Confédération paysanne, Ligue contre le cancer, ONG... Qui sont les principaux opposants à la loi Duplomb et quels sont leurs arguments ?
Les débats autour de cette loi, définitivement adoptée le 8 juillet, ont repris de plus belle après le succès d'une pétition ayant réuni plus d'un million de signatures.
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La contestation contre la loi Duplomb monte encore d'un cran. En quelques jours, une pétition a dépassé le million de signatures, dimanche 20 juillet, ouvrant la voie à un possible débat sans vote à l'Assemblée nationale. L'occasion pour les nombreux opposants à ce texte – qui prévoit de réduire les normes encadrant l'agriculture française – de faire entendre leur voix, malgré l'adoption du texte le 8 juillet dernier. Syndicats agricoles, chercheurs, associations écologistes, partis de gauche... Tour d'horizon des principaux adversaires de cette loi et de leurs arguments.
La Confédération paysanne dénonce un texte "taillé sur mesure pour l'agro-industrie" et la FNSEA
En première ligne face à la loi Duplomb, les agriculteurs sont fortement divisés. Si les deux syndicats majoritaires de la profession – l'alliance FNSEA-Jeunes Agriculteurs et la Coordination rurale – soutiennent le texte, le troisième syndicat y est vigoureusement opposé. "Ce texte entérine des régressions agricoles, sanitaires et écologiques d'une très grande gravité, taillées sur mesure pour l'agro-industrie et portées par les dirigeants de la FNSEA, déconnectés de leur base", tacle la Confédération paysanne dans un communiqué.
Les revendications du premier syndicat agricole de France, dont est issu le sénateur Laurent Duplomb, ont en effet fortement inspiré les mesures prévues dans le texte. Des similitudes "parfois au mot près, comme pour la pulvérisation de pesticides par des drones", ont été relevées par la rubrique Vrai ou Faux de franceinfo, tout comme plus d'une centaine d'amendements portant la mention "suggéré par la FNSEA" ou "réalisé avec la FNSEA". "Nombre de députés ont reçu lettres, courriels et coups de fil de représentants agro-industriels les incitant à voter le texte", rapporte également le média indépendant sur l'écologie Reporterre.
La Ligue contre le cancer fustige la réintroduction d'un pesticide "potentiellement cancérigène"
La principale ONG française de financement de la recherche en oncologie a aussi pris position. La Ligue contre le cancer a "déploré", le 9 juillet, l’adoption définitive de la loi Duplomb "qui réintroduit l’acétamipride, un pesticide interdit depuis 2018 par la France et qui, d'après des études récentes, est potentiellement cancérigène", écrit-elle dans un communiqué. "La Ligue dénonce un camouflet pour le principe de précaution, alors que l’Inserm a établi, depuis 2013, un lien entre l’exposition aux pesticides et certains cancers, lien reconfirmé en 2021", complète-t-elle, en précisant que les principales personnes exposées à ce risque sont... les agriculteurs eux-mêmes.
"Ce texte va à l’encontre des principes mêmes de santé publique. Il affaiblit les protections existantes, fragilise les environnements favorables à la santé et envoie un signal incompréhensible au regard des enjeux sanitaires et environnementaux de notre époque", souligne Francelyne Marano, vice-présidente de la Ligue contre le cancer et professeure émérite en toxicologie à l'université Paris Cité.
D'autres associations d'aide aux personnes atteintes d'un cancer sont montées au créneau. "On est désespérés, en colère de voir qu'on est capables de faire un retour en arrière comme ça", a par exemple dénoncé Frédéric Sotteau, fondateur de l'association Sourire à la vie, auprès de France 3 Bourgogne Franche-Comté.
Les associations écologistes se mobilisent contre "la destruction de l’environnement"
Des dizaines d'associations écologistes ont tenté, pendant des mois, d'alerter sur les risques que faisait peser le texte sur l'environnement et la biodiversité. Réunies au sein du collectif Nourrir, elles ont organisé des manifestations dans toute la France à la fin du mois de juin pour s'opposer à une loi "qui favorise la destruction de l’environnement", selon leur communiqué. Le collectif liste ainsi les mesures qu'il juge préoccupantes : "Dépendance aux pesticides de synthèse, facilitation de l’accaparement de la ressource en eau par l’accélération de la construction des mégabassines, destruction de zones humides, allègement des normes pour les productions animales industrielles..."
