Rejet du retour de Bruno Le Maire, coup de pression de Bruno Retailleau... Comment le gouvernement de Sébastien Lecornu a implosé en moins de 24 heures
Sébastien Lecornu, qui avait promis "ruptures" et "changements de méthode", a dévoilé un gouvernement peuplé d'anciens ministres, suscitant l'indignation jusque dans son propre camp, et précipitant sa chute.
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Il a préparé son équipe pendant 26 jours pour tenir seulement quelques heures. Sébastien Lecornu a annoncé sa démission, lundi 6 octobre, au lendemain de l'annonce de ses ministres de plein exercice. La composition du gouvernement avait déclenché l'ire des oppositions, mais aussi du mal nommé "socle commun", qui a passé la soirée à se déchirer.
Après de longues semaines et l'annonce de "ruptures" et de "changements de méthode" avec les précédents gouvernements, celui de Sébastien Lecornu était attendu de pied ferme. Le nouveau Premier ministre avait organisé de nombreuses rencontres avec les partis du socle commun, les formations d'opposition et les partenaires sociaux, afin de "s'accorder sur le quoi, avant le qui", selon son entourage. Cela n'a pas suffi. Retour sur les quelques heures qui ont vu tomber le plus éphémère gouvernement de la Ve République.
Dimanche à 19h44 : les oppositions dénoncent un gouvernement à l'opposé de la "rupture" promise
C'est peu dire que la liste des ministres de plein exercice, composée de nombreuses personnalités reconduites, surprend. On y trouve ainsi Elisabeth Borne, Gérald Darmanin, Catherine Vautrin, Rachida Dati, Agnès Pannier-Runacher, Amélie de Montchalin, Jean-Noël Barrot, Manuel Valls, mais aussi le nouvel entrant Eric Wœrth, tout juste relaxé dans le procès des soupçons de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy.
Les oppositions ne laissent pas passer l'affront. "Le gouvernement annoncé ce soir, composé des derniers macronistes agrippés au radeau de la Méduse, a décidément tout de la continuité, absolument rien de la rupture que les Français attendent", attaque le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, sur X. Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, dénonce sur le même réseau social des "macronistes qui s'accrochent au pouvoir", des "sortants qui ont tout raté et qui reviennent par la fenêtre", des "combinards de LR qui font monter les enchères pour avoir plus de postes".
Dimanche soir : le retour de Bruno Le Maire ne passe pas
Un nom en particulier concentre les attaques : celui de Bruno Le Maire, nommé au ministère des Armées. Ministre de l'Economie et des Finances d'Emmanuel Macron de mai 2017 à septembre 2024, figure du "quoiqu'il en coûte" et du dérapage budgétaire de l'Etat, il avait pourtant déclaré que son retour était "totalement exclu", dans une interview à L'Usine nouvelle, le 22 septembre. Il justifie son retour, sur X, par "les circonstances exceptionnelles que traverse la France".
Sans convaincre. "Bruno Le Maire, c'est l'incarnation des pires échecs des quinquennats Macron et du déni des évidences que nous essayions de défendre", confie alors un député LR à franceinfo. "Bruno Le Maire, qui a puisé dans la poche des Français pour creuser la dette, qui maintenant ose prétendre à un ministère, c'est la prime à l'échec", lance sur TF1, dimanche soir, le porte-parole du RN Laurent Jacobelli. Le lendemain, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, dénonce pour sa part, sur France Inter, une "véritable provocation" : "L'homme qui a contribué à creuser la dette de 1 000 milliards d'euros revient aujourd'hui demander des efforts aux Français."
Dimanche soir : Les Républicains se disent floués et menacent de retirer leur soutien
C'est Bruno Retailleau qui tire le premier coup. Le président du parti Les Républicains, reconduit au ministère de l'Intérieur, se fend pourtant d'une publication sur X où il critique "la composition du gouvernement [qui] ne reflète pas la rupture promise". Il convoque un comité stratégique des Républicains lundi à 11h30. "On nous a fait des promesses sur la composition du gouvernement, et quand la composition a été dévoilée, ce n'étaient pas les mêmes noms", précise sur franceinfo Julien Aubert, vice-président du parti, qui raconte avoir découvert avec "stupéfaction" les noms des ministres.
