"Emmanuel Macron est carbonisé" : après la chute de François Bayrou, le président de la République de nouveau au pied du mur
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Pour la troisième fois en un an, le chef de l'Etat doit trouver un Premier ministre capable d'éviter une censure immédiate à l'Assemblée nationale. L'Elysée a d'ores et déjà promis lundi soir qu'un nouveau chef de gouvernement serait nommé "dans les tout prochains jours".
Le fusible que constituait le Premier ministre a sauté, et revoilà Emmanuel Macron au centre du jeu politique, sous le feu nourri de ses adversaires. François Bayrou, nommé mi-décembre à Matignon après la censure de Michel Barnier, a largement échoué à recueillir la confiance de l'Assemblée nationale, lundi 8 septembre, en récoltant 364 votes opposés à la poursuite de la politique de son gouvernement. "C'était la chronique d'une mort annoncée, se gausse un député macroniste. Un non-événement commenté déjà depuis 15 jours".
Il faut dire que l'issue du vote, sollicité par le chef du gouvernement lui-même le 25 août, ne suscitait aucun suspense, les oppositions ayant toutes annoncé depuis deux semaines qu'elles ne voteraient pas la confiance au patron du MoDem. Lundi soir, l'Elysée n'a pas tardé à réagir, annonçant qu'Emmanuel Macron nommerait son successeur "dans les tout prochains jours".
La non-campagne du chef de l'Etat pour la présidentielle de 2022 et son choix raté de dissoudre l'Assemblée nationale en juin 2024 "créent cette situation", analyse Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof. "Son deuxième mandat, sur le plan de la politique intérieure, est pour le moment un échec. Nous allons avoir un troisième Premier ministre en un an." En cause : la tripartition des forces politiques à l'Assemblée nationale, qui fige le pays dans l'instabilité. "On a le sentiment qu'Emmanuel Macron a perdu le contrôle sur le plan national, observe encore Bruno Cautrès. Nous n'avons pas connu une crise politique et démocratique aussi importante". Du moins sous la Ve République, où jamais deux gouvernements successifs n'avaient ainsi été renversés.
"Préserver" le socle commun
Dans les rangs des soutiens du chef de l'Etat, personne n'est dupe. "Emmanuel Macron sait que l'instabilité lui retombe dessus", confie un de ses proches. Le président de la République fait face à la même équation qu'en décembre dernier, après la censure de Michel Barnier. Qui nommer après François Bayrou ? Une option semble être privilégiée, au sein du bloc central : une personnalité qui appartienne au socle commun, qui réunit le bloc central et Les Républicains, et qui puisse négocier un pacte de non-censure avec les socialistes. "Un remake" de l'année dernière, selon les termes d'un député Ensemble pour la République (EPR). "Le seul truc stable, c'est le socle commun, et il va tout faire pour le préserver", assure un fidèle d'Emmanuel Macron.
Un autre proche du chef de l'Etat rappelle que les dirigeants du socle commun (Gabriel Attal pour EPR, François Bayrou pour le MoDem et Bruno Retailleau pour LR) ont tous écarté, le 2 septembre lors d'un déjeuner à l'Elysée avec Emmanuel Macron, l'idée d'une nouvelle dissolution. "C'est un acquis qu'il faut préserver et qui correspond à la volonté de dépassement qu'a défendue le président", explique cette même source à France Télévisions. Encore faut-il s'entendre avec le Parti socialiste.
"La seule cartouche qui lui reste, c'est de trouver un moyen de tenir en ayant fait une ou deux concessions au PS, comme sur la taxation des hauts patrimoines."
Bruno Cautrès, politologueà franceinfo
Sauf que du côté des socialistes, on rêve du scénario inverse : s'emparer de Matignon et négocier ensuite au Parlement avec les macronistes au cas par cas. "Nous sommes prêts : qu'il vienne nous chercher !", a lancé lundi, bravache à la tribune de l'Assemblée, le patron des députés socialistes, Boris Vallaud. Une référence à la petite phrase d'Emmanuel Macron prononcée en 2018 alors qu'il était embourbé dans l'affaire Benalla. "Monsieur le président de la République, entendez que la cohabitation décidée par les Français, depuis un an déjà, s'impose à vous", a ensuite appuyé la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain. Un scénario auquel peu accordent du crédit au sein du bloc central.
