"Sauvons les Kevin" sur Paris Première : pour quelles raisons ce prénom véhicule autant de clichés ?

Le réalisateur Kevin Fafournoux enquête de manière ludique et sérieuse sur les raisons du désamour pour le prénom masculin le plus populaire de 1990 à 1994. Il suscite au mieux des moqueries, au pire des discriminations.

Article rédigé par Célyne Baÿt-Darcourt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le réalisateur Kevin Fafournoux, invité d'Info médias. Vendredi 21 mars. (FRANCEINFO / INFO MEDIAS)
Le réalisateur Kevin Fafournoux, invité d'Info médias. Vendredi 21 mars. (FRANCEINFO / INFO MEDIAS)

Cela peut paraître anecdotique et drôle, mais avez-vous déjà pensé à la souffrance des Kévin ? Kévin Fafournoux lui, pourra en témoigner, lui qui subit depuis longtemps les moqueries qu'engendrent son prénom. Une expérience qu'il partage dans son nouveau documentaire Sauvons les Kévin, diffusé sur Paris Première dans la soirée de samedi 22 mars.

Si Kévin Fafournoux n'a pour sa part ni mulet, ni casquette à l'envers, il montre à travers les nombreux témoignages dans son documentaire que son prénom se défait difficilement d'une image de "beauf", de "dragueur invétéré" ou de "geeks". "C'est un prénom qui souffre de tellement de clichés, de stéréotypes puissants que oui, c'est délicat. Les gens sont quand même assez polis pour ne pas les dire, mais je sais qu'ils les pensent en réalité, et c'est ça qui est dur" confie le réalisateur, qui montre dans son documentaire l'ampleur du phénomène, qu'on retrouve en Belgique, au Québec, et même en Allemagne où le mot Kévinisme a été créé : "Ce sont les gens qui considèrent que les prénoms à tendance exotique comme Kevin sont un indicateur de classe sociale tout à fait méprisable", explique Kévin Fafournoux.

Une discrimination invisible

Prénom masculin le plus donné en France de 1990 à 1994, cette vague de Kévin à une paternité. Il viendrait en effet du succès de Kevin Costner, le célèbre acteur de Danse avec les loups, mais aussi du héros de Maman j'ai raté l'avion ou encore des nombreuses séries américaines, comme Beverly Hills, qui inondent les téléviseurs français de l'époque. Un vrai phénomène de mode qui explique aussi pourquoi "il fait écho à plein de gens. Ce qui fait que c'est une facilité aussi pour les blagues", estime le réalisateur.

Ce documentaire est aussi un véritable travail de recherche. Kévin Fafournoux a rencontré des chercheurs, des sociologues, des professeurs, et des psychologues pour comprendre l'origine du malaise. Conclusion : un mépris de classe.

"C'est du racisme de classe. C'est une émancipation des classes populaires et moyennes qui a été très mal perçue dans les années 90 et qui a suscité, avec le temps, une stigmatisation et donc de la discrimination."

Kévin Fafournoux, réalisateur

franceinfo

Un racisme de classe, mais aussi l'opposition entre Paris et les régions. Une opposition instrumentalisée par Jordan Bardella comme un marqueur politique, lui qui s'est félicité d'avoir fait élire à l'Assemblée nationale "deux Kévin". "Kévin est étroitement lié à une classe plus populaire, plus moyenne, donc effectivement plus proche de l'électorat, probablement, du Front national", explique le réalisateur. 

Une problématique de classe qui est d'autant plus apparente quand on le compare avec le prénom Augustin : "sur les chiffres du baccalauréat, depuis 2012, un Kevin obtient 5 % de mention très bien, contre 17 % contre Augustin. Donc c'est vraiment la question du déterminisme social", poursuit Kévin Fafournoux.

Une discrimination invisible qui doit être prise au sérieux par l'État considère le réalisateur. "Il faut que l'État prenne en considération le fait que le prénom est un marqueur social très important, et qu'il entre donc dans les critères de discrimination". Une discrimination déjà considérée dans d'autres pays, mais pas en France regrette-t-il.

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