Reportage "Là, il y a une fraude" : plongée au cœur du pôle des enquêteurs judiciaires de la Sécu

L'Assurance maladie a créé un pôle d'enquêteurs judiciaires missionnés pour détecter plus efficacement les fraudes à la Sécurité sociale.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Olivier, ancien gendarme, qui travaille désormais comme enquêteur judiciaire pour l’Assurance-maladie et lutte contre les fraudes à la Sécu. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Olivier, ancien gendarme, qui travaille désormais comme enquêteur judiciaire pour l’Assurance-maladie et lutte contre les fraudes à la Sécu. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

L'an dernier, 628 millions d'euros de fraude ont été détectés et stoppés par l'Assurance maladie, selon le bilan annuel de la Sécurité sociale révélé jeudi 20 mars, soit un montant en hausse de 35%. La lutte contre la fraude s'avère de plus en plus efficace et depuis plusieurs semaines, l'Assurance maladie a même constitué un nouveau pôle. Il s'agit d'un pôle d'enquêteurs judiciaires qui infiltrent notamment les réseaux criminels. franceinfo a pu visiter leur antenne d'Ile-de-France. 

Dans ce grand bureau avec vue plongeante sur la gare de Lyon à Paris, Margaux, - c'est le prénom qu'elle a choisi pour rester anonyme - traque un réseau de fausses ordonnances. "Cette ordonnance nous a été signalée par des pharmaciens dans un outil dédié, puisqu'ils se sont rendu compte que pour un seul et même bénéficiaire et dans plusieurs pharmacies, ils avaient des ordonnances pour les mêmes médicaments de plusieurs médecins, et toujours avec la même écriture." Il s'agit là de fausses ordonnances pour de l'Ozempic, un médicament antidiabétique détourné pour perdre du poids.

"Ils sont détournés et revendus sur des réseaux pour du trafic de médicament puisque les fausses ordonnances alimentent le trafic de médicament", explique-t-elle. Margaux mène l'enquête et a appelé les médecins.

"Sur quinze médecins, j'en ai quatre qui sont à l'origine de l'ordonnance. Tous les autres ne connaissent même pas l'assuré et ils m'ont signalé des vols d'ordonnance. Là, il y a une fraude."

Margaux

à franceinfo

Dans le bureau d'à côté, Olivier a 35 ans de gendarmerie derrière lui. "Mon travail précédent était de démanteler les groupes criminels organisés. J'étais enquêteur et analyste criminel". Son rôle, comme ses collègues, est désormais de repérer les professionnels de santé qui escroquent la Sécu. "Par exemple, une infirmière qui a une patientèle importante ou un chiffre d'affaires plus important que la moyenne, ça alerte les services. À nous, ensuite, de vérifier si c'est fondé ou pas."

Des enquêtes sur le terrain

Olivier traque aussi les patients fraudeurs, ceux par exemple en arrêt maladie qui travaillent au noir en même temps, mais aussi les bandes organisées criminelles qui, grâce à de fausses ordonnances, récupèrent en pharmacie des médicaments très coûteux et les revendent ensuite à l'étranger. Ces 13 gendarmes et policiers de la Sécurité sociale d'Ile-de-France travaillent là où se trouvent les escrocs, sur internet et les réseaux sociaux. "On va se faire passer pour des pseudo-acheteurs, intéressés par des médicaments ou des fausses ordonnances, et on va essayer de recueillir un maximum d'informations afin de l'identifier, de l'auditionner et d'envoyer la procédure au magistrat."

Ces enquêteurs vont également sur le terrain. "On prend les auditions, on va aussi vérifier l'existence d'un cabinet d'infirmière ou d'une entreprise", cite-t-il en exemple. Ces prérogatives, qui se rapprochent de celles d'enquêteurs de police et de gendarmerie, vont permettre à l'Assurance maladie d'être plus efficace dans la lutte contre la fraude, estime Marie, la responsable de ce pôle d'enquêteurs judiciaires en Ile-de-France. "Ça permet d'investiguer, de rédiger nos PV, de les transmettre directement au procureur. Effectivement, il y a un gain de temps important et de la réactivité."

En tout, 1 600 agents de l'Assurance-maladie sont aujourd'hui dédiés à la lutte contre la fraude, dont 60 enquêteurs judiciaires, répartis dans toute la France. 

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