"Des Kévin, j'en ai eu plein, mais la plupart ont fini en prison, pas prof" : Kévin, un prénom source de discriminations

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Article rédigé par France 2 - Y. Sanchez, O. Labalette, A. Teyssier. Édité par l'agence 6Medias
France Télévisions

Certains prénoms sont parfois plus faciles à porter que d'autres. Les Kévin font souvent l'objet de moqueries, ou de stéréotypes, de la cour de récréation jusqu'au bureau, des décennies plus tard. France Télévisions a souhaité leur donner la parole.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.


À la naissance, le prénom, c'est un peu la loterie. Un tirage au sort qui fait des heureux, et parfois des déçus. Mais parmi tous les choix, un prénom concentre à lui seul toutes les railleries : Kévin. Il peut être vu comme "le boss illettré, qui porte un jogging et qui ne sait pas parler", ou bien "l'enfant turbulent, le dernier de la classe, le cancre, celui qui pourrit le cours". Car qui mieux que des Kévin pour décrypter ces stéréotypes ? Nous en avons invité quatre : photographe, enseignant, documentariste et directeur d'association. Tous nés dans les années 80-90, ils racontent les moqueries répétées.

"Pour draguer des filles, je ne disais jamais que je m'appelais Kévin. Et effectivement, parfois, quand je disais la vérité, il y avait quand même cette déception", raconte Kévin Lebeurre, directeur d'une association sportive.

"Je suis enseignant, j'ai eu plein de collègues, alors souvent bien intentionnés, qui m'ont dit : des Kévin, j'en ai eu plein, mais la plupart, ils ont fini en prison, ils n'ont pas fini prof. Au début, on sourit, puis après, on se dit : mais ça veut dire quoi, en fait ? Ça veut dire que je n'ai pas ma place ici ?", confie à son tour, Kévin Bouillot, professeur d'Histoire. "À partir du moment où moi, dès que je me présente dans un cadre professionnel ou personnel et que j'ai une petite honte en donnant mon prénom, c'est qu'il y a un souci", ajoute Kévin Ingrez, photographe.

À l'origine, pourtant, en gaélique, "Caoimhin" signifie beau, doux, bel engendré. C'était plutôt bien parti. Et soudain, un certain Kevin Costner dans Danse avec les loups le rend culte. Mais aujourd'hui, tout a changé. Pourquoi un tel désamour ? Un sociologue des prénoms s'est penché sur cette question. Pour lui, il faut regarder les résultats scolaires. Seulement 6,8 % de mentions très bien au bac pour les Kévin, contre 19,8 % pour les Matthieu. Mais attention, le prénom Kévin n'influence pas les résultats, il reflète seulement le milieu social.

Une proposition de loi contre les discriminations liées aux prénoms

"Puisque la réussite scolaire est liée au niveau de diplôme des parents, probablement que les Kévin ont des parents qui ont un niveau de diplôme plus faible que les parents d'Adèle ou de Joséphine", pointe Baptiste Coulmont, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Paris-Saclay.

Alors, les 150 000 Kévin français ne pourront-ils jamais franchir les portes de la réussite professionnelle ? Pas forcément. Une quarantaine sont devenus avocats, comme Me Kévin Graczyk, avocat du barreau de Paris, qui est même devenu leur porte-parole. "J'ai réussi à représenter l'ordre des avocats au conseil pendant un an en tant que premier secrétaire. Un Kévin représentait l'ordre des avocats au conseil. J'espère que d'autres Kévin parviendront ensuite à atteindre le rang d'avocat, le rang de médecin avec plus de facilité. Ça, je le souhaite de tout cœur effectivement", témoigne le conseil.

Jusqu'à présent, seul le nom de famille était reconnu comme une potentielle source de discrimination. Une proposition de loi vient d'être déposée pour y ajouter le prénom.

Parmi nos sources :

Liste non exhaustive.

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