Reportage "Il y en a pour un million d'euros de casse" : les bouteilles de protoxyde d’azote explosent dans les incinérateurs et provoquent des dégâts coûteux

Les explosions de ces bouteilles de "gaz hilarant" dans les usines de traitements de déchets sont un véritable fléau. Le coût pour la filière est estimé entre 15 et 20 millions d'euros par an.

Article rédigé par franceinfo, Margaux Queffélec
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une poubelle pleine de bombonnes de protoxyde d'azote. Photo d'illustration. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)
Une poubelle pleine de bombonnes de protoxyde d'azote. Photo d'illustration. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)

Vous en avez sans doute déjà vu par terre dans la rue ou dans des parcs. Les bouteilles de protoxyde d’azote sont utilisées par des professionnels comme des restaurateurs, mais leur usage est souvent détourné en "gaz hilarant", notamment par les jeunes, avec des risques pour la santé. Ces bonbonnes atterrissent ensuite dans des usines de traitement des déchets où elles causent d'importants dégâts.

Casque et lunettes de sécurité vissées sur la tête, le directeur de l'usine de valorisation énergétique Paprec, de Thiverval-Grignon, en région parisienne, Pierre-Yves Maréchal, nous montre le cœur de l'incinérateur qui transforme les déchets en énergie. "C'est là que les ordures brûlent, on va monter entre 1 000°C et 1 200°C et c'est là justement où la bouteille de protoxyde chauffe jusqu'à la rupture de celle-ci et entraîne son explosion", explique le directeur. Ces cinq à six explosions de bonbonnes par jour endommagent parfois les fours et les forcent à l'arrêt. "Une fois que le four est stoppé, on vient sécuriser la chaudière, vider les déchets et réparer. Cela peut prendre deux à trois jours, indique Pierre-Yves Maréchal. En 2024, il y en a pour un million d'euros de casse sur notre site." 

Pierre-Yves Maréchal directeur de l'usine de Thiverval-Grignon dans les Yvelines, 20 février 2025. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)
Pierre-Yves Maréchal directeur de l'usine de Thiverval-Grignon dans les Yvelines, 20 février 2025. (JEAN-FRANCOIS FREY / MAXPPP)

En plus du coût économique, ces arrêts ont des conséquences très concrètes sur les foyers et l'hôpital de la ville Plaisir chauffés par cette usine. "À chaque casse, on bride le chauffage forcément, indique le directeur de l'usine. Ils sont chauffés au gaz qui est non renouvelable, alors que nous, on est une énergie renouvelable." Pour les employés, qui veillent au bon fonctionnement du four à travers une petite vitre, ces explosions ne sont pas sans risque, explique Atheme Ferridi, adjoint chef de car : "Il y a un danger parce qu'en fait là où on regarde c'est en verre. Donc, on a les lunettes. Mais c'est déjà arrivé que ça casse avec la déflagration".

Des solutions envisagées

Le phénomène s'est accéléré depuis la fin de 2024, selon le directeur. Pour se rendre compte de son ampleur, il suffit de regarder l'immense tas de ferraille qui reste après le traitement des déchets. "La première chose qu'on va retrouver va être une bouteille de protoxyde qui a explosé dans le four. On ne les trie pas, mais on en retrouverait entre dix et 100 par jour", explique Pierre-Yves Maréchal. Car une fois que ces poubelles arrivent au centre, impossible de repérer les bonbonnes de protoxyde d'azote parmi les 1 000 tonnes quotidiennes de déchets traitées par l'usine.

"On n'a pas le temps de regarder sac par sac s'il y a des bouteilles de protoxyde, explique le directeur de l'usine. C'est pour ça que c'est très important de faire le tri en amont et de ne pas jeter les bouteilles de protoxyde dans la poubelle noire."

Pierre-Yves Maréchal, directeur de l'usine de traitement de déchets de Thiverval-Grignon

à franceinfo

Les bombonnes de protoxyde d’azote font partie des principaux déchets en ferraille récupérés après leur passage dans l'incinérateur. (MARGAUX QUEFFELEC / RADIO FRANCE)
Les bombonnes de protoxyde d’azote font partie des principaux déchets en ferraille récupérés après leur passage dans l'incinérateur. (MARGAUX QUEFFELEC / RADIO FRANCE)

Il faut les déposer à la déchetterie. D'autant que le problème est national selon Gégory Richet, président du syndicat de valorisation des déchets urbains. Il y a 80% des sites qui sont concernés. Ces explosions coûtent 15 à 20 millions d'euros par an à la filière, mais des solutions existent. "Ce qu'on préconise, c'est d'essayer de travailler en amont sur la conception de la bouteille, explique Gégory Richet. Déjà de limiter les volumes de ces bouteilles, mais aussi de mettre en place des soupapes de sécurité qui permettraient en fait de dégager la pression lorsque ces bouteilles sont soumises à haute température."

Une proposition de loi reprenant ces préconisations a été déposée au Sénat. Le syndicat souhaite également faire adopter un texte à l'échelle européenne

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