"Cela va dans le mur" : pourquoi la reconduction du "moine-soldat" Sébastien Lecornu comme Premier ministre s'annonce très risquée
/2023/06/06/647efdcbc766b_images.jpg)
/2025/10/10/000-78ej8ke-68e97f5c3b1e2753178908.jpg)
Le président de la République a fait le choix de nommer une nouvelle fois l'ancien ministre des Armées à Matignon. Une décision qui interroge sur la longévité du futur gouvernement.
"Ce soir, je considère que ma mission est terminée". Sur le plateau de France 2 mercredi 8 octobre au soir, Sébastien Lecornu tourne la page de Matignon. "Je ne cours pas après le job", appuie encore le Premier ministre démissionnaire, ajoutant avoir "tout essayé" après avoir accepté une mission de quarante-huit heures de consultation des partis politiques. Dans la foulée de cette interview, l'Elysée promet de nommer un nouveau chef de gouvernement d'ici à vendredi.
Deux jours plus tard, c'est finalement au terme d'une journée marathon, lors de laquelle Emmanuel Macron a reçu pendant plus de deux heures à l'Elysée de nombreux chefs de partis, que le couperet tombe vers 22 heures par un communiqué : "Le président de la République a nommé M. Sébastien Lecornu Premier ministre, et l'a chargé de former un gouvernement". Une seconde fois, donc.
"On a quitté la planète Terre"
L'ancien patron des Armées est plus prolixe. "J'accepte – par devoir – la mission qui m'est confiée par le président de la République de tout faire pour donner un budget à la France pour la fin de l'année et de répondre aux problèmes de la vie quotidienne de nos compatriotes, écrit dans un long message sur X le nouveau chef du gouvernement. Il faut mettre un terme à cette crise politique qui exaspère les Français et à cette instabilité mauvaise pour l'image de la France et ses intérêts." Et le Premier ministre d'assurer que "la nouvelle équipe gouvernementale devra incarner le renouvellement et la diversité des compétences (…). Je ferai tout pour réussir cette mission", poursuit-il encore.
Sauf que la mission de Sébastien Lecornu, qui semblait déjà bien compliquée avant sa première nomination, a tout, aujourd'hui, d'une mission impossible. Car en une semaine, la vie politique française a traversé une forte période de turbulences dont les conséquences s'annoncent durables. Avant l'officialisation tardive, la petite musique de la possible reconduction de Sébastien Lecornu a plongé le bloc central – largement divisé après les sorties d'Edouard Philippe et de Gabriel Attal contre Emmanuel Macron – dans des abîmes de perplexité.
"Je ne comprends pas que ce que l'on fait dans cette galère, ni pourquoi même on parle de Lecornu II, soupirait dans l'après-midi un influent député macroniste. Cela n'a aucun sens, en fait." "C'est le rêve de Macron, un Lecornu II avec un gouvernement de préfets et [non] plus de ministres !, s'agaçait également un macroniste. Il n'est plus lucide sur la situation et son entourage ne l'est plus non plus. On a quitté la planète Terre."
"Il y a un côté : 'Je vous emmerde, je fais ce que je veux'"
Les mêmes mots étaient employés par la droite alors que le socle commun, coalition de LR et du bloc central, a implosé durant la semaine. "Le pire qu'il puisse faire, c'est Lecornu II. Ils veulent que l'info principale soit 'gouvernement technique' mais ça sera l'armée des clones, glisse une source chez LR à France Télévisions. Macron va occuper tous les postes."
"Le président de la République ne vit plus dans notre monde depuis bien longtemps."
Un cadre socialisteà franceinfo
La nomination d'un gouvernement Lecornu II serait synonyme de "censure directe", s'énervait même un député socialiste, alors qu'au sein des macronistes, on se demandait comment le PS pourrait "être OK avec ça".
A l'annonce officielle de la nouvelle nomination de l'ex-ministre des Armées, les socialistes ont immédiatement démenti tout "deal" avec Emmanuel Macron, tandis que certains médias relayaient l'existence d'un tel accord. "Nous n'avons aucune assurance ni garantie. Tout ça est de l'intox totale", assure-t-on au sein du groupe socialiste. Avec cette nomination, "il y a un côté : 'Je vous emmerde, je fais ce que je veux !'", décrypte un cadre du parti. "On n'est plus près d'une censure que d'une non-censure. Je ne vois pas le trou de souris" pour ne pas censurer, affirme encore un parlementaire socialiste.
