Proportionnelle aux élections législatives : qu'en pensent les différents partis politiques ?

Depuis le 28 avril, François Bayrou sonde tour à tour les principales formations politiques sur l'instauration d'un nouveau mode de scrutin pour élire les députés.

Article rédigé par franceinfo
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L'Assemblée nationale pendant une session de questions au gouvernement, le 21 mai 2025. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)
L'Assemblée nationale pendant une session de questions au gouvernement, le 21 mai 2025. (TELMO PINTO / NURPHOTO / AFP)

Les consultations à Matignon se poursuivent. Depuis le 28 avril, le chef du gouvernement reçoit tour à tour les principaux partis politiques et groupes parlementaires pour connaître leur point de vue sur l'instauration de la proportionnelle pour les prochaines élections législatives. Après le Rassemblement national, Horizons, La France insoumise ou encore le Parti socialiste, c'est au tour des Ecologistes de rencontrer François Bayrou, lundi 26 mai à 20 heures.

Les défenseurs du scrutin à la proportionnelle considèrent que cette méthode permet une meilleure représentation du peuple à l'Assemblée. Sous la Ve République, tous les députés français ont été élus au scrutin majoritaire à deux tours, sauf en 1986. Cette année-là, François Mitterrand avait instauré un scrutin proportionnel, sans que cela n'empêche la défaite des socialistes au profit du RPR de Jacques Chirac, qui restaurera le scrutin majoritaire.

Pour faire adopter sa réforme, François Bayrou va devoir convaincre les députés au sein d'une Assemblée divisée. Franceinfo fait le tour des opinions des différents camps politiques sur le sujet.

Le camp présidentiel divisé

• Une revendication de longue date du MoDem. Le MoDem, dirigé par François Bayrou depuis sa création en 2007, réclame depuis longtemps l'application de ce scrutin. Il plaide pour une proportionnelle intégrale, organisée au niveau des départements, avec un seuil de 5% pour obtenir des sièges, sur le modèle utilisé lors des élections législatives de 1986. A la sortie de son rendez-vous à Matignon, vendredi, Marc Fesneau, numéro 2 du parti, a sans surprise affirmé que ce mode de scrutin était "un bon chemin" pour le "pluralisme" politique et "l'esprit de compromis". Il a assuré ne pas être fermé à l'idée de fixer un seuil de députés à partir duquel la proportionnelle s'appliquerait dans chaque département.

• Ensemble pour la République souhaite conserver le scrutin actuel. En 2018, Emmanuel Macron avait appelé de ses vœux l'instauration d'un système mixte avec 15% des députés élus à la proportionnelle, mais la réforme avait été abandonnée. Reçus à Matignon le 1er mai comme représentants du camp présidentiel, Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve ne semblaient pas emballés par les plans du Premier ministre, considérant que le scrutin actuel était "le moins pire des scrutins". Au sein du parti, tout le monde n'est pas sur la même ligne : la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est pour sa part favorable à la proportionnelle dans les départements comptant au moins 11 députés.

• Horizons s'y oppose. L'ex-Premier ministre et président du parti Horizons Edouard Philippe est, lui aussi, plutôt défavorable à ce mode de scrutin. Sur le palier de Matignon, il a affirmé que la proportionnelle conduirait à "une absence de majorité" et pourrait "distendre le lien entre l'électeur et le député"

La gauche plutôt favorable, le PS et le PCF hésitants

Si l'instauration de la proportionnelle figurait dans le programme du Nouveau Front populaire lors des élections législatives de 2024, les partis de gauche ne sont plus alignés sur le sujet. 

• Les Ecologistes pour un scrutin proportionnel régional. Cette proposition est un combat de longue date des Ecologistes. La sénatrice écologiste Mélanie Vogel avait déposé en juillet 2024 une proposition de loi visant à instaurer une proportionnelle basée sur des circonscriptions régionales. "On peut peut-être trouver un meilleur découpage électoral. Mais pour la lisibilité du débat, il vaut mieux partir de quelque chose que l'on connait déjà", estimait-elle auprès de franceinfo en janvier. Le parti est reçu lundi 26 mai par le Premier ministre.