Une nomination avant ou après le 10 septembre ?
Une autre option est également discutée : la nomination d'une personnalité non encartée dans un parti, comme l'était Michel Barnier, ou susceptible de rassembler largement. "Le seul moyen de s'en sortir, c'est de se placer au-dessus de la logique partisane en nommant ce type de personnalité qui puisse former un gouvernement d'union nationale et dont la mission serait de rétablir les comptes publics", plaide le député EPR Charles Rodwell. Le nom de Thierry Baudet, actuel président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), avait par exemple circulé, début septembre 2024, avant la nomination de Michel Barnier.
Qu'il s'agisse d'un des noms qui reviennent sans cesse (Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Gérald Darmanin) ou d'une personnalité de la société civile, reste la question essentielle du timing de la nomination. Le chef de l'Etat doit-il agir vite, alors que la France pourrait connaître avec "Bloquons tout" un mouvement social d'ampleur 48 heures après la chute de François Bayrou ? "Il serait plus raisonnable d'attendre que la journée du 10 passe pour nommer le prochain Premier ministre et ne pas l'exposer tout de suite à la critique dans ce contexte", fait valoir Bruno Cautrès.
Un avis que ne partage pas Florent Boudié, le président EPR de la commission des lois à l'Assemblée. "On ne sait pas comment le mouvement du 10 septembre va tourner. L'option la plus raisonnable est d'aller assez vite. Si l'on a un gouvernement démissionnaire sans perspective d'un Premier ministre à court terme, cela peut être un défouloir anti-président de la République", assurait-il il y a quelques jours à franceinfo.
Mais ils sont nombreux à rappeler qu'en la matière, Emmanuel Macron n'aime pas agir sous pression. Deux mois de tergiversations et de réflexions avaient été nécessaires pour nommer Michel Barnier à Matignon. "Je n'ai aucune idée du timing, mais c'est toujours pareil : ça doit aller vite et ça prend des jours", glisse un proche de Gabriel Attal. L'ancien Premier ministre, évincé lorsqu'Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l'Assemblée en juin 2024, a lui soumis une proposition sur X : la nomination d"un négociateur chargé de réunir les forces politiques représentées à l'Assemblée nationale pour bâtir un accord d'intérêt général. Ce compromis doit permettre ensuite la nomination d'un Premier ministre".
La douloureuse fin de règne
Une annonce qui en rappelle d'autres. Sauf que depuis l'année dernière, une chose a changé : la pression des oppositions les plus radicales, La France insoumis et le Rassemblement national, s'est considérablement accentuée sur le président. Les premiers réclament encore une démission du chef de l'Etat, les seconds une nouvelle dissolution. "Emmanuel Macron est maintenant en première ligne face au peuple. Il doit partir, réclame le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, au Parisien. En restant, il provoquera une situation plus explosive qu'aujourd'hui." Sur LCI, la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, a annoncé le dépôt dès mardi d'une nouvelle motion de destitution du chef de l'Etat.
Le RN, lui, est désormais tenté de ne plus laisser sa chance à un nouveau Premier ministre issu de la macronie. Selon les informations du Point, confirmées à franceinfo, le groupe RN, qui compte 123 députés, réfléchit à censurer d'emblée le successeur de François Bayrou, afin de forcer le président à convoquer des législatives anticipées. La dissolution n'est pas pour Emmanuel Macron "une option, mais une obligation", a même clamé Marine Le Pen à la tribune de l'Assemblée, lundi.
La dissolution et la démission sont pourtant écartées par le président de la République. "Emmanuel Macron est carbonisé, mais protégé par les institutions. Il restera jusqu'au bout de ce qui va être une longue et pénible séquence", observe une ancienne ministre macroniste. "Cette fin de quinquennat va être laborieuse, pénible, difficile. La politique sera sclérosée et avec peu d'ambition, abonde un député EPR. Le vrai problème, c'est que Bayrou s'est fait sauter trop tôt. J'ai peur qu'on ait encore besoin de deux Premiers ministres pour boucler ce budget." La France a jusqu'au 31 décembre pour adopter le projet de loi de finances pour 2026, sans quoi, la loi spéciale fera son retour. Comme l'année dernière.
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