Nucléaire iranien : on vous explique le retour des sanctions de l'ONU contre l'Iran, samedi soir à minuit

Les pays occidentaux reprochent à Téhéran de chercher à se doter de la bombe atomique, mais la République islamique dément l'accusation.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 7min
Massoud Pezeshkian, président de l'Iran, s'exprime lors de l'Assemblée générale des Nations unies, le 24 septembre 2024, à New York. (MICHAEL M. SANTIAGO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)
Massoud Pezeshkian, président de l'Iran, s'exprime lors de l'Assemblée générale des Nations unies, le 24 septembre 2024, à New York. (MICHAEL M. SANTIAGO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Un retour dix ans en arrière. Les sanctions de l'ONU contre l'Iran seront formellement rétablies, samedi 27 septembre à minuit, après l'échec des négociations. Les puissances occidentales estiment ne pas avoir reçu les gages nécessaires sur le programme nucléaire iranien et ont déclenché un mécanisme appelé "snapback", qui permet de rétablir des sanctions en cas de rupture d'un pacte signé à Vienne en 2015. De son côté, Téhéran assure n'avoir "jamais cherché à fabriquer une bombe atomique". On vous explique.

Que reprochent les Occidentaux à l'Iran ?

Les pays occidentaux accusent la République islamique de chercher à se doter de l'arme atomique, ce que nie Téhéran. Les diplomates français, anglais et allemands dénoncent l'accumulation par l'Iran d'un stock total d'uranium enrichi "plus de 40 fois" supérieur à la limite fixée par l'accord de Vienne. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), l'Iran est le seul pays non doté de l'arme nucléaire à enrichir l'uranium à un niveau élevé (60%), proche du seuil technique de 90%, nécessaire à la fabrication de la bombe atomique.

Un accord avait pourtant été conclu en 2015 pour encadrer les activités nucléaires de l'Iran, mais celui-ci est devenu caduc après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018, pendant le premier mandat de Donald Trump. Jugeant le pacte rompu, l'Iran s'est alors progressivement affranchi de ses engagements.

La situation s'est encore dégradée après la guerre de 12 jours lancée mi-juin par Israël et poursuivie par l'armée américaine, qui a bombardé des sites nucléaires stratégiques pour l'Iran. Les pourparlers américano-iraniens ont alors été interrompus, tandis que Téhéran a officiellement suspendu sa coopération, déjà limitée, avec l'AIEA.

Qu'est-ce que le "snapback" qui permet de rétablir les sanctions ?

Il faut revenir un peu en arrière. En 2015, le Conseil de sécurité de l'ONU a entériné, via la résolution 2231, un pacte qui prévoyait un encadrement des activités nucléaires iraniennes en échange de la levée des sanctions qui pesaient sur le pays. L'accord a été signé à Vienne par la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne (un trio appelé "groupe E3"), ainsi que les Etats-Unis, la Russie et la Chine.

Cette résolution contenait une clause présentée comme une innovation diplomatique majeure, permettant d'imposer à nouveau de manière automatique les mesures punitives contre l'Iran en cas de violation du pacte. Aucun membre permanent du Conseil de sécurité (Chine, France, Royaume-Uni, Russie et Etats-Unis) ne peut y mettre son veto.

Concrètement, un des pays signataires de l'accord pouvait saisir le Conseil de sécurité s'il jugeait que l'Iran ne respectait pas ses engagements. A partir de là, un délai de 30 jours débutait, au bout duquel, si aucune résolution n'était adoptée pour prolonger la levée des sanctions, elles seraient réappliquées. Le 28 août, les chefs de la diplomatie de l'E3 ont déclenché le "snapback", après avoir dressé une liste des engagements violés par l'Iran.

La Russie et la Chine ont tenté in extremis, vendredi, de prolonger de six mois l'accord de 2015, mais le Conseil de sécurité des Nations unies a rejeté la proposition. D'où l'entrée en vigueur des sanctions, dans la nuit du 27 au 28 septembre. 

Quelles sont les mesures qui touchent l'Iran ?

Les sanctions comprennent un embargo sur les armes conventionnelles, avec l'interdiction de toute vente ou transfert d'armes à l'Iran. L'importation, l'exportation et le transfert de pièces, de biens et de technologies liés au programme nucléaire et balistique seront aussi prohibés.

Les avoirs détenus à l'étranger par des personnes ou entités iraniennes liées à ce programme seront gelés. Les personnes désignées comme parties prenantes aux activités prohibées pourront se voir interdire la circulation dans les Etats membres de l'ONU. Ces derniers devront aussi restreindre les activités bancaires et financières (fourniture de services, de financements) qui pourraient aider l'Iran dans ses programmes nucléaires ou balistiques. Et les personnes ou entités qui violeraient les dispositions pourraient voir leurs biens bloqués à l'international.

Des mesures européennes ont également été adoptées avec l'objectif d'avoir un impact direct sur l'économie iranienne. 

Comment réagit l'Iran ?

Téhéran se défend d'avoir l'ambition de se doter de l'arme atomique, mais insiste sur son droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour produire de l'électricité. Le président iranien, Massoud Pezeshkian, affirme que les Etats-Unis ont exigé de l'Iran qu'il leur remette "tout" son uranium enrichi en échange d'une prolongation pour trois mois d'une suspension des sanctions, qualifiant cette requête d'"inacceptable".

"Dans quelques mois, ils auront une nouvelle exigence et diront (de nouveau) qu'ils veulent rétablir le 'snapback'."

Massoud Pezeshkian, président iranien

Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, estime que les Européens ont ignoré les efforts de son pays. Début septembre, l'Iran et l'AIEA avaient annoncé être parvenus un nouvel accord de coopération. L'agence a d'ailleurs confirmé, vendredi, que des inspections de sites nucléaires avaient bien repris dans la semaine.

Quel impact pour l'économie iranienne ?

Le retour des sanctions va ajouter "une couche de sanctions multilatérales aux sanctions unilatérales des Etats-Unis déjà en place", résume Ali Vaez, directeur du groupe Iran du centre de recherche International Crisis Group. L'Iran se trouve déjà en grande difficulté depuis plusieurs années, avec plus récemment une croissance en berne, une hausse de la pauvreté et un chômage des jeunes en hausse, détaille Le Monde.

Mais pour Kelsey Davenport, directrice de la politique de non-prolifération de l'Association pour le contrôle des armements, "les mesures de l'ONU auront peu d'impact économique, compte tenu de l'ampleur des sanctions américaines et européennes déjà en place". "Sans une stratégie diplomatique viable", elles pourraient aboutir en revanche à une "escalade de représailles" entre l'Iran et les Etats-Unis.

Ali Vaez s'attend par ailleurs à "un bras de fer" concernant la mise en œuvre des sanctions, "en particulier si la Chine et la Russie, qui s'y opposent, tentent de freiner leur exécution bureaucratique". L'ambassadeur adjoint russe à l'ONU Dmitry Polyanskiy a déjà déclaré son opposition au retour du dispositif. "Il n'y a pas de 'snapback' et il n'y aura pas de 'snapback'. Toute tentative de ressusciter les résolutions anti-iraniennes du Conseil de sécurité en place avant 2015 est nulle et non avenue", a-t-il martelé à l'ONU.

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