Sur wplace.live, une guerre de pixels entre internautes sur une carte du monde mêle clins d'œil culturels et enjeux politiques

Le site permet, à coup de carrés de couleurs ajoutés clic par clic, de dessiner de vastes fresques et de recouvrir de messages les lieux de son choix. Un jeu qui vire parfois au bras de fer sur la carte de régions comme l'Ukraine et la bande de Gaza.

Article rédigé par franceinfo
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La carte de la région de Nice sur le site wplace.live, le 27 août 2025, où les hommages se multiplient après la mort du streamer Jean Pormanove. (WPLACE.LIVE)
La carte de la région de Nice sur le site wplace.live, le 27 août 2025, où les hommages se multiplient après la mort du streamer Jean Pormanove. (WPLACE.LIVE)

Ils avancent carré par carré. Armés de leur souris d'ordinateur, des internautes se livrent ces dernières semaines à une guerre des pixels en ligne sur une carte du monde transformée en terrain de jeu et d'expression, sur le site wplace.live. Mercredi 27 août, autour de la ville de Nice (Alpes-Maritimes), la bataille concernait ainsi les hommages à Jean Pormanove, mort en direct le 18 août sur la plateforme Kick, après avoir été insulté et violenté par deux comparses pendant de longs mois. La carte de la région niçoise, où il habitait, a été envahie de cœurs et de "JP", le surnom du streamer, mais une partie de la communauté tentait d'effacer ces dessins, laissant des blancs à certains endroits.

Cette idée de fresque numérique composée en direct par les internautes n'est pas neuve. Le concept est né sur la plateforme Reddit, dans une section nommée "r/place", où à trois reprises les communautés en ligne se sont livrées une féroce "Pixel War", une guerre des pixels. Désormais, ce jeu collaboratif se déploie sur une plateforme dédiée, depuis le lancement, le 21 juillet, de wplace.live par Murilo Matsubara, un jeune développeur brésilien. En se connectant, les internautes obtiennent 64 pixels à répartir sur la carte du monde pour laisser libre cours à leur imagination. Une fois le crédit consommé, il faut attendre. Un pixel est rendu à l'utilisateur toutes les trente secondes. Pour construire des dessins ambitieux, il est donc nécessaire de se coordonner à plusieurs.

Astérix, Père Fouras et Super Mario

Preuve du succès de cette initiative, le service de cartographie OpenFreeMap, utilisé par wplace.live en guise de toile géante, a connu début août une surcharge entraînant des difficultés techniques. Le 8 août, trois milliards de requêtes ont été réalisées en 24 heures, détaille le créateur d'OpenFreeMap dans une note de blog. La guerre des pixels consomme de l'énergie.  

Si, en théorie, le règlement du site interdit de recouvrir "d'autres œuvres en utilisant des couleurs ou des motifs aléatoires juste pour perturber le tout", il existe une exception concernant les dessins "inappropriés", comme ceux véhiculant des "discours haineux". La majorité des dessins sont inoffensifs, avec des références à la pop culture, entre personnages de jeux vidéos, figures sportives et albums de musique. 

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Dans chaque pays, les communautés s'amusent aussi avec la culture locale. Près de la petite ville d'Erquy (Côtes-d'Armor), qui a inspiré Albert Uderzo pour le dessin du village gaulois d'Astérix, les internautes ont glissé plusieurs références à la célèbre bande dessinée. Entre l'île d'Oléron et l'île de Ré (Charente-Maritime), les références à l'émission Fort-Boyard empiètent sur l'océan Atlantique. A Tokyo, Super Mario rivalise avec des Pokémon et autres personnages de mangas. A Londres, les supporters d'Arsenal, de Chelsea ou de West Ham tentent d'imposer les couleurs de leur équipe.

"Arrêtez le génocide à Gaza"

Mais des utilisateurs n'hésitent pas à glisser des messages politiques dans des lieux symboliques. En Ile-de-France, la mention "Vive la Commune" s'étale sur une partie de la Seine-Saint-Denis, tandis qu'à Paris, une mention de la CGT côtoie une croix de Lorraine, une référence à la VIe République ou encore un appel au "blocage" pour le 10 septembre. Le slogan d'extrême gauche "ACAB" ("All cops are bastards", ou en français "tous les flics sont des bâtards") est régulièrement effacé par les internautes, avant d'inlassablement réapparaître sur la fresque géante. 

Les conflits internationaux inspirent également les différents dessinateurs. A Washington, plusieurs drapeaux de la communauté trans s'affichent à proximité de la Maison Blanche, alors que Donald Trump cible régulièrement les personnes transgenres dans ses discours. Autour du territoire d'Israël, les drapeaux palestiniens sont nombreux. Et dans la bande de Gaza, territoire placé officiellement en état de famine par l'ONU, un internaute a écrit en rouge "Stop the Genocide in Gaza" ("Arrêtez le génocide à Gaza"). Enfin, en Ukraine, sur la ligne de front et dans les territoires occupés par la Russie, de nombreux drapeaux ukrainiens recouvrent la carte. Une manière de rappeler que la guerre n'est pas qu'une histoire de pixels.

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