Attentat raciste à Puget-sur-Argens : ce que l'on sait du meurtre de Hichem Miraoui, un Tunisien de 46 ans, dont s'est saisi le Parquet antiterroriste

Le suspect, âgé de 53 ans, a été interpellé peu après les faits. Il avait diffusé deux vidéos de nature raciste, l'une avant son passage à l'acte, et l'autre après.

Article rédigé par franceinfo
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Un portrait de Hichem Miraoui affiché sur la devanture du salon de coiffure où il travaillait, à Puget-sur-Argens (Var), le 3 juin 2025. (VIKEN KANTARCI / AFP)
Un portrait de Hichem Miraoui affiché sur la devanture du salon de coiffure où il travaillait, à Puget-sur-Argens (Var), le 3 juin 2025. (VIKEN KANTARCI / AFP)

"Le fruit d'une atmosphère qui existe dans le pays depuis maintenant quelques mois, quelques années, et qui se durcit chaque jour un peu plus". Voilà comment l'avocat Mourad Battikh, qui représente la famille de Hichem Miraoui, qualifiait au micro de franceinfo, mardi 3 juin, le meurtre raciste de ce Tunisien de 46 ans, survenu dans la nuit du samedi 31 mai au dimanche 1er juin à Puget-sur-Argens (Var).

Le suspect, Christophe B., a été interpellé peu après les faits. Âgé de 53 ans, cet homme de nationalité française avait diffusé deux vidéos de nature raciste, l'une avant et l'autre après son passage à l'acte. Des éléments qui ont conduit le Parquet national antiterroriste (Pnat) à se saisir de l'affaire. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de ce meurtre. 

Une fusillade meurtrière dans un quartier résidentiel

Les faits se sont produits dans un quartier résidentiel de Puget-sur-Argens, commune de 25 000 habitants située près de Fréjus, dans le Var. Un homme de nationalité tunisienne, Hichem Miraoui a été tué par balles dans la nuit de samedi à dimanche. Un second homme, de nationalité turque, a été blessé à la main et transporté à l'hôpital de Fréjus, selon le procureur de Draguignan, rapporte France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur.

La compagne du suspect a alerté les gendarmes pour signaler que "son compagnon venait de tirer sur un homme du voisinage", selon un communiqué du procureur de la République de Draguignan, Pierre Couttenier. Christophe B., de nationalité française, a pris la fuite en voiture après la fusillade. Le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale d'Orange (Vaucluse) a alors été mobilisé pour interpeller le suspect de 53 ans. Lors de la fouille de son véhicule, les enquêteurs ont découvert des armes "de type pistolet automatique, fusil à pompe et arme de poing", selon le procureur de Draguignan.

Hichem Miraoui tué lors de l'attaque et Afik B. blessé à la main

Hichem Miraoui était coiffeur à Puget-sur-Argens. Originaire de Tunisie, il s'était installé en France depuis plusieurs années. Selon l'avocat de sa famille, Mourad Battikh, cet homme de 46 ans issu d'une fratrie de huit enfants, avec des parents restés en Tunisie était "sans histoire, inconnu des services de police". Il avait quitté son pays dans l'espoir de construire "un avenir meilleur", soutient l'avocat auprès de l'AFP. Plusieurs témoignages recueillis par France 3 Provence-Alpes Côte d'Azur décrivent un homme apprécié dans sa ville

Deux autres hommes, demandeurs d'asile kurdes, ont été témoins de la fusillade. L'un d'eux a été blessé par les tirs. Selon leur avocat, joint par franceinfo, ils ont entendu six ou sept coups de feu samedi soir depuis leur appartement. Plusieurs balles ont atteint leur baie vitrée. En descendant pour comprendre ce qu'il se passait, l'un des deux hommes, Akif, s'est retrouvé face à l'assaillant. Celui-ci l'a mis en joue avant de tirer à quatre reprises dans sa direction. La victime a eu le réflexe de se recroqueviller et de protéger son visage, mais a tout de même été touchée à deux reprises à la main. L'autre témoin a réussi à prendre la fuite. 

