prononce pas la dissolution de l’Assemblée, ils auront la gâchette de la censure facile. Un lieutenant de Marine Le Pen nous l'assure : "Il n’y a pas de liste noire". Mais le portrait-robot du Premier ministre automatiquement censuré par le Rassemblement national se dessine. Les députés d’extrême droite promettent par exemple de faire tomber toute personnalité hostile au RN. À cet égard, le nom du LR Xavier Bertrand, ennemi juré de Marine Le Pen dans la région Hauts-de-France, revient régulièrement.

La patronne des députés du RN l’a dit, elle ne veut pas non plus d’un Premier ministre de gauche, exit donc tout membre du Nouveau Front populaire. Plus récemment, le Rassemblement national a dit ne plus vouloir désormais à Matignon d’un locataire "qui s’inspirerait du macronisme". Formulation assez floue pour permettre à Marine Le Pen de mettre la pression sur le président de la République tout en se laissant une porte de sortie, si d'aventure le tempo n'était pas le bon au moment d'appuyer sur la gâchette.

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