"Cellules vétustes", psychiatrie en crise… Ce que dénonce la contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans son rapport annuel
Alors que la surpopulation carcérale atteint des records en France, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dévoile mercredi son rapport d'activité pour 2024.
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"La surpopulation, tel un nuage maléfique de sauterelles, empire chaque jour, ravageant tout sur son passage." La contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, ne mâche pas ses mots pour dénoncer la "croissance sans fin de la surpopulation carcérale" en France, dans l'avant-propos de son dernier rapport d'activité, mis en ligne mercredi 21 mai, à 10 heures.
Ce document est "nourri" des "nombreuses visites d'établissements" effectuées par les services de Dominique Simonnot en 2024. Au total, 133 visites ont été réalisées, dont 23 dans des établissements pénitentiaires, 30 dans des établissements de santé mentale, deux dans des centres de rétention administrative (CRA), huit dans des centres éducatifs fermés (CEF) et 47 dans des locaux de garde à vue. La CGLPL se base aussi sur les "courriers qui lui sont adressés" : elle a reçu 2 503 signalements en 2024. Franceinfo a pu consulter ce rapport et vous en résume l'essentiel.
Une surpopulation carcérale galopante aux "conséquences délétères"
Chaque mois, le record du mois précédent est battu. "L'année 2024 est marquée pour la quatrième fois consécutive par une croissance inquiétante et nocive de la surpopulation carcérale", souligne dans son rapport Dominique Simonnot. Elle précise qu'à ce jour, "plus de la moitié des détenus sont hébergés dans des prisons dont le taux d'occupation dépasse les 150%". "L'explosion du nombre des matelas au sol (4 752 au 1er avril 2025 contre 3 307 un an plus tôt) est la marque de la saturation de l'appareil pénitentiaire", relève-t-elle. A titre d'exemple, "un des établissements visités ne comptait pas moins de 120 matelas au sol", tandis qu'"en Occitanie, ce ne sont même plus les cellules qui manquent, mais les matelas à mettre au sol".
Cette sur-utilisation de l'espace a pour conséquence, entre autres, "des cellules vétustes", "de la peinture qui s'écaille", "des sanitaires dégradés". "Les rats pullulent et les cellules sont souvent infestées de punaises ou de cafards", expose le document. "Le fait de maintenir trois personnes enfermées 22 heures sur 24 dans 9 m2, sans autre horizon que télévisuel, ne peut qu'impacter négativement leur santé mentale", pointe la CGLPL. Elle fustige aussi une situation qui épuise les surveillants, dont le nombre est largement insuffisant. "Il en manque 6 000 en France", écrit-elle.
Dans ce contexte, "l'accès aux activités constitue un enjeu essentiel de sécurité, d'évaluation et d'insertion", observe Dominique Simonnot, qui ajoute que "la dimension ludique qui s'attache à certaines [de ces pratiques] est tout à fait secondaire". Une manière de répondre à Gérald Darmanin, qui avait annoncé, à la mi-février, avoir ordonné l'arrêt de toutes les "activités ludiques" en prison qui ne concernaient pas l'éducation, la langue française ou le sport. Cette mesure du garde des Sceaux a finalement été annulée par le Conseil d'Etat, lundi.
La contrôleure générale revient également sur la semi-liberté, une autre mesure censée favoriser la réinsertion des détenus, "très largement sous-employée". D'autant plus que des "disparités fortes" existent sur le territoire : "Les quartiers de semi-liberté (QSL) d'Île-de-France sont quasiment tous suroccupés, tandis qu'ailleurs, de nombreux QSL ne sont qu'à moitié occupés." Si Dominique Simonnot prône le développement de la semi-liberté "dans de larges proportions", il faut avant tout l'améliorer de façon "significative".
