Lutte contre le narcotrafic : le "dossier-coffre" pour "masquer" les techniques des enquêteurs ne fait pas consensus

C'est l'une des mesures contenue dans la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic. Le texte propose l'instauration d'un procès-verbal distinct pour rendre plus secrètes les techniques d'enquêtes policières.

Article rédigé par franceinfo
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Des enquêteurs de la police judiciaire, le 16 avril 2012. (GERARD JULIEN / AFP)
Des enquêteurs de la police judiciaire, le 16 avril 2012. (GERARD JULIEN / AFP)

C'est un texte très attendu qui va être débattu à partir de ce mardi 28 janvier au Sénat : la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic. Il est notamment proposé la création d'un parquet national anticriminalité organisée et un office des stupéfiants renforcé sur le modèle de l'agence de lutte antidrogue américaine. Le texte propose aussi la création d'un statut de repenti.

Si, dans l'ensemble il fait consensus, plusieurs propositions font débat, comme l'idée de créer un procès-verbal distinct - ou "dossier-coffre" - pour ne pas divulguer à la défense certaines techniques d'enquête sensibles, ou la possibilité accordée aux préfets de prononcer des "interdictions de paraître" sur les points de deal. Le ministère de la Justice évalue ainsi à 130 millions d'euros les moyens nécessaires à la création du Pnaco.

"Ces structures très organisées savent s'adapter"

En effet, dans des enquêtes toujours plus délicates face à des malfaiteurs organisés, il s'agit de garder secrètes certaines techniques policières employées. Un principe qui fait bondir les avocats. C'est une juge d'instruction rompue aux dossiers de criminalité organisée qui dresse le constat, il y a un an face aux sénateurs. "Ces structures sont très organisées et elles savent s'adapter pour échapper aux forces de l'ordre", explique-t-elle à l'époque.

Devant la commission d'enquête, Sophie Aleksic explique les difficultés auxquelles elle se heurte au quotidien : "Nos dossiers judiciaires sont régis par le principe du contradictoire et on expose tout ce que l'on fait, ce qui permet aux trafiquants de savoir comment ils ont été interpellés et de pouvoir s'adapter".

"Permis de tricher"

Message reçu par les sénateurs qui, pour éviter que les trafiquants sachent comment les enquêteurs les surveillent, proposent de ne rendre accessible aux avocats que le résultat des investigations, en laissant confidentiels les procès-verbaux qui détaillent les techniques d'enquêtes comme les indicateurs, les agents infiltrés et surveillances techniques. Pour Romain Boulet, vice-président de l'association des avocats pénalistes, cela constitue une atteinte aux droits de la défense. "On donne aux services de police et aux magistrats un permis de tricher dans un contexte qui semble parfaitement légitime à l'opinion publique à savoir que le but est d'attraper des méchants garçons. Je suis pour ma part persuadé que c'est en multipliant les policiers et les magistrats qu'on luttera beaucoup plus efficacement plutôt qu'en rognant sur les droits de la défense."

Des avocats qui pourront contester la constitutionnalité de ce "dossier-coffre", inspiré de la Belgique où le dispositif a été validé.

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