"On ne peut pas fermer les yeux" : une association veut mettre l'entreprise en première ligne dans la lutte contre les violences conjugales
Une association a créé un label destiné aux entreprises qui mettent en place des mesures concrètes contre les violences conjugales que subissent les salariées. Certaines entreprises agissent déjà en proposant des formations mais aussi des solutions pratiques pour leurs employées en difficulté.
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Pendant dix ans, Sarah Barukh a subi des violences conjugales, notamment psychologiques, et tentait de le cacher à ses collègues. "Il suffisait que j'aie un SMS qui dise 'réponds' pour que je quitte une réunion très importante et que j'aille me planquer pour répondre", témoigne cette mère de famille de 44 ans. Elle a réussi à s'enfuir. Aujourd'hui, à la tête de son association 125etaprès, elle intervient dans une trentaine d'entreprises chaque année, pour réaliser des formations et des sensibilisations auprès d'employés, de managers et de responsables des ressources humaines. Lors de ces ateliers, elle explique "ce que c'est qu'une violence, quels sont les différents niveaux faibles". "C'est comme ça qu'on fait ouvrir les yeux", assure-t-elle. Elle estime qu'en faisant "rentrer ce sujet des violences conjugales dans l'entreprise, on le 'détabouise', ce qui permet aux victimes de se sentir légitimes à en parler".
Mais il faut aussi proposer des solutions concrètes aux victimes de violences conjugales, plaide Sarah. Elle lance donc aujourd'hui un label RSE, que peuvent obtenir les entreprises à condition qu'elles réalisent trois actions, puis une supplémentaire l'année suivante. Elle propose par exemple d'"autoriser les salariées à aller porter plainte sur leur temps de travail". "Quand vous subissez du contrôle coercitif, vous n'avez jamais trois heures sur votre temps libre, le samedi après-midi, pour aller au commissariat, alors que si vous avez l'excuse d'être au travail, c'est très différent, puisque l'entreprise peut devenir un alibi légal", explique-t-elle. Autre action possible, "le fait de pouvoir récupérer l'épargne salariale en cas de dépôt de plainte pour violences conjugales".
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Pour l'instant une dizaine d'entreprises ont ce label RSE. Mais elles sont loin d'être les seules à mettre en place des mesures. La Poste, par exemple, a pris en 2019 plusieurs mesures, inscrites dans un accord d'entreprise relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le groupe accompagne chaque année entre 400 et 600 salariées victimes de violences conjugales. Elles peuvent notamment obtenir, via le réseau de 170 assistants sociaux, trois jours de congé rémunérés, explique Laurence Hulin, directrice diversité, inclusion et égalité des chances au groupe La Poste. Ces jours "permettent d'aller à des rendez-vous médicaux ou administratifs, par exemple pour porter plainte". En 2024, "170 jours ont été donnés à une centaine de personnes".
"Assurer la sécurité des collaboratrices"
D'autres solutions sont proposées : "un logement d'urgence" peut être disponible immédiatement, il est aussi possible "de pouvoir muter notre collaboratrice dans un autre département quand il y a un danger si elle reste près de son conjoint". Un dispositif existe aussi pour aider les postières dépendantes financièrement car l'entreprise s'est rendu compte que "certaines collaboratrices avaient leurs salaires versés sur le compte de leur conjoint". Le groupe profite donc d'avoir une filiale spécialisée, La Banque postale, pour pouvoir ouvrir rapidement un compte à une employée victime de violences conjugales, afin qu'elle puisse recevoir son salaire directement dessus. "On estime que c'est de notre rôle de permettre à nos collaboratrices d'avoir un environnement sécurisé qui leur permette de travailler dans de bonnes conditions. On se doit d'assurer la sécurité de ses collaboratrices, on ne peut pas fermer les yeux", ajoute Laurence Hulin.
Même engagement au sein des magasins U. Quand elle a pris ses fonctions en 2018, Satya Goetz Lancel, responsable des programmes de protection des salariés victimes de violences conjugales, a prévalidé un panel large de solutions possibles : "Trouver un avocat, un logement pour le soir même, financer de la garde d'enfants, prêter un véhicule". La demande de logement d'urgence revient le plus souvent de la part de ces victimes. "Il fallait que dans les deux heures, une solution leur soit proposée et adaptée aussi bien pour la Creuse, l'Aveyron ou l'Île-de-France", se souvient Satya Goetz Lancel. L'entreprise a donc travaillé avec Action Logement, dont les travailleurs sociaux suivent ainsi les salariées victimes pour que rapidement, elles puissent "accéder à un logement pérenne, dans le secteur de leur choix et dans leurs moyens". Satya Goetz Lancel précise que désormais "il n'y a même plus besoin d'un dépôt de plainte, ça peut se faire sur note du travailleur social".
"On ne peut pas rester sans rien faire"
Et pour sensibiliser les employées, pour les aider à se sentir légitimes de parler à leurs collègues ou managers, l'entreprise a disposé dans toutes les toilettes des employés des affiches sur lesquelles est écrit : "Si tu as besoin d'un logement d'urgence ou des problèmes à la maison, tu peux venir nous voir". Pour Satya Goetz Lancel, tout ce dispositif de "prévention" fonctionne. "Depuis deux ans, on a des dizaines et des dizaines de demandes, ils osent pousser la porte", salue-t-elle.
Alors, pour aller plus loin, Satya Goetz Lancel travaille depuis deux ans à la Fédération du Commerce et de la distribution pour généraliser ce dispositif à l'ensemble des enseignes adhérentes. "Quand on ne sait pas quoi faire, généralement, on ne fait rien, alors que si on a des outils prêts, un process et qu'on est formés à l'appliquer, alors on fait", résume-t-elle. L'objectif, c'est de l'adapter pour qu'il soit repris par toute la filière de la grande distribution avec un accord de branche d'ici la fin de l'année. Elle juge important de pouvoir agir, car "l'entreprise c'est là où on passe le plus clair de son temps, on ne peut pas rester sans rien faire". Elle espère donc que d'autres secteurs s'inspirent de ce programme de protection.
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