François Bayrou devant les députés : les accusations sur lesquelles le Premier ministre va devoir s'expliquer dans l'affaire Bétharram
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Le Premier ministre est interrogé ce mercredi, sous serment, par la commission d'enquête parlementaire, sur les violences commises dans l'établissement catholique. Plusieurs témoins affirment qu'il était au courant de certains de ces faits, ce qu'il a nié jusqu'à présent.
Les projecteurs vont être braqués sur lui. François Bayrou est entendu par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Bétharram, mercredi 14 mai. Le Premier ministre est dans la tourmente depuis la vague de révélations sur les violences, physiques, psychologiques et sexuelles commises dans cet établissement catholique du Sud-Ouest et qui font l'objet de 200 plaintes auprès du parquet de Pau (Pyrénées-Atlantiques).
Selon plusieurs témoins, le chef du gouvernement, qui a scolarisé ses propres enfants dans l'institution, était informé de ces dérives dès la fin des années 1990, alors qu'il était élu puis ministre de l'Education nationale. Ses versions sur son degré de connaissance des faits dénoncés ont été évolutives. Si sa fille, Hélène Perlant, a assuré n'avoir jamais parlé à son père de la violente agression dont elle a été elle-même victime, François Bayrou va devoir s'expliquer sur d'autres épisodes.
Des violences commises sur un élève sous les yeux de la fille de François Bayrou durant l'année scolaire 1987-1988
Durant l'année scolaire 1987-1988, Rodolphe, aujourd'hui âgé 56 ans, est témoin d'une scène de violences commises sur un camarade de Bétharram, en présence de la fille du futur ministre de l'Education nationale, Hélène. A cette époque, François Bayrou est député de la 2e circonscription du département et élu au conseil général.
"Ma classe ne devait pas avoir cours, et dans ces cas-là, on était placé dans l'étude des premières. Le pion [le surveillant] a mis un vrai 'aller-retour', fort, à un élève. Une grosse gifle. Tout le monde a baissé les yeux. Je me suis retourné vers [la fille de François Bayrou]. Et j'ai vu son regard, de surprise et d'effroi", raconte-t-il auprès de Sud-Ouest puis de la cellule investigation de Radio France, estimant que le fait qu'Hélène Perlant "en ait parlé à ses parents serait dans la logique des choses".
Rodolphe a ainsi porté plainte en février pour "non-dénonciation de crime et délit". Interrogée par Sud-Ouest, la fille de François Bayrou estime que "la question du déni – individuel et collectif –" dans cette affaire est plus intéressante "à problématiser que d'imaginer le père et la mère Ubu en train de comploter dans leur cuisine pour que le crochet à mômes puisse continuer à fonctionner tranquillement", en référence à la pièce d'Alfred Jarry, Ubu-roi.
Questionné sur cette plainte en marge du salon de l'Agriculture, fin février, François Bayrou a éludé, se disant "très en colère" : "Je ne participe pas au scandale. Celui qui me fera mêler mes enfants à tout ça n'est pas né."
Les signalements d'une professeure auprès du couple Bayrou dès la "fin 1994 ou début 1995"
Elle est la première lanceuse d'alerte dans l'affaire. Françoise Gullung, professeure de mathématiques entre 1994 et 1996 à Bétharram, n'a cessé de dénoncer, en vain, la situation et "l'omerta" régnant, selon elle, au sein de l'établissement. Entendue par la commission d'enquête fin mars, elle a confirmé ce qu'elle avait déjà révélé dans la presse : sa rencontre dans un couloir avec Elisabeth Bayrou, la femme du Premier ministre, qui enseignait le catéchisme. Alors qu'elle entend un adulte hurler et frapper sur un enfant dans une salle, Françoise Gullung rapporte à la cellule investigation de Radio France avoir demandé à Elisabeth Bayrou "Que peut-on faire ?". "Ces enfants-là, on ne peut rien en tirer", s'entend-elle répondre.
Selon le récit de son audition fait par Le Monde, Françoise Gullung affirme avoir effectué plusieurs signalements dès la "fin 1994 ou début 1995". Elle écrit notamment à François Bayrou, alors ministre de l'Education nationale, puis tente de l'alerter à l'occasion d'une remise de décoration, à Pau, le 17 mars 1995. "Evidemment", François Bayrou savait, explique-t-elle aujourd'hui. "Jamais, personne, ne m'a alerté sur ce sujet, du moins dans mon souvenir", a pourtant assuré au Point le chef du gouvernement en juillet 2024. "Vous imaginez bien que si quelqu'un m'avait indiqué des faits de cet ordre, jamais mes enfants n'y auraient été scolarisés."