Le jour de l'adoption de la loi, Greenpeace a également dénoncé "un jour noir pour la santé publique et l'environnement". L'association Agir pour l'environnement estime, elle, "qu'en renonçant à écouter les alertes de la communauté scientifique, une majorité parlementaire de circonstance verse dans un trumpisme en marche".
Des chercheurs sortent de leur réserve pour dénoncer "la négation des faits scientifiques"
Plus de mille chercheurs, médecins, soignants ont publié, dès le mois de mai, une lettre ouverte aux ministres de la Santé, de l'Agriculture, du Travail et de l'Environnement. Ils y déplorent "une remise en cause de la place de l'expertise scientifique dans le processus d'autorisation de mise sur le marché à travers un affaiblissement du rôle de l'Anses".
L’Institut d’écologie et d’environnement du CNRS est également sorti de sa réserve en déclarant "regretter profondément l’adoption de cette loi à la vision court-termiste et ses conséquences graves sur l’environnement, qui méprise santé et bien-être de la population, [ainsi que] le rôle des espèces sauvages dans la production agricole", rapporte Le Monde. Parmi eux, Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, a répondu aux arguments avancés par le député macroniste Gabriel Attal – qui a voté la loi Duplomb – dans un article publié par le média indépendant sur l'environnement Bon Pote.
D'autres chercheurs sont descendus dans la rue pour porter leur message. "C'est un coup de force antidémocratique pour faire passer cette loi qui est une régression radicale" aussi bien pour l'environnement que pour la santé publique, ainsi qu'une "négation des faits scientifiques sur la dangerosité des pesticides", a déclaré le comité Scientifiques en rébellion, présent fin juin sur l'esplanade des Invalides, à Paris, à l'occasion des manifestations organisées dans toute la France.
Les partis politiques de gauche s'unissent contre un "recul majeur"
A l'Assemblée nationale, toute la gauche et les écologistes ont fait front contre le texte. La loi Duplomb "légalise des pesticides mortifères, organise la privatisation des ressources en eau, exonère de toutes les garanties écologiques ordinaires", a affirmé Aurélie Trouvé, présidente LFI de la commission des affaires économiques et ingénieure agronome de formation. La députée a critiqué "un traité de soumission à l'agrochimie".
Même son de cloche du côté des écologistes. "Le gouvernement a perdu la bataille de l'opinion. Vous avez perdu les scientifiques, les malades des pesticides, les apiculteurs", a lancé la députée écologiste et ancienne ministre Delphine Batho. C'est un "recul majeur", a enfin jugé la députée socialiste Mélanie Thomin.
La gauche a également marqué son opposition au texte en saisissant, vendredi 11 juillet, le Conseil constitutionnel. Les insoumis, écologistes et communistes ont déposé un recours commun, et les socialistes un deuxième, avec des argumentaires similaires. Tous dénoncent un texte incompatible avec la préservation de l'environnement et le droit à la santé, ainsi qu'un détournement de la procédure parlementaire, avec l'adoption d'une motion de rejet préalable déposée par le rapporteur du texte afin d'esquiver les amendements déposés par la gauche à l'Assemblée nationale.
Un chef étoilé exprime sa "honte" de vivre dans le département du sénateur Duplomb
Un opposant inattendu à la loi portée par Laurent Duplomb a également surgi sur les réseaux sociaux. Il s'agit du chef triplement étoilé Jacques Marcon. "Aujourd’hui j’ai honte de vivre en Haute-Loire, département dont vous êtes sénateur !", a lâché le chef du restaurant gastronomique situé à Saint-Bonnet-le-Froid. Sur Instagram, Jacques Marcon évoque une loi "qui privilégie une agriculture intensive et néfaste pour les générations futures". Sa publication a été partagée plus de 1 300 fois en quelques jours.
La réponse du sénateur de Haute-Loire ne s'est pas fait attendre. "Dénoncer une agriculture productiviste tout en racontant des histoires idéalisées en mode 'Martine à la ferme', sur des menus à des prix inaccessibles pour la très grande majorité des Français, ne vous donne pas le droit de donner des leçons aux agricultrices et agriculteurs qui nourrissent la France", a rétorqué Laurent Duplomb sur Facebook. De quoi faire reprendre la plume au chef étoilé. "Avec cette loi, nous allons avoir une agriculture nocive pour l’homme, pour la nature, dévouée au commerce extérieur et, je vous rejoins, sans agriculteurs… Il ne restera que des industriels agricoles", a réaffirmé Jacques Marcon dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, dimanche 20 juillet.
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