On vous explique la polémique autour des drapeaux palestiniens hissés sur les mairies
/2023/07/06/64a68815cd1a7_placeholder-36b69ec8.png)
/2025/09/21/080-hl-cpaux-2891792-68cfb121cf387068005907.jpg)
Plusieurs mairies de gauche souhaitent arborer les couleurs de la Palestine lundi, jour de la reconnaissance de l'Etat palestinien par la France à l'ONU. Le ministère de l'Intérieur a interdit cette pratique, l'estimant contraire au principe de neutralité du service public.
Un appel à la solidarité qui divise. Alors que la France s'apprête à reconnaître l'Etat de Palestine, lundi 22 septembre au siège de l'ONU à New York, la mairie de Malakoff (Hauts-de-Seine) a été sommée samedi, par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de retirer le drapeau palestinien qu'elle avait hissé, en vue de ce jour de reconnaissance. Celui-ci sera toutefois maintenu jusqu'à mardi, a fait savoir Jacqueline Belhomme, maire communiste de la ville.
Une semaine plus tôt, le secrétaire général du Parti socialiste, Olivier Faure, avait appelé sur X à faire "flotter le drapeau palestinien sur nos mairies" le 22 septembre. Il a écrit une lettre à Emmanuel Macron pour lui demander "d'autoriser ce pavoisement". Un acte symbolique, en guise de soutien. "Il ne s'agit pas de pavoiser toute l'année les drapeaux palestiniens. Mais ce jour-là, il faut faire en sorte que la France, dans sa diversité, dise 'nous sommes à côté du peuple palestinien'", a justifié le Premier secrétaire du PS.
"Il y a suffisamment de sujets de division dans le pays pour ne pas importer le conflit du Proche-Orient", a aussitôt réagi le ministre de l'Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, sur X, avant de demander aux préfets de s'opposer à cette initiative au nom du "principe de neutralité du service public".
Quelles sont les autres communes concernées ? Pourquoi ces initiatives divisent-elles ? On vous explique la polémique autour de l'emblème aux couleurs panarabes.
Un maintien prévu par plusieurs communes
"On ne retirera pas le drapeau, on le retirera mardi comme c'était prévu", a tranché Jacqueline Belhomme, maire de Malakoff. Celle-ci a "reçu" vendredi "après 20 heures, la visite de la police nationale qui, sur la base d'une injonction du préfet des Hauts-de-Seine, la sommait de retirer ce drapeau, ce qu'elle a évidemment refusé de faire", a fait savoir la ville dans un communiqué transmis à franceinfo. Depuis la consigne passée par Bruno Retailleau, Malakoff est la première commune à avoir été rappelée à l'ordre par la justice, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui ordonnant de l'enlever samedi. "C'est beaucoup d'agitation pour rien (...) de la part de la place Beauvau parce qu'on n'a même pas une amende", estime Jacqueline Belhomme, dénonçant "un coup de force préfectoral contre la libre administration des communes".
D'autres mairies ont prévu de faire flotter le drapeau palestinien sur le fronton lundi, notamment en région parisienne. La décision de justice visant Malakoff "ne change rien" à la volonté de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) d'arborer les couleurs panarabes, a assuré Gilles Poux, maire PCF de la ville, samedi sur BFMTV. Mi-septembre, les mairies de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), respectivement communiste et socialiste, s'étaient dites prêtes à hisser de nouveau le drapeau de la discorde, après avoir été toutes les deux contraintes par la justice de le retirer, trois mois plus tôt.
De son côté, Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), préfère "afficher haut et fort le drapeau de la Palestine avec le drapeau de la paix et le drapeau d'Israël", a-t-il déclaré à France Télévisions. "Ce ne sont pas les Israéliens contre les Palestiniens, ce sont uniquement ceux qui défendent la paix, contre ceux qui défendent la guerre", a-t-il plaidé. A Lille (Nord), jumelée avec la commune cisjordanienne de Naplouse, deux drapeaux palestiniens flottaient aux côtés de deux drapeaux français et d'un drapeau européen, a constaté l'AFP vendredi.