La plainte médiatisée d'un parent d'élève pour une violente gifle sur son fils en avril 1996
En avril 1996, un parent d'élève, Jean-François Seris, porte plainte pour "coups et blessures volontaires" contre Marie-Paul de Behr, un surveillant général qui a frappé son fils l'année précédente, lui assénant une violente gifle qui lui a percé le tympan. Il l'a aussi contraint à rester une heure et demie dans le froid, la nuit, en slip et tee-shirt, sur le perron de l'établissement. Le surveillant sera condamné à une amende de 5 000 francs (soit environ 1 189 euros actuels). Selon les archives exhumées par Mediapart, la presse locale et nationale se fait l'écho de cette affaire, d'autant que l'un des fils du ministre de l'Education, Calixte Bayrou, est scolarisé dans la même classe que l'élève en question. "Bétharram, le lycée fier de ses châtiments", titre Libération. D'autres parents d'élèves se mettent à témoigner de violences dans les colonnes des journaux.
Un rapport d'inspection est diligenté en urgence par le rectorat de Bordeaux. Le fonctionnaire qui l'a rédigé, auditionné également par les parlementaires, a raconté qu'on lui avait donné quatre jours pour remettre ses conclusions, week-end compris. Et répété que celles-ci ne tenaient pas la route face aux révélations actuelles. Selon ce que rapporte l'édition de Sud-Ouest de l'époque, François Bayrou a pris fait et cause pour l'établissement début mai 1996, à l'occasion d'une cérémonie officielle pour la fin des travaux de toitures de la chapelle de Lestelle-Bétharram. "Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d'injustice", affirme alors le ministre. Et d'ajouter : "Toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées. Toutes les vérifications ont été favorables et positives. Le reste suit son cours."
Un échange avec le juge chargé d'enquêter en 1998 sur une plainte pour viol contre le père Carricart
Le 26 mai 1998, alors que François Bayrou a retrouvé son siège de député et préside toujours le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, un gendarme conduit le père Pierre Silviet-Carricart dans le bureau d'un juge au palais de justice de Pau. Le religieux est accusé par un ancien élève – mineur à l'époque des faits – de l'avoir régulièrement violé en 1988, quand il dirigeait l'établissement. Ce jour-là, le juge "m'attendait devant la porte de son bureau" et il "m'a dit : 'La présentation est retardée, le procureur général demande à voir le dossier, il y a eu une intervention de M. Bayrou'", a relaté le gendarme Alain Hontangs devant la commission d'enquête parlementaire, le 10 avril.
Le magistrat en question, Christian Mirande, également entendu par la commission, a confirmé cette demande du procureur général, mais soutenu n'avoir "aucun souvenir" d'avoir parlé d'une intervention de François Bayrou. Sans pour autant remettre en cause les dires de l'ancien enquêteur, en qui il a "toujours toute sa confiance".
Le juge a par ailleurs confirmé que François Bayrou était venu le voir chez lui durant cette affaire, en 1998. "Il a parlé de son fils pour lequel il était inquiet", a précisé Christian Mirande, et "il n'arrivait pas à croire la réalité" des faits reprochés au père Pierre Carricart, "qu'il semblait connaître". François Bayrou, qui avait d'abord nié cet échange, a évoqué une rencontre fortuite à Bordères, près de Pau, où les deux hommes étaient domiciliés. "Nous avons pu parler de l'ambiance, de l'établissement, jamais du dossier", s'est-il défendu devant l'Assemblée nationale, mi-février.
Une semaine plus tôt, dans l'hémicycle puis dans Le Monde, le Premier ministre avait martelé avoir entendu parler de "claques" mais "jamais" de "violences a fortiori sexuelles". Un nouveau démenti est venu de sa propre fille, Hélène Perlant. Lors d'une émission de Mediapart, fin avril, elle raconte : "Il ne s'en souvient pas, je pense, mais je suis là le soir où il rentre de chez le juge [Christian] Mirande. On est là, tout seuls, tous les deux, et il me dit 'Ne le répète surtout pas, j'ai juré d'être dans le secret de l'instruction'." "Est-ce que tu crois possible ça ?", lui a demandé François Bayrou, selon son récit. "On est resté là. Je lui ai dit 'Ecoute…' Et il m'a dit : 'Il est en prison, qu'il y reste'."
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