Des vidéos racistes publiées avant et après les tirs

Christophe B., 53 ans, suspecté dans le meurtre survenu samedi, a revendiqué son attaque dans plusieurs vidéos publiées sur les réseaux sociaux. Le parquet de Draguignan affirme que deux de ces vidéos, publiées avant et après la fusillade, contiennent un "contenu raciste et haineux". Dans l'une d'elles, tournée avant les faits et consultée par franceinfo, l'homme, qui semble alcoolisé, se filme une arme à la main. Pendant une minute et trente secondes, il accumule les insultes contre "les bicots", "les islamiques", et appelle "les Français" à "aller les chercher là où ils sont". "Il n'y a pas d'allégeance à Al-Qaeda ou à quoi que ce soit. C'est l'allégeance au bleu-blanc-rouge, voilà", poursuit-il.

Dans la même vidéo, il dit vouloir s'en prendre à des personnes d'origine maghrébine et de confession musulmane, qu'il désigne avec des termes racistes, avant d'appeler à "[voter] bien la prochaine fois" et d'affirmer : "Seul le GIGN m'arrêtera". Des convictions racistes ont également été retrouvées sur le compte Facebook du suspect, qui s'exprimait depuis plusieurs années notamment via de nombreux commentaires haineux visant la communauté musulmane et les personnes étrangères.

Le suspect, amateur de tir sportif, n'était ni connu des services de renseignement, ni signalé pour des propos extrémistes, selon le procureur Pierre Couttenier. D'après les informations de franceinfo, les deux hommes ayant survécu à l'attaque ont décrit un assaillant déterminé et organisé. Interrogée par France Télévisions, la cousine de Hichem Miraoui assure que ce voisin proférait depuis plusieurs jours des insultes relatives à l'origine de son cousin. "Il avait tenu des propos racistes envers lui : sale arabe. Il a aussi tagué son scooter. Il y avait marqué 'sale arabe' dessus."

"C'est tout sauf un fait divers. On est face à une idéologie, on est face à une préméditation. On est face à un individu qui n'a probablement pas agi seul, en tout cas pas agi seulement sous le coup d'une impulsion. On est sur quelqu'un qui agit avec une idéologie profonde", a déclaré mardi sur franceinfo l'avocat de la famille de la victime.

Le Parquet antiterroriste se saisit de l'affaire

Le procureur de Draguignan a d'abord ouvert une enquête pour meurtre et tentative de meurtre motivés par "l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une prétendue race ou religion déterminée". Toutefois, au vu des éléments recueillis, notamment les vidéos et le mode opératoire, le Parquet national antiterroriste s'est saisi de l'affaire dès le lundi.

Cette reprise implique désormais des investigations conjointes menées par la Direction générale de la sécurité intérieure, spécialisée dans la lutte contre le terrorisme, et la sous-direction antiterroriste, qui se concentre sur les mouvances terroristes d'extrême droite ou autres radicalismes internes. 

Le suspect est placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête ouverte pour "assassinat et tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste", "commis en raison de la race, de l'ethnie, la nation ou la religion", ainsi que pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". 

Selon le Pnat, les éléments matériels, incluant les vidéos, les cibles et les propos tenus établissent le caractère idéologique de l'acte. Dans un communiqué transmis à franceinfo, Mourad Battikh a salué la reprise de l'enquête par le Parquet national antiterroriste. Il a néanmoins appelé à une "réponse judiciaire rapide" et "ferme".

Le gouvernement dénonce un crime "raciste et préméditée", "sans doute antimusulman"

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a fermement condamné l'attaque. Lors d'un point-presse à Matignon, lundi, il a dénoncé un "crime raciste et prémédité". "L'enquête dira si le caractère raciste de ces actes est établi, mais des vidéos publiées par l'auteur ne laissent aucun doute sur ce point", a-t-il également déclaré lundi sur X. Interrogé mardi à l'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, il a évoqué un crime "sans doute aussi antimusulman".

Le ministre s'est aussi entretenu avec l'ambassadeur et le ministre de l'Intérieur tunisien, Khaled Nouri, qui a condamné un "crime terroriste" et demandé une meilleure protection des ressortissants tunisiens vivant en France. Bruno Retailleau est attendu mardi à l'ambassade de Tunisie pour "dire la solidarité de la France envers les Tunisiens après ce crime raciste", a précisé son entourage, lundi soir. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a lui parlé d'un "double crime: "Il est le résultat d'un travail minutieux du camp du racisme. La bataille de l'antiracisme a besoin que chacune et chacun s'y investissent", a-t-il dénoncé. 

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