"Dans certains cas, ça pourrait être une solution..." : plus de 40 ans après l'abolition de la peine de mort, environ un Français sur deux favorable à son rétablissement

Alors que Robert Badinter fait son entrée au Panthéon, jeudi, les Français sont toujours divisés quant à l'abolition de la peine de mort, 44 ans après.

Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le ministre de la Justice Robert Badinter lors de l'examen de son projet de loi sur l'abolition de la peine de mort, le 17 septembre 1981 à l'Assemblée nationale. (MICHEL CLEMENT / AFP)
Le ministre de la Justice Robert Badinter lors de l'examen de son projet de loi sur l'abolition de la peine de mort, le 17 septembre 1981 à l'Assemblée nationale. (MICHEL CLEMENT / AFP)

Robert Badinter entre au Panthéon, jeudi 9 octobre. Lui, le chantre de la lutte contre la peine de mort, lui qui a prononcé devant les députés le 17 septembre 1981 un discours qui mena, un mois plus tard, à l'abolition de la peine capitale, lui qui sut également aller à l'encontre de l'opinion publique puisqu'à l'époque une grande majorité de Français y était favorable. Mais aujourd'hui, qu'en est-il ? Que pensent les Français de la peine de mort ? Même si juridiquement, il est quasi impossible de la rétablir, d'après plusieurs études, ils sont toujours divisés : environ un Français sur deux y est favorable.

La question fait toujours débat, notamment dans des communes qui ont été marquées par un fait divers violent. C'est le cas à Villefontaine, une ville de l'Isère secouée il y a cinq ans par le meurtre de Victorine, âgée de 18 ans, alors qu'elle rentrait chez elle.

La question du rétablissement de la peine de mort est loin d'être tabou. Même chez ceux qui s'y opposent comme Pascal, conducteur de travaux : "Mon avis est plutôt contre... Maintenant, on a tous été attristés par cet événement, par cette atrocité qui est arrivée à Victorine et à sa famille. Les gens commencent à y repenser et c'est important d'en débattre."

"Je pense qu'il faut stopper le mal à la source"

Et le débat existe oui, entre les Français, entre ces deux collègues également, Jérémy et Victor, tous les deux vendeurs dans un magasin de vêtements. "Moi, je suis contre, personnellement. Il faut montrer qu'on est plus intelligents qu'eux. La peine de mort c'est trop facile parce que s'ils sont enfermés toute leur vie, ce sera beaucoup plus compliqué que de mourir. Ça, c'est trop simple", estime Jérémy. "Moi, je suis plutôt pour la peine de mort parce que je trouve que certains actes peuvent détruire à vie des personnes ou des groupes. Du coup, je pense qu'il faut stopper le mal à la source parce que sinon, ils pourraient re-agir", ajoute Victor.

Parmi les arguments de ceux qui sont contre la peine de mort, on parle souvent de l'erreur judiciaire. Si la justice condamne à mort un innocent, on ne peut pas revenir en arrière. Un argument que comprend Victor.

"Pour moi, c'est la dernière des solutions, dans des cas exceptionnels..."

Victor

à franceinfo

Les arguments évoqués par Robert Badinter lui-même peinent encore à convaincre. Corinne qui est fonctionnaire ne s'en cache pas. Le meurtre de Victorine n'a fait que renforcer sa conviction, elle est pour la peine de mort, même si : "Je trouve malgré tout que c'est un peu barbare. J'ai conscience aussi que c'est tuer... Mais voilà, dans certains cas, je trouve que ça pourrait être une solution. Combien on en voit qui sortent et qui récidivent ? Mais c'est facile à dire, je n'aimerais pas être celle qui donne la mort."

"Un être humain n'a pas à décider de la vie d'un autre être humain"

Corinne parle du risque de récidive, d'autres habitants expliquent que l'insécurité perçue comme grandissante peut expliquer la hausse ces dernières années du nombre de Français pro peine de mort. Quant aux études d'opinion, elles font remonter ce phénomène aux attentats de 2015 en France.

En tout état de cause, seulement la moitié des Français sont contre la peine capitale aujourd'hui. Frédérique, qui est retraitée de l'enseignement, le déplore : "Pour moi, un être humain n'a pas à décider de la vie d'un autre être humain et puis je crois qu'il y a toujours une rédemption possible." Frédérique, pour autant, a bien conscience que ces arguments-là sont loin de faire consensus aujourd'hui en France.

Plus de 40 ans après l'abolition de la peine de mort, plus d'un Français sur deux favorable au rétablissement de la peine capitale. Le reportage de Boris Loumagne

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.