• La France insoumise défend aussi un scrutin proportionnel régional. Reçus par François Bayrou le 6 mai, Manuel Bompard et Bastien Lachaud ont défendu un scrutin "qui permet de garantir à la fois un besoin de représentativité des différents courants politiques" et "une exigence de gouvernabilité (…) de représentation territoriale". Selon le coordonnateur national de LFI, leur position rejoint celle des Ecologistes. 

• Le Parti socialiste n'a pas tranché. Oliver Faure, premier secrétaire du PS, s'est entretenu avec le Premier ministre le 20 mai. "On nous a donné quelques hypothèses de travail sur lesquelles nous allons maintenant réfléchir et nous n'avons donné aucune conclusion définitive à notre entretien", a-t-il déclaré à la sortie du rendez-vous. "On ne résout pas une crise politique avec un mode de scrutin", avait-il taclé le matin même sur France 2. L'ancien président François Hollande est lui beaucoup plus enthousiaste : "A titre personnel, je suis maintenant convaincu que ce mode de scrutin est nécessaire, depuis les élections qui viennent d'avoir lieu", avait-il affirmé sur RTL en septembre 2024.

Place publique pour une proportionnelle régionale. Après une heure d'entretien vendredi 23 mai, le coprésident du parti Raphaël Glucksmann s'est dit favorable à un mode de scrutin proportionnel "régional". "La proportionnelle, c'est la clarification, c'est l'esprit de compromis, c'est la sincérité face aux électrices et aux électeurs. C'est aussi une représentativité infiniment plus démocratique que le système actuel", a argumenté l'eurodéputé.

• Le Parti communiste français n'est pas fixé. Pour Fabien Roussel, secrétaire national du parti, le changement du mode de scrutin n'est "pas la priorité" des citoyens, qui sont d'abord préoccupés par leur "pouvoir d'achat". Il a par ailleurs jugé "un peu vague" le projet qui défend une proportionnelle intégrale par département, comme en 1986, et "attend de savoir quel sera le texte complet".

Les Républicains ne veulent pas en entendre parler 

Historiquement, le parti de droite est contre l'idée d'un mode de scrutin à la proportionnelle. Si le nouveau patron du parti, Bruno Retailleau, ne sera reçu à ce sujet que cette semaine par François Bayrou, son opposition ne fait guère de doute. "La proportionnelle, c'est le plus sûr moyen de ne pas donner à la France une majorité", a-t-il déclaré le 30 avril sur Europe 1 et CNews.

Son adversaire malheureux pour la tête de LR, Laurent Wauquiez, est sur la même longueur d'ondes. "Je suis contre la proportionnelle", avait déclaré fin avril le patron des députés LR sur BFMTV. "On va institutionnaliser le chaos politique qui deviendra la règle."

Le Rassemblement national emballé

Reçus dès le premier jour des consultations, Jordan Bardella et Marine Le Pen sont favorables à une modification du scrutin. Le Rassemblement national (RN) plaide pour une proportionnelle intégrale, avec une prime pour la liste arrivée en tête. "Cette mesure attribuerait un pourcentage supplémentaire de sièges au parti arrivé en tête. "Cela permet de faire coïncider proportionnelle et stabilité gouvernementale", considère le député RN Laurent Jacobelli.

Cependant, après leur entretien avec François Bayrou, les dirigeants du RN se sont montrés prêts à se ranger à la proposition du Premier ministre, qui ne comprend pas de prime majoritaire. "La proportionnelle intégrale par département" comme en 1986 "nous apparaît être un moindre mal par rapport à un système majoritaire qui aujourd'hui ne permet pas que chaque voix des Français soit entendue", a affirmé Marine Le Pen.

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