Une crise de la psychiatrie qui s'aggrave
Déjà dénoncés en 2024, les problèmes de recrutement de médecins et de personnel soignant persistent dans les établissements psychiatriques : "Dans 20 des 30 établissements de santé mentale contrôlés en 2024, le nombre de psychiatres était inférieur aux effectifs prévus, les postes d'infirmiers non pourvus se comptent par dizaines." Ainsi, la CGLPL cite l'exemple d'un hôpital qui a connu une baisse de 75% de son effectif de psychiatres depuis sa précédente visite en 2011.
Cette "tension capacitaire permanente" a des conséquences sur les droits des patients, avec des "mesures d'isolement et de contention mises en œuvre dans des conditions inappropriées", irrespectueuses "de la dignité des patients". À tel point que, parfois, "la chambre d'isolement constitue le mode d'hébergement de base", relève le rapport. Autre exemple : "On observe parfois des durées d'attente aux urgences de plus de quatre jours."
Dans les centres de rétention administrative, encore des atteintes "à la dignité"
En ce qui concerne les centres de rétention administrative, où sont conduits les étrangers visés par des mesures d'éloignement, Dominique Simonnot dresse le même constat qu'en 2024. "Les prises en charge sont, dans la majorité des cas, gravement attentatoires à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes retenues", dénonce la CGLPL, qui regrette que ses "visites successives" donnent lieu "à des recommandations récurrentes laissées sans suite".
Architecture inadaptée, espaces exigus, locaux dégradés… La CGLPL dénonce des "conditions matérielles de vie indignes" dans les CRA, où la durée des séjours s'allonge pour s'établir en moyenne à plus de vingt-six jours. Elle salue cependant l'interdiction de placer des enfants en rétention administrative, inscrite dans la loi du 26 janvier 2024, une recommandation qu'elle avait formulée depuis longtemps.
Des droits appliqués de "manière très variable" en garde à vue
Dans les locaux de garde à vue et les geôles de tribunaux, les visites effectuées en 2024 révèlent "une très grande disparité". Alors que certains sont "clairs et entretenus, ou récents", d'autres locaux sont, au contraire, "indignes, avec des surfaces inférieures à 5 m2, non chauffées, dépourvues de toilettes et de point d'eau".
Les droits des personnes placées en garde à vue ne sont pas toujours respectés. "Le retrait du soutien-gorge et des lunettes reste systématique dans la plupart des cas", et il arrive qu'ils "ne soient pas restitués lors de la présentation à un juge". Enfin, "le droit de rencontrer un médecin et un avocat est mis en œuvre de manière très variable selon les lieux", remarque la CGLPL.
Des centres éducatifs fermés toujours précaires
Enfin, les centres éducatifs fermés, ces structures d'hébergement destinées aux mineurs délinquants dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une libération conditionnelle, font l'objet d'une surveillance particulière de la part de Dominique Simonnot. Même si "les difficultés de recrutement sont très loin d'avoir disparu", "les structures visitées gagnent un peu de stabilité, avec de plus en plus d'équipes complètes", salue la CGLPL, qui s'est notamment rendue dans un CEF dit de "nouvelle génération", ouvert en 2022. Autre point positif : l'augmentation d'"activités éducatives variées et adaptées" aux jeunes, qui leur permettent ainsi "de favoriser leur intégration".
Cependant, une fois de plus, Dominique Simonnot met en évidence l'existence de locaux "sinistres, vieillots ou décatis". En outre, déplore la CGLPL, "l'accès aux soins dans les CEF n'est pas organisé de manière uniforme et dépend des ressources locales". Idem pour l'accès à l'éducation. "Les jeunes ne bénéficient que de trois heures de cours par semaine au maximum, aucun cours collectif n'est organisé et la continuité de l'enseignement pendant les vacances scolaires n'est pas assurée", constate Dominique Simonnot, qui en profite pour rappeler sa recommandation "de créer un statut spécial de professeurs pour les enfants enfermés, sans interruption pendant les vacances scolaires qui n'ont, pour ces élèves, aucune signification".
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