"Une guérilla parlementaire pour chaque article" : comment les discussions budgétaires vont se dérouler à l'Assemblée, sans 49.3
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Après le rejet des motions de censure, jeudi, le projet de loi de finances 2026 va bien être examiné par les députés, à partir de mardi prochain.
La bataille budgétaire aura bien lieu. Les motions de censure déposées par La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) ayant été rejetées jeudi 16 octobre par l'Assemblée, l'agenda parlementaire va pouvoir dérouler son calendrier traditionnel. À l'automne, l'essentiel des débats est consacré à l'étude du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les débats en séance publique débuteront vendredi 24 octobre dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, après un examen du texte en commission des finances en début de semaine.
Sébastien Lecornu a fixé la méthode lors de sa déclaration de politique générale, ramassée dans une formule qu'il a utilisée à maintes reprises. "Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez", a-t-il répété mardi devant les députés. Que va changer cette nouvelle manière de faire par rapport aux discussions budgétaires qui se sont déroulées depuis 2022, notamment avec le renoncement au 49.3 ?
"La machine à s'auto-concasser va se mettre en place"
"Je pense que la discussion va être chaotique", juge Harold Huwart. Le député Liot considère que "le travail de préparation qui permet d'établir des points de convergence n'a pas eu lieu. La machine à s'auto-concasser les uns les autres va se mettre en place avec une surenchère de démagogie." Comme lors des dernières années, les débats autour de la fiscalité devraient avoir un retentissement auprès de l'opinion publique. Mais le sujet des retraites va s'imposer. "La question de la suspension de la réforme des retraites va quand même planer un bon moment sur les débats jusqu'à ce qu'elle soit examinée, juge la députée communiste Elsa Faucillon. On va être vigilants sur les compensations qui sont demandées. C'est l'enjeu politique autour de la non-censure du PS." Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, mercredi, Sébastien Lecornu a précisé que la question sera abordée courant novembre via un amendement déposé dans le cadre du PLFSS.
Au PS, justement, Olivier Faure et Boris Vallaud ont fait passer ce message : la non-censure ne signifie pas qu'il n'y aura pas d'âpres négociations budgétaires. "Votre point de départ ne sera pas notre point d'arrivée", a prévenu le président du groupe socialiste à l'Assemblée, promettant de se battre sur les questions de justice fiscale. "La négociation budgétaire dans l’hémicycle va être très dure, mais la démocratie parlementaire mérite qu’on prenne des risques", estime un député socialiste auprès du service politique de France Télévisions.
"Ça va être une guérilla parlementaire sur chaque article. Ça va chauffer. Il y aura des moments de tension", pronostique le député MoDem Erwan Balanant. "Mais c'est très bien, ça va permettre de recentrer les choses au Parlement", juge-t-il. Le bras de fer entre la gauche et le socle commun sera arbitré par le Rassemblement national. "Quand on voit Jean-Philippe Tanguy [monsieur Budget au RN] lors des dernières questions au gouvernement, on a compris que le parti de Marine Le Pen va être très présent et très virulent pendant les débats", conclut le député breton.
"Ça va être un budget Frankenstein"
De nombreux points de discorde se joueront lors des séances de nuit, où traditionnellement arrivent les coups de théâtre et les surprises, en fonction des rapports de force et de la présence physique de chaque camp dans l'hémicycle. "Il faudra que les groupes s'organisent bien pour assurer la présence de leurs députés à chaque moment", explique Harold Huwart.
"Ça va être un budget Frankenstein", prévient Pieyre-Alexandre Anglade, député EPR des Français de l'étranger, évoquant le risque d'amendements adoptés tour à tour ou rejetés dans des scénarios où la majorité ne cesse de se recomposer à chacun des articles étudiés. "Un budget fourre-tout dans lequel les dépenses et les impôts explosent sans aucune cohérence d'ensemble", poursuit-il. Car le renoncement à l'usage du 49.3 implique que le gouvernement ne pourra pas choisir les amendements qu'il retient dans la version définitive qu'il soumet au vote. "Sans 49.3, la possibilité qu'un budget sérieux soit adopté à la fin est nulle", affirme sévèrement Harold Huwart.
