: Entretien Mondiaux d'athlétisme : "Revenir au plus haut niveau à 39 ans fait partie de mes plus belles fiertés", témoigne le perchiste Renaud Lavillenie
Opéré il y a deux ans pour soigner une blessure récalcitrante à la cuisse, le Français débute ses 8e championnats du monde, à Tokyo samedi. Si l'objectif reste d'entrer en finale, sa régularité actuelle lui permet de rêver d'une médaille, lundi.
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La "récompense" de deux années de travail. Absent des Jeux olympiques 2024, après avoir couru en vain derrière la qualification, le perchiste tricolore Renaud Lavillenie va arborer de nouveau le maillot bleu dans un grand championnat en plein air, lors des Mondiaux à Tokyo (Japon), samedi 13 septembre lors des qualifications du concours de la perche. Une première depuis sa lourde opération d'une rupture partielle du tendon de l'ischio-jambier gauche, il y a tout juste deux ans.
En choisissant de se faire opérer, Renaud Lavillenie espérait pouvoir faire perdurer sa carrière. Pour autant, le champion olympique de 2016 qualifie son retour à un tel niveau – 5,91 m en février – "d'inespéré". Le Clermontois, qui fêtera ses 39 ans le 18 septembre, se présente au Japon avec le costume de champion de France en titre. Régulier autour des 5,82 m cet été (quatre concours à cette hauteur depuis la fin mai), l'ancien détenteur du record du monde (6,16m) peut légitimement rêver d'un podium... derrière les deux têtes d'affiche, le Suédois Armand Duplantis et le Grec Emmanouil Karalis. Il s'est confié à franceinfo: sport avant de s'envoler pour le pays du Soleil levant.
franceinfo: sport : Vous allez retrouver le stade olympique de Tokyo. La dernière fois que vous y avez sauté, votre finale olympique avait été gâchée par une blessure à la cheville. Qu'est-ce que cela vous fait de revenir ici ?
C'est un stade où j'aurais aimé avoir de très bons souvenirs. Tout ne s'est pas passé comme prévu. C'est un endroit où je suis arrivé en étant physiquement extrêmement diminué et où j'ai quand même réussi à finir huitième d'une finale olympique. Ce n'est pas rien.
Donc j'ai un peu ce sentiment de vouloir absolument renouer avec des ondes positives. Ma saison a été intéressante, assez régulière pour me permettre de rêver.
"Il y a quatre ans, j'ai réussi à faire huitième en étant sur à peine un pied. Là, l'objectif c'est de pouvoir faire mieux."
Renaud Lavillenieà franceinfo: sport
Et puis on a la chance de pouvoir revenir dans un contexte plus agréable : il y a quatre ans, dans le contexte Covid, on ne pouvait rien faire.
Faire mieux, cela signifie viser le podium ?
La perche, il se passe toujours des choses, donc c'est envisageable. Mais il ne faut pas se tromper d'objectif : pour moi, le premier est d'être en finale. Après, je sais que si je suis en finale, j'ai les moyens de faire quelque chose de bien. Mais je peux être 6e comme 3e. Cela peut se jouer à pas grand-chose. J'ai l'avantage indéniable d'avoir une certaine expérience et de l'avoir fait plusieurs fois. Mais, si je rate le podium, ce ne sera pas un échec. Déjà parce que j'ai cinq ou quinze ans de plus que tout le monde !
franceinfo: sport : Vous allez participer à vos 8e Mondiaux. Vous projetiez-vous au départ sur une telle longévité ?
Renaud Lavillenie : Au début de ma carrière, je n'imaginais déjà pas atteindre un tel niveau de performance. En revanche, j'ai toujours sauté à la perche parce que j'aime ça. Donc je n'ai jamais été perturbé par l'idée de me projeter vingt ans plus loin en me disant que je sauterai toujours. Par contre, pouvoir sauter au plus haut niveau aussi longtemps, ce n'était pas prévisible ou envisageable. C'est un peu la beauté de la situation.
Votre carrière a connu beaucoup de hauts, mais aussi des bas, des années de blessures. Qu'est-ce qui vous a fait tenir ?
Les grosses galères sont arrivées fin 2022 et surtout en 2023. Jusqu'ici j'avais globalement été assez épargné. En 2023, je me sentais bien et je n’éprouvais pas encore l'envie d'arrêter. Donc je me suis donné les moyens de ne pas abandonner sans avoir été au bout du projet.
Quand je vois là où j'en suis aujourd'hui, je me dis que ça aurait été dommage de ne pas avoir tenté le coup. Là où je prends le plus de plaisir, c'est sur un sautoir. Je sais que cette période-là va arriver à terme un jour ou l'autre. Tant que je peux en profiter, je savourerai jusqu'au bout.
