: Reportage "Je l'ai vraiment vécue comme une humiliation" : certains curés interdisent toujours aux filles d’être enfants de chœur
La mixité des enfants de chœur, qui accompagnent le prêtre au service de l'autel, est pourtant prévue par l’Église catholique, depuis les réformes de Vatican II. Mais cette discrimination sexiste se poursuit dans certaines paroisses, ce qui indigne une partie des fidèles.
/2023/12/06/agathe-mahuet-pic-65706db0ef620987855507.png)
/2025/04/19/enfant-de-choeur-680403eaee300857279638.jpg)
Lors de la messe de Pâques du dimanche 20 avril, de nombreux catholiques verront leur prêtre accompagné d’enfants de chœur. On les appelle plus officiellement les "servants d’autel" qu’ils soient garçons ou filles. Mais cette mixité, prévue par l'Église, n'est pas mise en place partout. Par exemple, la paroisse parisienne de Saint-Germain-des-Prés ne laisse pas les jeunes filles s’approcher de l’autel. Interdiction pour elles d’être enfants de chœur, et le père Albin Malry, vicaire de la paroisse, l’assume : "Il y a des âges où c'est bien que les garçons et les filles ne soient pas mélangés pour se construire."
D’ailleurs, un groupe de jeunes filles a été mis en place il y a deux ans, pour officialiser leur simple place dans la nef. "Il y a vraiment une complémentarité des rôles, affirme le père Albin Malry. Il y a les servants d’autel, et les servantes de l’assemblée. Les servants sont là pour aider les prêtres au service de l'autel, et les demoiselles sont là pour aider les paroissiens, pour les accueillir et prier avec eux."
"J'ai vécu dans ma chair le sexisme très direct de l'Église catholique romaine"
Autre argument : puisque seuls les garçons peuvent devenir prêtres, autant ne garder qu’eux près de l’autel. Mais c’est une discrimination qui laisse des traces, explique Carmen. Elle fait partie du Comité de la jupe, désormais appelé Magdala, qui milite pour l'égalité femmes-hommes dans l'Église. Carmen a 31 ans, et a vécu elle-même cette exclusion, petite. Elle a été enfant de chœur, depuis son plus jeune âge, explique-t-elle, dans la paroisse de ses grands-parents, avec ses cousins du même âge, des garçons. "Du jour au lendemain, on a eu un changement de curé et le nouveau curé m'a aussitôt interdit de revêtir la petite aube d'enfant de chœur qui était désormais réservée aux garçons, raconte Carmen. C'était la première fois, je crois, que j'ai vécu dans ma chair le sexisme très direct de l'Église catholique romaine. Je l'ai vraiment vécue comme une humiliation, comme une frustration."
"J'étais consignée à distribuer les feuilles de chants et j'étais interdite d'accès où il y a l'autel. Dans une église, l'autel, c'est l'endroit le plus sacré."
Carmen, membre de l'association Magdalaà franceinfo
Au sein de l’association qui milite pour l’égalité femmes-hommes dans l’Église, une carte participative donne une idée de ce manque d’inclusivité. Près de 500 paroisses sont recensées sur les 12 000 que compte la France, et plus de la moitié d’entre elles interdisent aujourd’hui aux filles d’être servantes d’autel. Une situation qui indigne Carmen : "On veut continuer à mettre les femmes de côté. Et si on peut les mettre dès leur plus jeune âge de côté pour qu'elles comprennent bien où est leur place, on va le faire."
"Il y a des questions un peu idéologiques"
Tout cela pourtant n’a pas de fondement théologique, explique Gilles Drouin, directeur de l’Institut supérieur de liturgie, d’autant que le Pape François, en 2021, a clairement appelé garçons et filles à participer à ce service d’autel. "Maintenant, il n'y a plus du tout d'ambiguïté, surtout que ce ministère, cette fonction n'est pas liée au sacrement de l'ordre qui chez les catholiques est genré mais lié au baptême. Et le baptême n'est pas genré, c'est-à-dire Dieu merci, on baptise des hommes et des femmes depuis le début."
Selon le théologien, l’explication est souvent plus simplement politique : "Je pense que derrière ça aussi il y a des questions un peu idéologiques. Il y a une forme de catholicisme qui est très sensible à ces questions d'identité de genre et, par rapport à une société qui peut lisser un peu ces écarts, est attaché à tout ce qui renforce ces écarts. Et donc il y a des phénomènes de crispation." Une exclusion des filles qui convient donc à de nombreux catholiques conservateurs, tandis que les voix dissonantes s’autocensurent parfois, ou peinent à se faire entendre.
À regarder
-
Avion low cost : payer pour incliner son siège
-
Cédric Jubillar : ses défenseurs passent à l'attaque
-
Salomé Zourabichvili : "La Russie utilise la Géorgie comme test"
-
Se faire recruter dans l’armée par tirage au sort ?
-
La détresse de Cécile Kohler et Jacques Paris, otages en Iran
-
Le fléau des courses-poursuites à Los Angeles
-
Se soigner risque-t-il de coûter plus cher ?
-
Bac sans calculette : les conseils de Lucas Maths
-
Menace des drones : la France déploie ses armes
-
Un couple sauvé des eaux au Mexique
-
Ces méthodes spectaculaires contre les courses-poursuites
-
Opération anti-drogue : 400 policiers mobilisés à Grenoble
-
En Turquie, une femme sauvée in extremis devant un tramway
-
14 milliards d'impôts en plus, qui va payer ?
-
Gaza : comment désarmer le Hamas ?
-
Menace sur les réseaux : 100 000 euros pour t*er un juge
-
Cédric Jubillar : 30 ans requis contre l'accusé
-
Impôts, retraites, que prévoit le budget 2026 ?
-
Rihanna, reine des streams sans rien faire
-
Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?
-
Salaire : êtes-vous prêts à jouer la transparence ?
-
Ici, des collégiens dorment à la rue
-
Nouvelle éruption d'un volcan dans l'est de l'Indonésie
-
Cœur artificiel : l'angoisse des greffés Carmat
-
Pourquoi le vote du budget peut te concerner
-
Le nouveau ministre du Travail rouvre les débats sur les retraites
-
Laurent Nuñez, nouveau ministère de l'Intérieur, se confie sur les attentats de 2015
-
Adèle Exarchopoulos : "Quand le monde se résigne à banaliser la violence... Ce qui reste, c'est le collectif"
-
Un mois après sa mort, le message de Charlie Kirk résonne encore
-
Le rappeur SCH déclare sa flamme à Marcel Pagnol dans un film d'animation consacré au célèbre cinéaste
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter