"Il se retrouve dans une situation intenable" : Bruno Retailleau peut-il vraiment quitter le gouvernement à propos de la proportionnelle ?
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Opposé à la réforme du mode de scrutin aux législatives, le ministre de l'Intérieur brandit la menace d'une démission. Celui qui préside Les Républicains tente de concilier deux casquettes parfois difficiles à porter.
"Chaque semaine, on veut me faire démissionner." Au micro de RTL, mercredi 4 juin, Bruno Retailleau a esquivé la question de son départ du gouvernement, sans l'exclure. Pourtant, le ministre de l'Intérieur a lui-même évoqué cette hypothèse, pour protester contre le projet de réforme du mode d'élection des députés. Sur le perron de l'hôtel de Matignon lundi soir, le nouveau président du parti Les Républicains a redit son opposition au scrutin proportionnel, défendu par le Premier ministre. "Toutes les options sont ouvertes", a-t-il affirmé, n'excluant pas de quitter le gouvernement. Un coup de pression dans l'espoir d'enterrer la proportionnelle ?
Fraîchement élu à la tête des Républicains le 18 mai, l'élu vendéen a ainsi voulu réaffirmer ce qui constitue une ligne rouge historique pour la droite. Un vote unanime du bureau politique du parti contre cette réforme l'a réaffirmé le 28 mai. Selon Les Républicains, elle risque de pérenniser l'absence de majorité à l'Assemblée et rendre le pays "ingouvernable". "J'ai dit au Premier ministre que si on voulait incruster dans l'Assemblée nationale, cette instabilité qui rend le pays difficilement gouvernable, alors il fallait faire la proportionnelle", a répété le locataire de la Place Beauvau sur RTL.
"Il n'a pas d'autre choix que de répondre de manière forte"
Bruno Retailleau mène ainsi son premier bras de fer avec François Bayrou depuis qu'il a pris les rênes des Républicains. "Il porte désormais la voix de la droite", justifie l'entourage du ministre. "Ce n'est pas une petite affaire : est-ce que la France peut se sortir des crises et faire voter un budget avec le scrutin proportionnel ? Non, donc on ne transigera pas", tonne le sénateur LR Marc-Philippe Daubresse. "Si cette réforme devait être menée, ce n'est pas un ministre qui sortira, ce sont tous les ministres LR qui sortiront du gouvernement", menace l'élu du Nord.
"Si François Bayrou persiste, il rompt le pacte avec Les Républicains et toutes les options sont ouvertes, y compris la censure."
Marc-Philippe Daubresse, sénateurà franceinfo
L'affaire n'est pas simple pour Bruno Retailleau, désormais coiffé d'une double casquette. En tant que ministre de l'Intérieur, chargé de l'organisation des élections, il serait logiquement missionné pour porter la réforme du scrutin législatif. Mais comme patron des Républicains, il lui faut défendre la ligne du parti de droite. Ce haussement de ton face à Matignon est aussi un signal envoyé à ses propres troupes, où certains n’ont pas digéré son entrée au gouvernement. En particulier Laurent Wauquiez, le président du groupe LR à l'Assemblée, sèchement battu dans la course à la présidence du parti de droite, qui a accusé son rival de manquer de liberté de parole durant la campagne. Fin mai, le député de Haute-Loire a même déposé une proposition de loi "contre la proportionnelle" afin d'inscrire dans la Constitution le mode d'élection actuel des députés, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
"Bruno Retailleau se retrouve dans la situation intenable que l'on craignait : comment on fait quand on est à l'intérieur du gouvernement pour dire qu'on n'est pas d'accord avec le Premier ministre", soupire un député proche de Laurent Wauquiez.
"S'il y en a un qui espère que Bruno Retailleau va démissionner, c'est bien Laurent Wauquiez."
Un député LRà franceinfo
"C'est la course à l'échalote avec Wauquiez. En public, ils s'embrassent, et en privé, ils se tirent la bourre", s'amuse un parlementaire macroniste. "Sa déclaration sur une éventuelle démission, c'est pour ne pas faire pâle figure à côté de Wauquiez, et pour peser dans la consultation, en posant des lignes rouges", poursuit ce cadre de Renaissance. Il n'est pas le seul à voir dans cette menace un levier de négociation davantage qu'un réel préavis de départ. "Il n'a pas d'autre choix que de répondre de manière forte et ferme, pour montrer que c'est un sujet important pour lui et LR", observe le député macroniste Sébastien Huyghe, ancien élu des Républicains et opposé à la proportionnelle.
"Etre au gouvernement lui donne de l'aura"
Devant les députés, Bruno Retailleau s'est d'ailleurs montré plus mesuré mardi, affirmant qu'il fallait faire pression sur le Premier ministre, mais que si Les Républicains devaient quitter le gouvernement, ce devait être sur un sujet "audible pour les Français", rapporte une source. "C'est le syndrome Pierre et le loup, peut-être qu'il démissionnera, peut-être qu'il ne démissionnera pas, et alors ?", sourit le député MoDem Erwan Balanant, fervent défenseur de la réforme. "Il ne faut pas qu'on se laisse enfermer là-dedans", prévient un député LR pour qui brandir la censure ou la démission n'est pas la bonne méthode.
La possibilité d'une démission permet toutefois au ministre de l'Intérieur d'accroître la pression sur François Bayrou et de critiquer son sens des priorités, alors qu'une autre réforme électorale, la loi dite Paris-Lyon-Marseille sur le scrutin municipal dans ces trois métropoles, est poussée par le gouvernement, au grand dam des Républicains. Rejeté par le Sénat, le texte doit revenir à l'Assemblée en deuxième lecture, soit faire l'objet d'une commission mixte paritaire, une option fustigée par la droite qui qualifie ce texte de "tripatouillage électoral", à moins d'un an des municipales.
Mais le Palois sera-t-il sensible aux menaces de Bruno Retailleau ? Pour l'heure, le chef du gouvernement n'a pas répondu à son ministre, se contentant de poursuivre son cycle de consultations des différents partis. Le MoDem semble plus déterminé que jamais à faire aboutir un texte, grâce au soutien du Rassemblement national, d'une partie de la gauche et du parti présidentiel. Au risque de pousser le Vendéen vers la sortie ?
"Ce serait une catastrophe pour le gouvernement de perdre Bruno Retailleau car il est devenu très populaire."
Sébastien Huygue, députéà franceinfo
Mais le ministre de l'Intérieur aurait certainement beaucoup à perdre, lui aussi, s'il mettait sa menace à exécution, à deux ans de l'élection présidentielle. En quelques mois, son poste lui a permis de se faire connaître du grand public et de voir sa cote grimper dans l'opinion et chez les militants LR. "L'intérêt quand on a des ambitions présidentielles, c'est d'être visible, et donc il faut rester au gouvernement", défend un député LR. Jusqu'à quand ? "Il va forcément sortir à un moment, c'est un homme en campagne. Mais je ne pense pas qu'il démissionnera maintenant, car être au gouvernement lui permet d'avoir une aura", tranche la députée macroniste Prisca Thévenot. Tant qu'un texte de réforme n'est pas officiellement sur la table du Conseil des ministres, Bruno Retailleau peut à la fois ménager son aura et sa famille politique.
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