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Dans quel état d'esprit étiez-vous lorsque vous prenez la décision de vous faire opérer en septembre 2023 ?
En 2022, j'avais fait une saison estivale plutôt bonne, en terminant 5e des championnats du monde. Mais je commençais déjà à avoir un petit peu ces douleurs. Au début, j'arrive à gérer. Puis, toute la saison 2023, j'ai galéré, ça ne revenait jamais. Je voyais bien que ça empirait et que je n'allais pas guérir par magie.
Quand je suis allé consulter, le chirurgien m'a donné deux possibilités. La première était de ne rien faire à part un protocole de renforcement, que j'avais déjà mis en place. Or, si je restais comme ça, j'étais à peu près voué à devoir arrêter. La seconde option était de passer par la case opération, sans avoir l'assurance que cela réussisse. Je savais que neuf mois plus tard il y avait les Jeux olympiques : l'objectif était de tout tenter pour participer, même si je savais que ce serait chaud.
"Mon rêve au fond, c'est de pouvoir continuer à faire du sport avec mes enfants qui grandissent. C'est ce qui a vraiment pesé dans la décision. Revoir l'équipe de France ou non, ce n'était pas grave. Par contre, si dans dix ans je suis toujours capable de faire un petit foot, et deux-trois trucs avec mes enfants, ça n'a pas de prix. "
Renaud Lavillenie, champion olympique de saut à la perche en 2012à franceinfo: sport
Au final, l'opération a très bien fonctionné. Derrière, j'ai vraiment bien travaillé. J'ai été bien entouré et j'ai retrouvé un niveau qui était presque inespéré. Je m'attendais à bien ressauter, mais pas à ce niveau. C'est une des décisions les plus marquantes de ma carrière.
En février, vous ressautez à domicile 5,91 m, une hauteur que vous n'aviez plus franchie depuis 2021. Qu'avez-vous ressenti ?
Je restais sur la frustration de l'été de ne pas avoir eu la récompense [d'aller aux JO] pour pas grand-chose. Ensuite, durant l'hiver, je sentais que ça se mettait bien en place, que la performance pouvait arriver. Le fait d'être à la maison, dans l'événement que j'organise depuis dix ans, le jour de l'anniversaire de mon fils, m'a transcendé. Ce saut m'a récompensé de toutes les dernières années difficiles.
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À la sortie de la finale olympique de Tokyo, vous disiez à la presse que vous seriez là encore de nombreuses années. Vous aviez alors presque 35 ans, vous étiez blessé, peu y ont cru...
Sur ce genre d'affirmation, je me rate rarement. On est malheureusement dans un système qui a du mal à accepter qu'un sportif qui a tout gagné puisse continuer s'il n'est plus au même niveau. Je trouve que c'est un bon message à envoyer aux jeunes générations. Il faut savoir pourquoi on fait ça. J'ai la chance de faire du saut à perche parce que j'aime ça. J'ai la chance d'en avoir été l'un des meilleurs du monde et de continuer à en faire partie.
"Ce n'est pas parce que maintenant je joue les second rôles que je devrais arrêter et d'arrêter de faire ce que j'aime."
Renaud Lavillenieà franceinfo: sport
Aujourd'hui, de quoi êtes-vous le plus fier dans votre carrière ?
Ma première fierté est forcément le titre olympique. Personne ne pouvait imaginer que quelqu'un comme moi, athlète moyen chez les jeunes, pourrait devenir un jour champion olympique. Ensuite, le record du monde : ce n'est même pas le fait d'être le meilleur sur un moment donné, c'est le fait d'être le meilleur dans l'absolu. C'était encore plus imprévisible. Ces deux choses montrent que je n'ai jamais douté de mes capacités, et que je me suis donné les moyens d'aller au maximum de ce que je peux faire.
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Après, je pense que l'une de mes plus belles fiertés, c'est aussi mon retour au plus haut niveau en 2025, après quelques années de galère et à la veille de fêter mes 39 ans. C'est un âge où il y a très peu d'athlètes qui sont performants et qui sont encore sur les grands rendez-vous. Et je sens bien que ce n'est pas encore fini.
À l'inverse, avez-vous des regrets ?
Il y aura toujours, sans être un regret vraiment énorme, le fait de n'avoir jamais été champion du monde en extérieur. Mais je n'échangerai jamais mes cinq médailles mondiales contre une d'or. Cette régularité, j'y accorde beaucoup de valeur et d'importance.
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