Parquet spécialisé, "dossier-coffre", nouveau statut des repentis... Voici les principales mesures de la loi sur le narcotrafic après l'accord entre députés et sénateurs

Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, lors du débat sur le texte sur le narcotrafic, à l'Assemblée nationale, le 1er avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, et le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, lors du débat sur le texte sur le narcotrafic, à l'Assemblée nationale, le 1er avril 2025. (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Le Parlement va se prononcer, fin avril, sur la version du texte validée en commission mixte paritaire afin de mieux lutter contre le trafic de drogue.

Après des semaines de débat et de tensions, le clap de fin approche pour la proposition de loi sur le narcotrafic, soutenue par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, et le ministre de la Justice, Gérald Darmanin. Un accord a été noué, jeudi 10 avril, entre députés et sénateurs, lors d'une commission mixte paritaire, sur ce texte très attendu pour lutter contre le trafic de drogue, porté par le sénateur LR Etienne Blanc, et le sénateur PS Jérôme Durain.

Cette rédaction commune sera soumise à un ultime vote dans les deux chambres, le 28 avril au Sénat et le lendemain à l'Assemblée nationale, dernière étape avant la promulgation de la loi. Parquet spécialisé, nouveau régime carcéral d'isolement, mesures répressives et outils pour les enquêteurs... La dernière version du texte semble promise à une adoption confortable malgré plusieurs points irritants pour la gauche. Franceinfo vous dévoile ce qu'elle contient.

L'instauration d'un parquet spécialisé et d'un nouveau régime d'isolement

Au cœur de la proposition de loi, se trouve la création d'un Parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), qui fait relativement consensus et devrait voir le jour en janvier 2026. Sur le modèle des parquets financier (PNF) et antiterroriste (Pnat), le Pnaco serait saisi des crimes les plus graves et complexes.

Le texte prévoit aussi de créer des quartiers de haute sécurité dans les prisons, où seraient affectés les trafiquants les plus dangereux, sur décision du garde des Sceaux, après avis du juge de l'application des peines pour une personne condamnée.

L'affectation à ces quartiers fera l'objet d'un réexamen périodique après un an, selon le texte définitif. L'Assemblée avait opté pour un délai plus long, de deux ans. Ce régime, inspiré des lois italiennes antimafia, prévoit des fouilles intégrales encadrées en cas de contacts sans surveillance d'un agent, ou encore un accès restreint au téléphone.

La création d'un "dossier-coffre"

C'est une mesure décriée par la gauche et les avocats, mais défendue par le gouvernement : la création lors des enquêtes d'un procès-verbal distinct, ou "dossier-coffre", pour ne pas divulguer certaines informations aux trafiquants et à leurs avocats. La date, l'heure, le lieu d'utilisation de techniques spéciales d'enquête, comme la sonorisation ou la captation des données informatiques, seront inscrits dans un PV à part.

Après avis du Conseil d'Etat, le dispositif a été restreint aux cas de nature à mettre en danger la vie ou l'intégrité physique d'une personne. Les éléments recueillis ne pourront pas être utilisés pour une condamnation sans que le PV distinct soit révélé. Sauf si ces éléments sont absolument nécessaires "à la manifestation de la vérité".

Le recours au renseignement algorithmique et à la surveillance à distance

Le texte prévoit une expérimentation pour recourir au renseignement algorithmique, technique déjà autorisée pour la prévention du terrorisme et des ingérences étrangères. Elle vise à permettre l'analyse d'un volume considérable de données à l'aide d'un algorithme, pour produire des alertes révélant possiblement une menace. Une mesure contestée par une partie de la gauche. En revanche, le dispositif décrié qui visait à contraindre les services de messagerie chiffrée (Signal, WhatsApp...) à communiquer les correspondances des trafiquants aux services de renseignement n'a pas été réintroduit dans la version du texte validée en commission mixte paritaire.

Autre mesure technologique : la possibilité, dans le cadre d'une enquête, d'activer à distance un appareil électronique, à l'insu de son propriétaire, afin de procéder par exemple à des écoutes. Une telle technique ne pourrait toutefois pas concerner les appareils mobiles d'un député, sénateur, magistrat, avocat, journaliste ou médecin.

La refonte du statut de repentis et la création d'un statut d'"infiltrés civils"

Les parlementaires ont voté pour un régime plus attractif du régime des repentis, ces personnes impliquées dans des réseaux mais collaborant avec la justice. Avec le nouveau dispositif, elles pourraient voir leur peine réduite jusqu'aux deux tiers de la peine initiale.

Les parlementaires ont aussi acté la création d'un statut d'"infiltrés civils", ces informateurs rémunérés qui pourraient, sous conditions strictes, être autorisés par le futur Pnaco à infiltrer les réseaux. Mais ces infiltrés devront s'inscrire dans un "parcours de sortie de la délinquance" établi par une convention avec le Pnaco, avec interdiction de commettre toute violence volontaire. Ces informateurs seront dûment contrôlés après leur infiltration, pendant dix années durant lesquelles le moindre crime ou délit commis réactivera les peines précédemment encourues.

Le ciblage des lieux liés au trafic de stupéfiants

Les préfets pourront prononcer une interdiction de paraître d'un mois maximum dans les lieux liés à des activités de trafic de stupéfiants pour les personnes y participant. Le préfet pourra aussi saisir un juge pour faire expulser de son logement toute personne dont les agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants troublent l'ordre public.

Le texte permet aussi aux préfets de prononcer la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment, pour une durée allant jusqu'à six mois, éventuellement prolongée de six mois supplémentaires par le ministre de l'Intérieur. Une mesure voulue par le Rassemblement national, permettant aux maires de procéder à ces fermetures administratives, a finalement été retirée du texte.

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