"Reprendre les mêmes, ça donnera les mêmes résultats" : quand Bruno Le Maire disait "non" à un retour au gouvernement

A peine annoncé, le gouvernement de Sébastien Lecornu semble plus que jamais menacé. En cause, notamment, le retour de l'ancien ministre de l'Economie... qui jurait pourtant il y a encore deux semaines qu'il ne reviendrait pas.

Article rédigé par Xavier Allain
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, le 25 juillet 2024 à Paris. (ANDREA SAVORANI NERI / NURPHOTO)
Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, le 25 juillet 2024 à Paris. (ANDREA SAVORANI NERI / NURPHOTO)

Un faux départ. Critiqué de toutes parts et fragilisé de l'intérieur par la fronde des Républicains de Bruno Retailleau, le gouvernement de Sébastien Lecornu paraît déjà proche de l'implosion lundi 6 octobre, dès son premier jour. Le locataire de Matignon est attendu à 16h à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres autour d'Emmanuel Macron, accompagné des 18 ministres nommés dimanche soir dans l'équipe gouvernementale.

Mais aura-t-il tenu jusque-là ? Très remonté face à une composition qui "ne reflète pas la rupture promise", le patron de LR, Bruno Retailleau, a convoqué d'urgence le conseil stratégique du parti gaulliste dans la matinée. En cause, notamment : la présence de Bruno Le Maire.

"Symbole de la dérive des finances publiques et du recyclage"

Le retour surprise aux Armées de l'ancien ministre de l'Economie est le symbole, pour la droite, du dérapage budgétaire des dernières années de gouvernements macronistes. "Bruno Le Maire, c'est le pompon", lâchait, dimanche soir, un proche de Bruno Retailleau à franceinfo, tandis qu'une autre source au sein du parti estime auprès de France Inter que "ça ne va pas, c'est l'homme de la dette".

Un autre député LR confie à franceinfo : "Bruno Le Maire, c'est l'incarnation des pires échecs des quinquennats Macron et du déni des évidences que nous essayions de défendre. Cette composition reflète davantage les échecs des huit dernières années que le nécessaire redressement du pays." Un autre ajoute : "Les retours terrain sont catastrophiques. Pour nous, Bruno Le Maire, c'est le symbole de la dérive des finances publiques et du recyclage."

Quand Bruno Le Maire jugeait un retour au gouvernement "totalement exclu"

Pourtant, Bruno Le Maire, parti de Bercy en septembre 2024, jurait encore il y a moins de deux semaines qu'il ne reviendrait pas dans un gouvernement. Dans un entretien daté du 22 septembre dernier dans L'Usine nouvelle, Bruno Le Maire assurait que c'était "totalement exclu". Et de préciser : "J'ai fait le choix en juin 2024, après notre défaite aux élections législatives, de me mettre en retrait de la vie politique. J'ai considéré que nous n'avions plus les marges de manœuvre nécessaires pour agir clairement et fermement au service des Français. Je n'ai pas changé d'avis", avait-il ajouté.

Il avait profité de cet entretien pour égratigner les politiques gouvernementales post-dissolution : "La baisse des impôts de production a été stoppée, la loi sur la simplification est au point mort, les incertitudes politiques minent la confiance des investisseurs. Résultat : les défaillances repartent à la hausse et on détruit à nouveau des emplois industriels. Quel saccage".

"Ce que j'entends partout, c'est 'pourquoi on vous croirait ?'"

Et ce n'était pourtant pas la première fois que Bruno Le Maire jurait qu'on ne l'y reprendrait plus, comme en novembre 2016, dans un entretien à France Culture. Celui qui était alors candidat à la primaire de la droite et du centre lançait un plaidoyer pour la crédibilité des responsables politiques d'alors : "Dans tous les déplacements que j'ai faits, ce que j'entends partout, c'est 'pourquoi on vous croirait ?'. La première réponse est que ce n'est peut-être pas la peine de reprendre ceux qui vous ont déçu, qui ont gouverné le pays, si vous ne voulez pas à nouveau être trompé, à nouveau être déçu. Reprendre les mêmes, ça donnera les mêmes résultats".

"Circonstances exceptionnelles"

Après avoir donc "totalement exclu" d'entrer au gouvernement il y a seulement quinze jours, Bruno Le Maire a toutefois justifié son revirement, dimanche soir à l'annonce de son nom aux Armées sur X : "Dans les circonstances exceptionnelles que traverse la France, on ne se dérobe pas. J'ai donc accepté la proposition du président de la République et du Premier ministre de diriger le ministère des Armées et des Anciens Combattants", a-t-il écrit.

Avant de préciser : "Je viens pour servir les Français. Je viens pour servir nos soldats. Je le ferai avec la passion et la détermination qui m'ont toujours guidé dans mon engagement public, notamment dans mes fonctions de conseiller aux affaires stratégiques et de secrétaire d'État aux Affaires européennes."

Un positionnement qui fait résonner une autre sortie médiatique de Bruno Le Maire : "Tout homme politique honnête est tiraillé entre la lucidité qui peut le porter au pessimisme et la volonté qui doit le porter à l'espoir", expliquait ainsi Bruno Le Maire, le 9 mai 2023 sur France Culture. Et de conclure : "L'homme politique est celui qui dispose d'une certaine lucidité, mais qui garde l'espoir".

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