Accord de paix à Gaza : nourriture, médicaments, carburant... L'aide humanitaire va-t-elle pouvoir entrer dans l'enclave palestinienne ?

Israël et le Hamas ont annoncé un cessez-le-feu et se préparent à des échanges d'otages et de prisonniers. Mais la trêve ne suffira pas à résoudre la catastrophe humanitaire en cours dans le territoire palestinien dévasté par les combats.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des enfants récupèrent de la nourriture lors d'une distribution d'aide alimentaire à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 8 octobre 2025. (MAJDI FATHI / NURPHOTO / AFP)
Des enfants récupèrent de la nourriture lors d'une distribution d'aide alimentaire à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, le 8 octobre 2025. (MAJDI FATHI / NURPHOTO / AFP)

La catastrophe humanitaire va-t-elle bientôt prendre fin dans la bande de Gaza ? Après la signature d'un accord par Israël et le Hamas, jeudi 9 octobre, qui prévoit la libération de tous les otages, l'espoir est grand.

Mais le seul arrêt des combats ne résoudra pas tout dans l'enclave palestinienne. La population gazaouie est toujours en proie à une crise humanitaire régulièrement qualifiée de "terrifiante" et "jamais vue" par les organisations internationales, au point qu'une agence de l'ONU avait, en août, officiellement déclaré l'état de famine dans une partie du territoir, ce qu'Israël a démenti. L'accord de paix va-t-il changer la situation humanitaire ? De l'aide pourra-t-elle être acheminée dans la bande de Gaza, et en quelles quantités ?

Quelle quantité d'aide humanitaire entre actuellement dans la bande de Gaza ?

L'aide actuelle est loin de réopndre aux besoins de la population, selon l'ONU. "Nous avons pu faire entrer moins de 20% par jour du nombre de camions qu'il faudrait envoyer" dans la bande de Gaza, a estimé jeudi le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, le jour de la signature de l'accord, lors d'une conférence de presse. "Nous devrions faire entrer des centaines de camions [chaque jour]", a ajouté le responsable.

Selon les chiffres du gouvernement israélien, entre le 29 septembre et le 5 octobre (la dernière semaine complète avant la signature de l'accord entre Israël et le Hamas), 425 camions sont entrés dans la bande de Gaza via deux points de passage (Kerem Shalom et le point 147), avec 8 877 tonnes d'aide humanitaire à leur bord, dont au moins 7 200 tonnes de nourriture.

D'après l'organisme du ministère de la Défense israélien en charge des affaires civiles dans les Territoires palestiniens (Cogat) sur X, mercredi, "près de 510 camions humanitaires sont entrés dans la bande de Gaza" et plus de 300 camions ont été "collectés par l'ONU et les organisations internationales", après un jour de fermeture des points de passage la veille. Le Cogat dément ralentir l'entrée des camions dans la bande de Gaza et accuse l'ONU de mal s'organiser.

Que prévoit l'accord de paix concernant l'aide humanitaire ?

Selon le plan de paix initial de Donald Trump, présenté par la Maison Blanche le 29 septembre, la validation de l'accord devait être suivie de l'entrée "immédiate" d'aide humanitaire dans la bande de Gaza, dans des quantités "au minimum" égales à celles qui rentraient dans le territoire palestinien lors de la précédente trêve entre les deux camps, du 19 janvier au 1er mars.

Lors de cette trêve, "500 à 600 camions entraient chaque jour" dans la bande de Gaza, a rappelé le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, lors de sa conférence de presse. Selon une déclaration sur la radio de l'armée israélienne rapportée par Al-Jazeera, l'armée prévoit justement d'autoriser l'entrée de 600 camions d'aide par jour (tous fournisseurs confondus).

Le plan initial de la Maison Blanche prévoit que "l'entrée et la distribution d'aide (...) se fera sans interférence des deux camps, à travers l'ONU, ses agences et le Croissant rouge, ainsi que d'autres institutions internationales qui ne sont associées à aucun camp". Le point de passage de Rafah doit également être "ouvert dans les deux sens", "selon le même mécanisme que lors de la trêve de janvier 2025".

Quelle quantité d'aide pourrait être envoyée ?

L'ONU assure avoir préparé un plan détaillé. Elle a prépositionné "170 000 tonnes de nourriture, de médicaments et d'autres biens" et prévoit une montée en puissance pour faire entrer "plusieurs centaines de camions par jour" dans la bande de Gaza pendant soixante jours, explique le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

Le plan des Nations unies prévoit de l'aide alimentaire pour 2,1 millions de personnes, et une aide nutritionnelle plus spécifique pour 500 000 personnes souffrant de malnutrition grave, dont les femmes enceintes et les enfants. Il inclut de la distribution en nature, le soutien aux boulangeries et cuisines collectives, ainsi que de l'argent liquide pour 200 000 familles pour leur permettre d'acheter la nourriture de leur choix. L'ONU compte également fournir de l'eau et des services d'assainissement pour 1,4 million de personnes, en réparant le réseau d'eau, retirant les déchets et fournissant des produits d'hygiène.

L'organisation veut également restaurer le système de santé "décimé", fournir davantage d'équipements et de médicaments, augmenter les évacuations médicales, déployer plus d'équipes médicales d'urgence, renforcer les soins de base et la prise en charge des questions de santé mentale. Enfin, le plan prévoit entre autres de rouvrir des centres d'éducation temporaires pour 700 000 enfants.

Plusieurs autres pays se sont portés volontaires pour participer. L'Allemagne veut organiser avec l'Egypte une conférence internationale pour la reconstruction de la bande de Gaza, dont l'objectif principal "devrait être de répondre aux besoins les plus urgents, comme la reconstruction de l'approvisionnement en eau, en énergie ainsi qu'en soins médicaux", a annoncé le chancelier Friedrich Merz dans un communiqué. L'Allemagne s'engage aussi à fournir 29 millions d'euros supplémentaires d'aide humanitaire et à "aider au soutien médical et psychologique des otages libérés", selon la même source, ainsi qu'à "fournir rapidement des contributions dans le domaine médical, pour équiper les hôpitaux", selon le ministre des Affaires étrangères allemand, Johann Wadephul.

Que manque-t-il encore pour faire entrer suffisamment d'aide humanitaire ?

Pour appliquer son plan, l'ONU réclame "dix choses". Elle demande notamment du carburant (au moins 1,9 million de litres par semaine) et du gaz de cuisson, ainsi que l'ouverture "sans entraves" de "tous les points de passage", rendus plus sûrs et "plus fonctionnels" grâce à des scanners pour accélérer la vérification des camions par Israël.

L'ONU réclame également la protection des travailleurs humanitaires, et surtout, des financements suffisants. "A ce jour, seulement 28% du plan humanitaire 2025 de 4 milliards de dollars pour les territoires palestiniens est financé", alerte Tom Fletcher, qui appelle à la générosité internationale. Les 170 000 tonnes d'aide déjà positionnées par l'ONU ne suffiront pas à couvrir son programme de soixante jours. "Et soyons clairs, ajoute Tom Fletcher, ce problème ne sera pas résolu en deux mois."

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.