Les autres partis de gauche ont, eux, immédiatement fait part de leur indignation. "Choix inacceptable. Encore", a déploré sur X le patron des communistes, Fabien Roussel. "Jamais un Président n'aura autant gouverné par le dégoût et la colère. Lecornu, démissionné lundi, est de nouveau nommé par Macron vendredi", a fustigé sur X la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, proposant aux autres députés de gauche "de signer une motion de censure immédiate". "Je ne vois aucun argument pour ne pas le censurer", a livré la patronne des Ecologistes, sur franceinfo, ajoutant que son parti attendrait néanmoins le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.
Au RN, aucun suspense. "Le Rassemblement National censurera bien sûr immédiatement cet attelage sans aucun avenir, dont l'unique raison d'être est la peur de la dissolution, c'est-à-dire du peuple", a prévenu sur X le patron du parti d'extrême droite, Jordan Bardella. "Cela va dans le mur", analyse le politologue et constitutionnaliste Benjamin Morel. "C'est surtout le risque d'attiser la colère", ajoute-t-il. "Les groupes politiques, même s'ils craignent la dissolution, risquent d'être poussés à la censure pour répondre à cette colère".
"Corriger les défauts de Lecornu I"
Comment, dans ces conditions, Sébastien Lecornu pourrait-il espérer poursuivre son bail à Matignon ? Dans son entourage, on assure que le Premier ministre qui a "un caractère de moine-soldat" promet une équipe gouvernementale qui ne reproduira pas "les mêmes erreurs" que la précédente, nommée dimanche dernier. La reconduction de plusieurs poids lourds macronistes et le retour de Bruno Le Maire au gouvernement avaient agacé profondément la droite et conduit Bruno Retailleau à signifier son mécontentement. "Les sujets de discussion avec les oppositions pendant les consultations doivent faire l'objet d'un suivi : c'est une question de confiance vis-à-vis de nos interlocuteurs", promet encore l'entourage du Premier ministre sur les changements à venir.
Suffisant ? Sa reconduction était "la seule solution", veut croire un conseiller d'un ministre démissionnaire. "Il faut virer les têtes connues et lâcher les retraites. Corriger les défauts de Lecornu I", poursuit-il. Même son de cloche du côté d'un influent député macroniste. Sébastien Lecornu "va lâcher", sur "les deux jours fériés, les 5% de déficit, la réforme des retraites, le non-recours au 49.3, la taxation des holdings". A ces conditions, "je ne vois pas comment les socialistes peuvent le censurer", espère le même interlocuteur.
Du côté de LR, le Premier ministre peut nourrir un espoir. Les députés LR, réunis en visio vendredi soir, se sont exprimés majoritairement pour un soutien au socle commun, selon des participants à franceinfo. Il va falloir aller vite désormais. Le projet de budget doit être soumis au plus tard lundi 13 octobre en Conseil des ministres.
À regarder
-
Cédric Jubillar : 30 ans de prison pour meurtre
-
Mal de dos : comment le soigner
-
Faire des têtes au foot, c'est stylé, mais...
-
En Chine, le plus haut pont du monde est devenu une attraction touristique
-
Quand t’es collé en forêt
-
À Marseille, la Bonne Mère retrouve sa couronne
-
Meurtre de Lola : ce qu’il s’est passé
-
Chili : un miracle dans le désert
-
Faux diplômes : tricher pour se faire embaucher
-
Vignes : des algues pour remplacer les pesticides
-
Du Maroc au Népal, en passant par Madagascar, la génération Z structure ses luttes sur Discord
-
À Londres, le café c'est dans les toilettes
-
De la propagande russe dans nos infos locales
-
Ordures ménagères : une taxe toujours plus chère
-
Temu, Shein... ça va coûter plus cher ?
-
C'est très compliqué dès qu'on parle de la France
-
Départ anticipé d’E. Macron : “La seule décision digne qui permet d’éviter 18 mois de crise”
-
Donald Trump : le Venezuela dans sa ligne de mire
-
Hommage à Samuel Paty : des minutes de silence "inutiles" pour sa sœur.
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Otages français en Iran : l'appel de détresse de leurs familles
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
-
Menace des drones : la France déploie ses armes
-
Un couple sauvé des eaux au Mexique
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter