Reportage "On a des équipes qui sont à bout" : les hôpitaux de la La Réunion sous pression avec le pic de l’épidémie de chikungunya

C’est une épidémie de chikungunya inédite depuis 20 ans à la Réunion. Deux décès ont déjà été recensés, d’autres sont en cours d’investigation, alors que le pic est attendu cette semaine. Dans ce contexte, le CHU de l’île est sous tension.

Article rédigé par Solenne Le Hen
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'hôpital Felix Guyon de Bellepierre à Saint-Denis de la Réunion. (RICHARD BOUHET / AFP)
L'hôpital Felix Guyon de Bellepierre à Saint-Denis de la Réunion. (RICHARD BOUHET / AFP)

L'épidémie de chikungunya qui sévit à La Réunion a déjà fait deux morts. Alors que le pic est attendu cette semaine, les hôpitaux de l'île sont déjà sous tension, comme l'a constaté franceinfo mardi 14 avril. Car la particularité de ce virus, transmis par les moustiques-tigre infectés, est l'hospitalisation plutôt longue, sept à dix jours en moyenne. Il y a l'exemple d'Alain, 77 ans, hospitalisé sur le site du CHU à Saint-Pierre il y a une semaine. Le chikungunya l’a tellement affaibli qu’il a chuté chez lui. "Je n'ai plus du tout de force, toutes les articulations sont coincées, les pieds difficiles à poser, j'ai du mal à marcher".

À l’hôpital, la majorité des patients, ce sont, comme Alain, des personnes âgées, des patients avec des maladies chroniques, mais aussi des bébés. Une quinzaine est en réanimation, explique le docteur Rodolphe Manaquin, le chef du pôle infectiologie immunologie. "Il y a des formes très très graves chez les nouveau-nés, notamment en péri-partum, juste après l'accouchement, chez une femme déjà atteinte du chikungunya. Il y a aussi des formes sévères chez les bébés de moins de six mois, voire de moins de deux mois, avec des hospitalisations en réanimation néonatale qui sont dramatiques". "On est probablement au pic de l’épidémie", explique le docteur Rodolphe Manaquin.

"On s'attend à ce qu'un tiers de la population soit impacté. Ce sont des épidémies qui sont intenses en termes de volume de patients, mais relativement brèves en termes de temps. Donc un tiers de la population sur un temps bref, ça impacte forcément le système de santé."

le docteur Rodolphe Manaquin

à franceinfo

Comme partout en France, le manque de lits se fait sentir également à La Réunion, selon le docteur Philippe Ocquidant, directeur médical de crise du CHU. "On a un manque de lits habituellement, donc quand on rajoute une crise comme celle-ci, un problème infectieux, on se retrouve en grande difficulté pour hospitaliser les patients. Souvent, ils restent sur des brancards aux urgences". À cela vient aussi s'ajouter le problème des personnels malades "Ce week-end, j'avais sept infirmières et une aide-soignante absentes dans mon service à cause du chikungunya". Au total, presque un quart du service est malade.

Le plan blanc déclenché il y a dix jours

De nombreuses opérations chirurgicales ont été reportées pour faire de la place aux malades. Les patients atteints du chikungunya sont désormais répartis dans tous les services de l’hôpital. Le docteur Ocquidant en appelle désormais à l’aide de la réserve sanitaire. "On a des équipes qui sont tellement à bout suite au dernier cyclone, Garance. On a une crise capacitaire chronique et maintenant, on a le chikungunya. On a besoin de la réserve sanitaire parce qu'autant on trouve du personnel paramédical, autant on ne trouve pas de personnel médical sur le département pour nous aider. Les médecins généralistes sont déjà débordés".

Heureusement, disent les médecins, les habitants de la Réunion sont habitués au chikungunya. Même si c'est un "très mauvais moment à passer", seuls les plus gravement atteints se présentent à l’hôpital, ce qui permet de limiter le nombre de patients à prendre en charge.


Cette épidémie donne lieu à des études menées par des médecins hospitaliers de la Réunion. La première va porter sur l’efficacité du vaccin, à grande échelle et en vie réelle, la seconde sur l’adhésion de la population à la vaccination, et est ouverte à tous, vaccinés ou non, sur ce lien.

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