Des drapeaux parfois plus discrets
A Mauléon-Licharre (Pyrénées-Atlantiques), le drapeau palestinien n'aura flotté sur le fronton de la mairie que quelques heures. Il a été retiré samedi, à la demande de la préfecture, en raison d'une "atteinte au principe de neutralité du service public" selon celle-ci. "J'ai coupé les deux ficelles ce [samedi] matin et le drapeau est maintenant dans mon bureau", a expliqué le maire communiste, Louis Labadot, à ICI Béarn Bigorre. L'édile ne s'interdit toutefois pas de le raccrocher ultérieurement. "C'est une atteinte à ma liberté de penser", s'est-il indigné, pointant un traitement différencié en faveur de la mairie de Nice (Alpes-Maritimes). Plusieurs drapeaux israéliens y avaient flotté pendant deux ans, à l'initiative du maire Christian Estrosi (Horizons), avant leur retrait en juin après une décision de justice.
A la différence de Mauléon-Licharre, la ville de Bezons (Val-d'Oise) n'a même pas eu le temps de pavoiser pour arborer son soutien à la Palestine. Comme pour Malakoff, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retoqué la décision de sa maire socialiste, Nessrine Menhaouara, qui avait affiché ses intentions dans un communiqué. Plusieurs élus favorables à l'appel d'Olivier Faure anticipent une pression des tribunaux : "Si la justice me demande d'enlever le drapeau, je l'enlèverai. Mais j'ai le drapeau ukrainien, il n'en est pas question [d'une obligation de le retirer], donc il y a vraiment, là, un deux poids deux mesures", a dénoncé samedi sur franceinfo Bruno Piriou, maire divers gauche de Corbeil-Essonnes (Essonne), déféré lundi devant le tribunal administratif de sa ville. "On me dira peut-être d'enlever le drapeau, mais j'attendrai qu'on me le dise", anticipe quant à elle sur France 3 Corinne Ollivier, maire communiste de Vierzon (Cher). A Montpellier (Hérault), ville dirigée par le socialiste Michaël Delafosse, les drapeaux israélien et palestinien cohabitent dans une salle à l'intérieur de la mairie.
Le "principe de neutralité du service public" invoqué
"La façade d'une mairie n'est pas un panneau d'affichage. Seul le drapeau tricolore (...) a droit de cité", a déclaré le ministre de l'Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, samedi, lors d'une visite à la Fête de la pomme à Epreville-en-Lieuvin (Eure). "Cela m'est arrivé à Nice pour faire retirer un drapeau israélien. Il n'y a pas deux poids, deux mesures : il y a une ligne. Et quand on a une ligne, on la tient pour les uns comme pour les autres", a-t-il assuré.
Dans un télégramme consulté par l'AFP vendredi, le ministre de l'Intérieur a donné la consigne aux préfets de s'opposer à la pose de drapeaux palestiniens sur des mairies et autres édifices publics lundi. "Le principe de neutralité du service public interdit de tels pavoisements", justifie la place Beauvau, qui appelle les préfets à "déférer à la juridiction administrative" les cas d'élus qui décideraient de pavoiser aux couleurs palestiniennes leur hôtel de ville. La gauche s'est insurgée contre cette mesure. A commencer par l'initiateur de l'appel : "Un ministre démissionnaire devrait gérer les affaires courantes", a taclé Olivier Faure. "C'est un détournement manifeste de sa fonction et des moyens de l'Etat", juge de son côté le député écologiste Benjamin Lucas. "Il aurait dû le faire bien avant", a salué le député RN Philippe Ballard, dénonçant une "politique de bas étage (...) mise en place par toute une partie de la gauche".
Des décisions de justice constrastées
Qu'il soit israélien, palestinien, ukrainien, une mairie a-t-elle le droit d'arborer un drapeau étranger ? Et une préfecture peut-elle intimer à une commune de le retirer ? La réponse est complexe, tant les juges ont rendu des décisions différentes.
Cette jurisprudence contrastée s'explique par un flou juridique : l'accrochage des drapeaux sur les bâtiments publics n'est pas inscrit en tant que tel dans le droit français. Il existe toutefois un principe de neutralité, inscrit à l'article L121-2 du Code général de la fonction publique. "Dans l'exercice de ses fonctions, l'agent public est tenu à l'obligation de neutralité", énonce la loi. Celui-ci doit donc officier "dans le respect du principe de laïcité". Il "traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité".
