"Elle était aux petits soins pour nous" : au procès de Cédric Jubillar, le portrait de Delphine se dessine à travers ses proches

Article rédigé par Juliette Campion
France Télévisions
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Temps de lecture : 7min
Delphine Jubillar, disparue depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines (Tarn). (CAPTURE ECRAN FRANCE 2)
Delphine Jubillar, disparue depuis la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines (Tarn). (CAPTURE ECRAN FRANCE 2)

Devant la cour d'assises du Tarn, l'enquêteur de personnalité a raconté le parcours de Delphine Jubillar-Aussaguel, disparue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020.

"C'est la seule occasion que l'on aura de parler de Delphine Aussaguel : c'est aujourd'hui ou jamais", a insisté l'un des avocats généraux, mardi 23 septembre, devant la cour d'assises du Tarn. Toute l'attention est concentrée sur Cédric Jubillar, jugé pour le meurtre de son épouse pendant quatre semaines. Le temps d'une matinée, Valentin Belbeze, qui a effectué l'enquête de personnalité de l'infirmière de 33 ans, a convoqué la disparue dans le tribunal.

Il a interrogé près d'une trentaine de personnes pour tenter de comprendre qui était Delphine Jubillar, née Aussaguel. Outre l'hypermédiatisation de l'affaire, qui a rendu les proches du couple très méfiants, Valentin Belbeze s'est heurté à "une grande difficulté" : quand il tentait de recueillir des informations sur la victime, ses interlocuteurs parlaient essentiellement de Cédric, son mari, unique accusé du procès. "Il prend de la place", note l'enquêteur de personnalité, grand et fluet, à la barre.

"Delphine devait se débrouiller seule"

Née le 15 novembre 1987 à Albi, Delphine Jubillar-Aussaguel a grandi aux côtés d'un père très alcoolique, mort en 2000, quand elle n'avait que 12 ans. La jeune femme a toujours été très secrète à son sujet. "C'était tabou son papa, il ne fallait pas en parler", se souvient un ami d'enfance. Sa mère était aimante, mais fragile. "Delphine devait se débrouiller seule", relate ce proche. La fillette s'est ainsi retrouvée "parentifiée" très tôt, chargée d'endosser le rôle d'adulte pour pallier les défaillances parentales. Dès le plus jeune âge, elle s'occupe donc de ses petits frères : Sébastien et Mathieu, né en 1989 et 1995, aidée de sa grande sœur Stéphanie, l'aînée de la fratrie.

Au décès de leur mère, en 2016, Delphine l'habille et la maquille, "endossant son rôle jusqu'au bout", souligne l'enquêteur de personnalité. Les quatre enfants grandissent dans une tour HLM de Gaillac, une petite ville du Tarn, à l'ouest d'Albi, dans des conditions précaires. "Une boîte de raviolis à table, c'était la fête chez eux" et le contenu était scrupuleusement réparti entre chacun. Les frères et sœurs se serrent les coudes toute leur enfance, se jurant de ne plus jamais vivre dans une telle pauvreté. 

A part le redoublement de la sixième, l'année de la mort de son père, Delphine a toujours eu des résultats scolaires "dans la moyenne", précise Valentin Belbeze. Adolescente, elle rêve de devenir infirmière. Une vocation née peut-être lorsqu'elle regarde la série Urgences, glisse sa sœur à la cour, mardi 23 septembre, interrogée pour la première fois. En 2011, pari réussi : Delphine est diplômée de l'école d'infirmière d'Albi.

"On a tous espéré une histoire courte"

C'est à peu près à cette époque qu'elle rencontre Cédric Jubillar, autour de sa majorité, dans une soirée. Ils tombent très amoureux. Ses frères et sœurs se montrent réservés sur leur idylle, "du fait du décalage existant sur leurs caractères respectifs". "On a tous espéré que ce soit une histoire courte", confesse l'un de ses frères. Stéphanie suppose alors que c'est le côté "bad boy" de ce gros consommateur de cannabis, au tempérament très affirmé, qui a séduit sa petite sœur. Elle n'a cependant "jamais cru" qu'ils feraient leur vie ensemble.

Malgré plusieurs "pauses", le couple se marie à Cagnac-les-Mines en 2013 et s'installe l'année suivante dans la maison qu'ils occupaient au moment de la disparition de la trentenaire, ce "taudis", selon les mots que Delphine aurait employés devant une amie. Elle avait "honte" de cette maison jamais achevée, n'osant plus inviter qui que ce soit chez elle. La relation du couple se détériore. Ses proches se souviennent que Delphine "voulait faire changer Cédric" et "le portait à bouts de bras".

"Tout le monde lui disait de partir, mais c'était difficile pour elle de voir qu'elle s'était trompée."

Une amie de Delphine Jubillar

citée dans l'enquête de personnalité

Son entourage estime que Cédric Jubillar l'a progressivement éloignée de ses fréquentations amicales. "Delphine était une femme effacée", observe-t-on autour d'elle, tandis que son mari se montrait particulièrement autoritaire, notamment avec leur fils Louis. La jeune femme cherchait même souvent "à compenser avec Louis la dureté de Monsieur Jubillar, en laissant passer certaines choses". Sa cousine la trouvait "diminuée" quand le peintre-plaquiste réagissait de manière inadaptée sur le plan éducatif. La maternité était pourtant "sa raison de vivre", souligne son frère.

"Une personne extrêmement bienveillante" 

La jeune femme était assez active sur les réseaux sociaux, mais ce qu'elle partageait "n'était pas toujours en phase avec la réalité", note Valentin Belbeze. Sans surprise, au vu de son schéma familial, selon l'enquêteur : on lui a toujours appris à ne "rien laisser paraître""Elle était aux petits soins pour nous : dès qu'on se faisait le moindre bobo, elle nous disait comment se soigner, on était très connectés. C'était une personne extrêmement bienveillante", résume son frère cadet, parti en vacances avec elle plusieurs fois "récemment". Le terme paraît décalé : c'était il y a déjà plus de cinq ans. Elle n'aurait "jamais laissé ses enfants", insiste pour sa part Stéphanie, balayant l'air de rien l'hypothèse selon laquelle Delphine aurait pu disparaître volontairement. 

A l'été 2020, six mois avant sa disparition, une nouvelle Delphine semblait apparaître. A cette époque, la mère de famille "ne lâche rien, elle a repris le dessus" sur son mari, souligne une de ses amies. Comme elle, ils sont quelques-uns à avoir observé un renversement dans le rapport de domination au sein du couple à cette période. L'infirmière semble plus épanouie, prend de nouveau soin d'elle et de son apparence. En juillet, elle s'est en effet inscrite sur un site de rencontres et commence à échanger avec Jean*. "Dès les premières phrases, ça matche", relate l'amant de la victime à l'enquêteur de personnalité. Quand il la rencontre pour la première fois, il se souvient d'une femme "très timide". "On sentait dans ses yeux qu'elle était en carence affective", décrit-il, affirmant avoir vu ensuite "une métamorphose".

"Elle est passée d'éteinte à redevenue solaire."

L'amant de Delphine Jubillar-Aussaguel

cité dans l'enquête de personnalité

Le 15 décembre 2020, juste avant sa disparition dans la nuit, les deux amants, qui envisagent d'emménager ensemble, s'échangent des mots doux par messages. Delphine lui envoie un selfie en pyjama. Elle est alors en instance de divorce avec Cédric Jubillar et la promesse d'une vie nouvelle se dessine pour l'infirmière. Une vie qu'elle ne connaîtra jamais.

* Le prénom a été modifié.

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