Que contient le texte sur la justice des mineurs, voté en première lecture par l'Assemblée nationale ?

Les députés ont adopté en première lecture, jeudi, une proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat fin mars.

Article rédigé par Mathilde Goupil - avec AFP
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Temps de lecture : 7min
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 février 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 février 2025. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

Une réponse politique aux violences urbaines consécutives à la mort de Nahel, à l'été 2023. Les députés ont adopté en première lecture, jeudi 13 février, une proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir la justice des mineurs. Le texte, soutenu par le gouvernement, la droite et l'extrême droite, mais dénoncé par la gauche, reprend une série de mesures annoncées au printemps par l'ancien Premier ministre.

Le texte pourrait encore se durcir lors de son futur examen par le Sénat, le 25 mars. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a en effet déclaré au Parisien, mercredi, qu'il souhaitait "lancer le débat sur l'abaissement de la majorité pénale à 16 ans", mettre en place des jurés populaires pour juger les délits commis par des mineurs, instaurer une mesure judiciaire de couvre-feu aux mineurs délinquants "dès leur sortie des cours et les week-ends", ou renforcer l'usage du bracelet électronique pour les mineurs.

Franceinfo fait le point sur le contenu de la proposition de loi votée à l'Assemblée.

Une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans

L'Assemblée a rétabli plusieurs mesures supprimées lors de l'examen du texte en commission fin novembre. Les députés ont notamment acté la création d'une procédure de comparution immédiate – qui permet un jugement immédiatement après la garde à vue – pour les mineurs. Aujourd'hui, le jugement d'un mineur doit intervenir dans un délai maximum de trois mois après sa garde à vue, pour déterminer sa culpabilité ou non. Une seconde audience a ensuite lieu, au plus tard neuf mois après la première, pour déterminer sa sanction.

Entre-temps, l'adolescent peut notamment faire l'objet d'un suivi éducatif, mais aussi d'une interdiction d'entrer en contact avec une victime, voire être placé en détention provisoire. Une procédure d'urgence existe néanmoins, appelée "audience unique" (document PDF), pour statuer au cours d'une même audience sur la culpabilité d'un mineur et la sanction, notamment pour les jeunes déjà connus de la justice.

La majorité présidentielle dénonce cette organisation en deux temps. Le délai de plusieurs mois entre l'infraction et le jugement peut "renforcer encore le sentiment d'impunité chez les jeunes", estime Gabriel Attal. Selon l'exposé des motifs qui accompagne le texte, l'objectif de la mesure est donc d'"offrir aux magistrats une procédure rapide quand la gravité des faits et la personnalité du mineur le justifient". L'article 4 prévoit que les mineurs concernés soient ceux âgés de plus de 16 ans, déjà connus de la justice et pour lesquels un placement en détention provisoire est requis.

Si elle est adoptée, la comparution immédiate pour les mineurs ne serait pas inédite. Elle avait cours depuis 1945, avant de disparaître lors de la réforme de la justice pénale des mineurs en 2021. A l'époque, le principe des audiences scindées, avec la possibilité d'accélérer le processus pour certains mineurs, était considéré comme "suffisant pour assurer une réponse pénale rapide", explique l'ancienne sénatrice Agnès Canayer, rapporteure du projet de réforme, à Public Sénat.

Certains magistrats estiment donc que le texte de Gabriel Attal n'apporte pas de véritable nouveauté, et assurent surtout manquer de moyens pour mettre en œuvre ce qui existe déjà. Ils dénoncent par ailleurs la potentielle disparition du suivi éducatif entre les deux audiences, qui permet, selon eux, d'expliquer aux adolescents la gravité de leurs actes.

La fin de l'excuse de minorité systématique après 16 ans

L'article 5 revoit les modalités du principe d'atténuation de la peine pour les mineurs, aussi appelé "l'excuse de minorité". Ce principe juridique, qui existe depuis 1945, entérine l'idée qu'un mineur doit être sanctionné moins sévèrement qu'un majeur. Concrètement, ce principe divise par deux, pour les mineurs, les peines prévues par le Code pénal. Ce dispositif peut toutefois être outrepassé sur décision motivée du juge, en fonction de la "personnalité" et de la "situation", du jeune, si ce dernier est âgé de plus de 16 ans. Mais cela n'est arrivé qu'à de très rares occasions.

La proposition de loi ne prévoit pas de dérogation au principe de l'atténuation de la peine pour les adolescents de moins de 16 ans. Au-delà, le texte propose de ne plus appliquer d'atténuation des peines pour des mineurs auteurs de faits graves et multirécidivistes, sauf décision motivée du juge. Il s'agit par exemple de faits d'atteinte volontaire à la vie, de violences volontaires ou d'agressions sexuelles. "La règle est inversée : c'est le maintien du principe de l'atténuation de la peine qui doit dans ce cas, être motivé", résume l'exposé des motifs du texte.

Là encore, cette mesure fait débat parmi les magistrats. Le collectif "Justice des enfants", qui réunit les principales organisations professionnelles de l'enfance du monde judiciaire et associatif, estime par exemple que l'atténuation de l'excuse de minorité est contraire à la Constitution et aux engagements internationaux de la France.

Des sanctions renforcées contre les parents de mineurs délinquants

Les députés ont aussi approuvé le durcissement de sanctions envers les parents de mineurs délinquants. "Oui, il y a des parents sincèrement débordés. Et on doit les aider. Mais (…) il y a aussi des parents qui n'assument pas leurs responsabilités, qui laissent prospérer la spirale de la violence", justifie l'exposé des motifs de la proposition de loi.

L'article 2 prévoit par exemple qu'un juge des enfants puisse donner une amende civile aux parents qui ne répondraient pas aux convocations pour les audiences et les auditions. Par ailleurs, l'article 3 entérine que les deux parents titulaires de l'autorité parentale sont solidaires des dommages causés par leur enfant, même si ce dernier n'habite que chez l'un d'eux. La Cour de cassation a déjà rendu une décision en ce sens, le 28 juin. La proposition de loi se contente donc sur ce point de retranscrire la jurisprudence dans le droit.

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