Définition pénale du viol : la mission parlementaire propose "d’intégrer la notion de non-consentement" dans la loi tout en conservant les critères actuels

"La nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique, donné librement, et peut être retiré à tout moment", est-il écrit dans le rapport final publié mardi.

Article rédigé par franceinfo
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Une pancarte sur l'absence de consentement brandie lors du rassemblement contre les violences à l'agard des femmes, le 23 novembre 2024. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)
Une pancarte sur l'absence de consentement brandie lors du rassemblement contre les violences à l'agard des femmes, le 23 novembre 2024. (JULIEN MATTIA / LE PICTORIUM / MAXPPP)

La mission parlementaire portant sur la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, lancée en 2023, propose "d’intégrer la notion de non-consentement" dans la loi, selon le rapport final publié mardi 21 janvier par deux députées, Véronique Riotton (Ensemble pour la République) et Marie-Charlotte Garin (Écologiste et Social - NFP), co-rapporteures du texte, que franceinfo a pu consulter. "L’absence de consentement doit permettre de distinguer la sexualité de la violence. La nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique, donné librement, et peut être retiré à tout moment", est-il écrit.

"Par l’introduction de la notion de consentement, ça va nous permettre de nos concentrer sur l’auteur, sur la façon dont il s’est assuré de ce consentement", explique Véronique Riotton, députée Ensemble pour la République de Haute-Savoie, co-rapporteure de cette mission parlementaire, invitée sur franceinfo mardi. Parmi les autres "grandes orientations" du rapport, les parlementaires conseillent de "conserver" et "consolider" les quatre critères de la définition actuelle, c’est-à-dire la référence au recours à la violence, à la menace, à la contrainte et à la surprise, "afin de conserver l’acquis jurisprudentiel".

Le texte propose aussi d'"apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes", pour "éviter que l’investigation ne soit centrée uniquement sur la plaignante ou que la notion de consentement ne se retourne contre elle (victimes vulnérables, stratégies de certains agresseurs)". "Cela conduit les enquêteurs, les juges, à interroger davantage les agissements de la personne mise en cause et à apprécier la validité du consentement à l’aune des vulnérabilités éventuelles de la victime."

La quatrième et dernière "orientation", consiste à "préciser les cas où le consentement ne saurait être déduit", notamment dans les situations "où la victime est dans l’incapacité d’exprimer son refus" et "les situations dans lesquelles la vulnérabilité de la victime est exploitée".

"La criminalité sexuelle ne recule pas"

Pour justifier cette redéfinition pénale, les parlementaires indiquent que "malgré des avancées, la criminalité sexuelle ne recule pas" et qu'un "climat d’impunité perdure". "Toutes les deux minutes, une personne est victime de violences sexuelles. Pourtant, huit victimes sur dix, de viols, tentatives de viol et agressions sexuelles hors cadre familial n’ont pas porté plainte", rappelle le rapport.

Les victimes "se censurent" et sur le peu de victimes qui portent plainte, "le ministère de la Justice comptabilisait 73% de classement sans suite en matière de violences sexuelles en 2018, bien que l’auteur soit souvent identifié", précisent encore les co-rapporteures. "C’est parce que les auteurs ne sont pas massivement condamnés que le climat d'impunité perdure (1 206 condamnations pour viol en 2022)", fustige le rapport. "Les victimes renoncent à porter plainte parce qu’elles ont peur que ça ne serve à rien", regrette Véronique Riotton, également présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. 

"La notion de consentement est souvent instrumentalisée par les auteurs"

Les parlementaires jugent que la notion de "consentement" manque à la loi actuelle et que "faute de définition claire, le consentement est souvent instrumentalisé par les agresseurs ('Je ne pouvais pas savoir', 'Elle n’a rien dit'), ce qui alimente les stéréotypes sur le viol, complique les dépôts de plainte et engendre de nombreux classements sans suite, au détriment des victimes". "On voit bien que la loi n'est pas assez répressive", affirme Véronique Riotton. "Aujourd'hui, la situation de crime ne recule pas assez", ajoute-t-elle.

"Près de 10 ans après la naissance du mouvement #Metoo et comme l’a à nouveau illustré le procès dit 'de Mazan', la lutte contre la culture du viol doit être une priorité : la lutte contre la culture du viol nécessite une loi plus claire et plus lisible", justifie le rapport, indiquant que la société continue de véhiculer des stéréotypes de "'bonne' victime" et de "'vrai' viol".

Enfin, le respect des "engagements internationaux" de la France est considéré comme une autre raison de modifier la définition du viol, notamment pour se conformer à la Convention d’Istanbul, ratifiée par la France en 2014, qui "fait clairement référence à l’absence de consentement, examinée à la lumière des circonstances environnantes, dans la définition du viol".

"Renforcer les moyens pour lutter contre la culture du viol"

Pour finir, la mission parlementaire reconnaît que "la modification de la loi ne suffira pas, à elle seule, à répondre à l’ensemble des difficultés rencontrées par les victimes de violences sexuelles, qui sont multifactorielles". Mais cette modification "peut être une pierre à l’édifice, un jalon dans le changement de paradigme attendu par les associations féministes, les professionnels, et une grande partie de l’opinion publique".

"Pour porter ses fruits", cette réforme doit être "accompagnée de moyens renforcés pour l’ensemble de la chaîne judiciaire et d’une lutte résolue contre la culture du viol", tiennent à préciser les parlementaires. Ainsi, "l’accès effectif sur l’ensemble du territoire à l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars)" doit y jouer "un rôle essentiel". La réforme doit "permettre au droit pénal de mieux remplir ses fonctions répressives, protectrice et expressive", est-il écrit dans le rapport. Les objectifs affichés sont de "mieux prévenir", "mieux reconnaître" et "mieux réprimer" les viols et les agressions sexuelles.

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