Les tractations entre LR et Sébastien Lecornu avaient pourtant continué jusqu'à dimanche en début d'après-midi, avec une réunion en visioconférence. Le président de LR avait jugé que la lettre adressée par Sébastien Lecornu aux cadres du socle commun "[répondait] à certaines attentes, mais pas à toutes". Les participants à la réunion avaient voté en majorité pour rester au gouvernement, mais le parti avait prévenu dans un communiqué qu'il ne donnait "pas un blanc-seing".
"Il y avait le soutien sans participation… Bruno Retailleau invente la participation sans soutien", tacle la députée macroniste Prisca Thevenot sur X. Mais en filigrane, c'est bien "la question de la participation de LR qui est sur la table", insiste l'entourage de Bruno Retailleau auprès de franceinfo. Si le comité stratégique de LR se prononce contre la participation au gouvernement, Sébastien Lecornu peut perdre le soutien du cinquième groupe à l'Assemblée avec une cinquantaine de députés.
David Lisnard, maire de Cannes et vice-président de LR, laisse entendre sur X qu'il quittera le parti en cas de participation de LR au gouvernement. La ministre de la Culture, Rachida Dati, est une des rares figures du parti de droite à plaider pour le soutien au gouvernement, arguant sur X que "sortir du gouvernement quelques heures après avoir accepté d'y participer, c'est jouer le chaos et le désordre".
Dimanche, à 23 heures : l'UDI quitte le socle commun
L'annonce intervient en toute fin de soirée. L'Union des Démocrates et Indépendants se désolidarise du socle commun. "L'UDI reprend son entière liberté", déclare le parti, qui pointe une "vraie rupture" entre la composition du gouvernement et les "préoccupations des Français".
La ministre du Logement sortante, Valérie Létard, suit le mouvement en annonçant sur X qu'elle ne participera pas au gouvernement Lecornu. Plus grave pour le camp présidentiel : l'UDI compte 7 députés et 25 sénateurs, et détient avec LR la majorité au Sénat, sur laquelle le gouvernement s'appuie depuis l'arrivée à Matignon de Michel Barnier en septembre 2024.
Dimanche soir : le président de Renaissance, Gabriel Attal, dénonce un "spectacle affligeant"
Même au sein de son propre parti, Sébastien Lecornu n'est pas épargné. "Ce soir, le spectacle envoyé par l'ensemble de la classe politique est affligeant", écrit le président du parti Renaissance dans un message diffusé aux députés EPR sur Telegram. Gabriel Attal y dénonce "les petits jeux, les places, les postes, les postures". L'ex-Premier ministre ajoute qu'il n'a "exigé pour [Renaissance] aucun poste, aucune fonction, aucun titre", et estime que "nous n'avons en aucun cas à nous sentir coupables de cela".
Lundi, à 9h43 : Sébastien Lecornu démissionne
La conclusion ne se fait pas attendre très longtemps. Sébastien Lecornu présente sa démission au président de la République, qui l'accepte, lundi peu avant 10 heures. "On ne peut pas être Premier ministre lorsque les conditions ne sont pas remplies", se justifie l'éphémère Premier ministre lors d'une prise de parole dans la cour de Matignon. "Les formations politiques ont fait mine de ne pas voir la rupture profonde que constituait le fait de ne plus se servir de l'article 49.3", soutient Sébastien Lecornu. Il raconte que la composition du gouvernement n'a pas été "fluide" et a réveillé "des intérêts partisans".
Il ajoute qu'"il faut toujours préférer son pays à son parti" et "savoir écouter ses militants, mais penser aux Françaises et aux Français", comme un message à l'attention de Bruno Retailleau. Sébastien Lecornu enterre ainsi le gouvernement le plus bref de la Ve République, qui aura duré à peine plus d'une douzaine d'heures. Sa chute plonge la France dans une crise politique sans précédent.
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