Narcotrafic : qu'est-ce que l'article 41-bis, le régime carcéral italien dont Gérald Darmanin pourrait s'inspirer ?

Article rédigé par Bruno Duvic
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Gérald Darmanin pendant la passation de pouvoir avec son prédécesseur au ministère de la Justice, décembre 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)
Gérald Darmanin pendant la passation de pouvoir avec son prédécesseur au ministère de la Justice, décembre 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Le ministre français de la Justice est attendu lundi à Rome pour visiter le centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d'isolement et de surveillance particulièrement draconien.

Nom de code : 41-bis. Gérald Darmanin, est attendu lundi 3 février à Rome, en Italie, pour une visite d'étude du régime carcéral italien réservé aux détenus les plus dangereux, dans le cadre de son projet de créer un établissement de haute sécurité pour les plus gros narcotrafiquants.

Le ministre français de la Justice doit visiter le centre pénitentiaire romain de Rebibbia, où une cinquantaine de détenus appartenant au crime organisé sont soumis à un régime d'isolement et de surveillance particulièrement draconien. L'un des objectifs est de voir s’il pourrait être appliqué en France aux narcotrafiquants les plus dangereux que Gérald Darmanin veut voir rassemblés dans "une prison de haute sécurité", d'ici fin juillet. Il souhaite notamment priver ces détenus de moyens de contacter l'extérieur sans contrôle et de poursuivre leurs activités de narcotrafic depuis leur cellule. 

"Carcere duro"

En Italie, un tel régime carcéral est déjà en place, né au tournant des années 80-90, au plus fort de la lutte anti-mafia. Connu sous le nom de 41-bis, ce dispositif, régulièrement dénoncé par les ONG de défense des droits, est appliqué essentiellement à des prisonniers poursuivis pour crimes mafieux et terroristes.

De fait, l'article 41-bis du règlement pénitentiaire suspend les conditions habituelles de détention. Et ses règles se sont durcies au fil des années. Concrètement, les détenus sont en isolement total. Ils ne peuvent croiser que trois autres prisonniers au maximum, soigneusement sélectionnés pour n’avoir aucun lien entre eux avant la détention. Ils peuvent sortir deux heures par jour de cellule, avoir un parloir et un appel téléphonique par mois. Le tout intégralement enregistré. Le moindre objet personnel y est également réglementé, jusqu’à la taille des photos. L'un des objectifs – au-delà du principal : empêcher les contacts avec l’extérieur - étant de réduire l’aura des "boss" mafieux.

Le régime de "prison dure" est applicable quatre ans, puis renouvelable tous les deux ans sans limite de durée. Certains détenus vivent dans ces conditions depuis une trentaine d’années. C’est sur décision du ministère de la Justice italien que ce régime est appliqué : s'il est susceptible d'un recours devant un juge, celui-ci n'est quasiment jamais accordé, sachant que la prison à perpétuité réelle existe en Italie.
Les gardiens, qui appartiennent à un groupe spécial de la police pénitentiaire, tournent tous les six mois dans ces établissements. Onze prisons possèdent des quartiers de ce type, toutes situées à Rome et au nord de la capitale, autrement dit loin des régions historiques de la mafia.

Au-delà de la sévérité du régime, la particularité italienne est dans le nombre élevé de détenus qui y sont soumis, même s’ils ne représentent que 1% du total des prisonniers italiens. Ils sont 739, presque tous sont liés aux principaux groupes mafieux et groupes criminels organisés de la péninsule. Il y a également quelques condamnés pour faits de terrorisme. Douze femmes sont actuellement soumises au régime 41-bis.

Des limites à ce système

Parmi les limites avancées par l’ancien garant des prisons : certaines mesures de privations sortent de l’objectif principal - éviter les contacts avec l’extérieur. C’est ainsi que l’interdiction de cuisiner en cellule a été levée. Les détenus peuvent désormais le faire, le matériel leur est retiré une fois le repas préparé. 

Autre limite : si l’imperméabilité avec l’extérieur est quasi-totale, certains chefs de clans s’organisent pour nommer des hommes à leur place avant d’entrer en prison et maintenir la continuité des activités criminelles le temps de leur détention. Enfin, les contacts étant limités à quatre personnes en tout, il n’y a presque aucune activité sociale ou de réinsertion pour ces prisonniers, et ce pendant des années : il est difficile de connaître leur état d’esprit lorsqu’ils retrouvent la liberté.

En tout, 16% des détenus en Italie, soit environ 10 000 personnes, sont emprisonnés dans des conditions extrêmement strictes. Car au-delà des quartiers 41-bis, existent les zones de "haute sécurité", un peu moins contraignantes, et où vivent 9 264 personnes.

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