"Vous n'êtes pas un menteur, vous dites des choses fausses" : au procès de Cédric Jubillar, l'ex-procureur de Toulouse Dominique Alzeari malmené par la défense
Les avocats de Cédric Jubillar ont matraqué le magistrat de questions et de reproches, estimant qu'il avait empilé les erreurs lors de ses déclarations en conférence de presse, le 18 juin 2021, au moment de la mise en examen de leur client.
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La cour d'assises du Tarn entame la deuxième semaine du procès de Cédric Jubillar, lundi 29 septembre, en remontant quatre ans en arrière. Les écrans de la salle d'audience projettent une conférence de presse de Dominique Alzeari, alors procureur de la République de Toulouse. Nous sommes le 18 juin 2021, six mois après la disparition de Delphine Jubillar-Aussaguel.
Son mari, Cédric Jubillar, vient alors d'être mis en examen pour homicide volontaire par conjoint, après quarante-huit heures de garde à vue. Les chaînes d'information en continu sont toutes en édition spéciale : pour la première fois, une parole officielle se fait entendre sur ce dossier qui fait tant parler. Face à une nuée de caméras, le bas du visage caché par un masque chirurgical, Dominique Alzeari énumère les éléments qui pèsent contre le peintre-plaquiste, alors âgé de 33 ans.
Assailli de questions, le magistrat prend soin de rappeler qu'il ne porte "pas d'appréciation sur les charges" livrant uniquement des "éléments objectifs", à savoir "des indices graves et concordants", qui justifient la mise en examen du père de famille. A l'audience, lundi, la défense salue les "précautions oratoires" de l'ex-procureur. Pour mieux l'accabler ensuite.
"Péché originel du dossier"
Alexandre Martin, l'un des avocats de Cédric Jubillar, avait donné le ton dans les médias, affirmant que son client avait été "crucifié" dès 2021 par la conférence de presse de Dominique Alzeari. Lui et sa consœur Emmanuelle Franck assument de faire citer un procureur de la République aux assises, un fait rarissime.
Face au magistrat de 65 ans, "37 ans de fonction et 17 en tant que chef de parquet" précise l'intéressé, Alexandre Martin réitère ses propos et ajoute : "A l'époque, j'avais qualifié votre conférence de presse de réquisitoire définitif." L'avocat estime que le procureur est sorti de son devoir d'impartialité. "Quand vous dites que les déclarations de monsieur Cédric Jubillar ont été 'évolutives et mensongères', vous portez une appréciation sur ses déclarations".
"Non, c'étaient des éléments objectivés", rétorque le parquetier à la barre. "Evitons la langue de bois", oppose Alexandre Martin. Il embraye sur un autre passage de la conférence de presse : Dominique Alzeari avait qualifié le témoignage de Louis, le fils du couple, de "crédible". "Là encore, c'est une appréciation personnelle de ce que disait cet enfant !", déplore l'avocat, qui considère cette déclaration comme "le péché originel du dossier". "Le péché originel dans ce dossier, c'est la disparition de madame Aussaguel", réplique le magistrat, qui ne se laisse pas impressionner.
Les attaques se poursuivent. La défense opère, depuis le début du procès, un travail de sape de l'enquête. "Est-ce que vous montreriez cette conférence de presse en école de magistrature ?", pilonne Alexandre Martin. "Je n'avais pas la prétention d'avoir la substantifique moelle des actes d'enquête qui se poursuivaient", se défend le magistrat. "D'accord, donc vous estimez que cette conférence de presse était un modèle du genre", se moque Alexandre Martin, repris sèchement par la présidente : "Ce n'est pas ce qu'il a dit." L'ambiance se tend. Alexandre Martin laisse Emmanuelle Franck poursuivre.
"Avez-vous conscience que la majorité des éléments que vous donnez sur le dossier, lors de cette conférence de presse, sont faux ?"
Emmanuelle Franck, avocate de la défensedevant la cour d'assises du Tarn
"Je suis intervenu en conscience, au vu des éléments dont je disposais", répond Dominique Alzeari, piqué au vif. "Vous n'êtes pas un menteur, monsieur, vous dites des choses fausses", nuance son interlocutrice, affirmant avoir "trois pages d'éléments faux", dont sont certains "gravissimes". Elle énumère une à une les déclarations de l'ex-procureur.
"Le fait que Delphine Jubillar avait fait un crédit pour acheter une voiture, c'est faux. Elle n'avait pas non plus acheté de meubles. Vous dites que vous avez fait le tour de ses relations passées : c'est faux. Le fait qu'ils faisaient chambre à part : ça aussi, c'est faux. Pourquoi vous le dites ?", pilonne l'avocate. Le magistrat répète qu'il n'a fait que reprendre les éléments transmis par les gendarmes.
"Un procès dans le procès"
L'erreur "la plus grave", selon Emmanuelle Franck, concerne la couette. Le procureur avait affirmé à l'époque qu'elle tournait dans le lave-linge à 4 heures du matin, quand les gendarmes sont intervenus au domicile du couple, après l'appel de Cédric Jubillar. A l'époque, cette information avait été interprétée comme une volonté de couvrir des traces d'un crime. Il sera établi dans l'enquête que la lessive a été démarrée plus tard. Seule la housse de couette séchait à l'arrivée des gendarmes primo-intervenants. Cette imprécision "nous porte encore préjudice aujourd'hui", estime Emmanuelle Franck.
L'avocate en vient au sujet de la dispute du couple, dont aurait été témoin leur fils Louis, 6 ans à l'époque. "Vous dites qu'il a vu 'une violente dispute', où avez-vous eu ces informations ?" Lors de sa deuxième audition, face aux enquêteurs, l'enfant a effectivement parlé d'une altercation entre ses parents, mais ce n'est que lors de sa troisième audition, avec les magistrates instructrices, fin 2021, donc après la conférence de presse, qu'il a parlé d'une scène de violences physiques de son père sur sa mère.
A la barre, Dominique Alzeari s'agace et maintient qu'il y a bien eu une dispute, mais concède que le terme "violente" n'était peut-être pas, à ce stade, le plus approprié. "Est-ce que vous considérez que vous avez été trompé par le colonel de gendarmerie ou par votre adjointe, qui vous a fait le résumé du dossier ?", s'acharne l'avocate de la défense. "Vous avez une manière de présenter des choses…", rétorque le magistrat, avec un rire nerveux.
En début d'audience, il avait déclaré avoir le sentiment que cette citation à comparaître s'annonçait comme "un procès dans le procès", anticipant une "vindicte". Le matraquage de la défense à son égard ne lui aura pas donné tort.
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