S'appuyant sur ce principe, le Conseil d'Etat avait retoqué en 2005 la décision de la mairie de Sainte-Anne (Guadeloupe) de hisser un drapeau rouge-vert-noir, hérité des luttes anticolonialistes des années 1960. "Le principe de neutralité des services publics s'oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d'opinions politiques, religieuses ou philosophiques", avait motivé le Conseil d'Etat dans son jugement. "Il ne faut pas qu'un drapeau, une banderole, en faveur d'une cause ou une autre, puisse heurter un citoyen, explique à franceinfo Etienne Colson, avocat en droit public. Cela permet de s'assurer que les mairies sont des temples de la neutralité dans lesquels les citoyens seront traités de la même manière, peu importent leurs convictions."
Cependant, les pavoisements à caractère temporaire semblent tolérés par les juges. "En général, les tribunaux ne s'y opposent pas", relevait Clément Chauvet, avocat en droit public et professeur des universités à Angers, auprès de franceinfo. Le tribunal administratif de Versailles a ainsi estimé, dans une décision de 2024, qu'afficher un drapeau ukrainien sur la façade d'un bâtiment public "n'était pas contraire au principe de neutralité", car ce n'était "pas une revendication politique" mais "un symbole de solidarité envers une nation victime d’une agression".
A l'inverse, le tribunal administratif de Lyon a ordonné en 2011 le retrait du drapeau palestinien de la mairie communiste de Vaulx-en-Velin (Rhône), jugeant son "maintien à titre permanent" comme "contraire au principe de neutralité des services publics". Ce même principe a encore été invoqué par les tribunaux administratifs dans leurs décisions visant Malakoff, Mauléon-Licharre et Bezons, alors que le pavoisement ne devait durer qu'une journée.
Selon Nicolas Hervieu, juriste en droit public et européen, une "circulaire commune" rédigée par le ministère de l'Intérieur permettrait de "faire respecter l'application uniforme de la loi sur le territoire".
À regarder
-
Chevaux mutilés : deux ans de prison ferme pour l'agresseur
-
A Dublin, les drones livreurs envahissent le ciel
-
Sauvetage d'un pêcheur : une nuit accroché à un poteau
-
Que valent les astuces de grand-mère ?
-
Braquage : 25 malfaiteurs à l'assaut d'une bijouterie
-
B. Netanyahou : sa déclaration choc à l'ONU
-
Guerre Israël-Hamas : "Ces deux peuples ne pourront plus jamais vivre ensemble !"
-
Pourquoi on doit garder du cash chez soi ?
-
Ingérences russes en Moldavie
-
À 12 ans, il porte plainte contre Roblox
-
Survol de drones : l'inquiétude grandit au Danemark
-
Gaza : la route de l'exode
-
Pourquoi ce bébé girafe est une bonne nouvelle
-
Marie-Céline Bernard, pionnière du rugby féminin en France
-
Une centaine d'agriculteurs manifestent devant le château de Versailles
-
"Faites des parents" : une campagne pour le don de gamètes
-
Cette alerte a sauvé une ado
-
Un Polonais devient le premier alpiniste à descendre l'Everest à ski sans oxygène
-
L'Oktoberfest à Munich comme si vous y étiez
-
Condamnation de Nicolas Sarkozy : "C'est le pays tout entier qui va être éclaboussé !"
-
Opérations ratées : un ophtalmo visé par plusieurs plaintes
-
Ingérence russe : les élections moldaves sous surveillance
-
Pourquoi faut-il avoir de l'argent liquide chez soi ?
-
Etat palestinien : Benyamin Nétanyahou prépare sa riposte à l'ONU
-
Nicolas Sarkozy : comment va-t-il purger sa peine ?
-
Décès au KFC : un corps découvert aux toilettes au bout de 30h
-
N. Sarkozy condamné : l'ancien président ira en prison
-
Braquage impressionnant dans une bijouterie en Californie
-
L’ancien président Nicolas Sarkozy ira en prison
-
Malfaçons : 38 degrés toute l'année chez eux
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.