Les débats vont aussi se tendre à cause du calendrier, serré. La Constitution prévoit que les discussions autour du projet de loi de finances (PLF) ne peuvent pas excéder 70 jours, et pour le budget de la Sécurité sociale (PLFSS), ce sera 50. Si l'examen du texte n'est pas arrivé à son terme au bout de ce délai, le gouvernement peut reprendre la main et légiférer par ordonnance, via l'article 47 de la Constitution. "C'est le bâton qu'a prévu la Ve République pour éviter l'instabilité des régimes précédents", explique Mathilde Philip-Gay, professeure de droit constitutionnel à la faculté de droit de Lyon.
La menace d'une censure va continuer de planer
Ce risque de dépossession peut-il décourager les groupes, notamment les insoumis, de faire de l'obstruction parlementaire ? "Ce budget ne leur convient pas, il ne nous convient pas non plus, on a tout intérêt à aller au bout de la discussion", commente une élue MoDem. Car si le gouvernement légifère par ordonnance, c'est le budget initial non amendé qu'il peut reprendre, ce que craint par exemple le député LFI Eric Coquerel.
Les constitutionnalistes ne sont toutefois pas tous d'accord sur cette possibilité. Certains avancent que le gouvernement devra reprendre le budget au point où en sont les discussions. "La Constitution, c'est une pratique. Et comme l'article 47 n'a jamais été mis en œuvre, il y a des différences d'interprétation", contextualise Mathilde Philip-Gay. D'autres élus ne croient pas à un stratagème du gouvernement pour prolonger les débats et reprendre la main. "Ça serait paradoxal de renoncer au 49.3 pour finir par recourir aux ordonnances", estime un député du bloc central.
Face à cette éventualité, les oppositions ne sont pas désarmées. Le renoncement au 49.3 ne garantit pas au gouvernement d'éviter d'être renversé. Il le met à l'abri d'une motion de censure dite "provoquée" par l'utilisation de ce mécanisme. Mais il ne le protège en rien d'une motion de censure "spontanée". "Si on se fait balader, on enverra tout balader", promet Boris Vallaud, patron des députés PS, dans une interview à L'Humanité. L'usage de cette motion est seulement limitée par le nombre de signataires. Un député peut signer jusqu'à trois motions de censure au cours d'une même session parlementaire ordinaire, d'octobre à juin. C'est pourquoi le RN et l'UDR (le groupe d'Eric Ciotti, allié de celui de Marine Le Pen) ont déposé un texte signé seulement par 58 députés, le seuil minimum requis, qui correspond au dixième de députés, afin de ne pas griller toutes ses cartouches d'un coup.
Le RN "se prépare toujours à une dissolution"
Cette menace d'une nouvelle motion de censure va planer jusqu'à la fin des débats, à partir du début du mois de décembre. "Avec cette promesse de non-censure des socialistes, on s'est acheté un peu moins de deux mois de tranquillité", estime, fataliste, un élu du bloc central. "Je suis sûr que ça ne tient pas longtemps. Il y a trop de pression de la base militante du PS et de LR pour une censure, juge le député RN Julien Odoul. Pendant cette période, on sera à l'Assemblée pour déposer nos amendements, mais on sera aussi en circonscription, car on se prépare toujours à une dissolution."
Vote final avec adoption ou rejet, censure ou recours aux ordonnances, ce sera l'heure de vérité, une nouvelle fois pour le nouveau gouvernement. "Je ne sais pas comment ça va être tranché à la fin, analyse la communiste Elsa Faucillon. Mais ce que je vois, c'est que Sébastien Lecornu a réussi pour l'instant à renverser le récit et à faire porter la charge de la responsabilité sur les parlementaires plutôt que sur lui-même ou sur Emmanuel Macron. C'est une façon de dire : 'Regardez, les parlementaires n'y arrivent pas', si un budget n'est pas voté à la fin." Une manière de les rendre responsables en cas de nouvel échec, qui pourrait entraîner une nouvelle dissolution du président de la République.
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