"Une taxe pour renflouer les caisses de l'État" : avec l'augmentation de la taxe soda, les prix des boissons sucrées risquent-ils de flamber, comme l'assurent les industriels ?
Selon le nouveau budget de la Sécurité sociale en passe d'être adopté, la taxe soda est désormais censée rapporter près de 800 millions d'euros par an. La filière dénonce une injustice criante et menace de répercuter les coûts sur les consommateurs.
"C'est une taxe qui est en fait une taxe de rendement", dénonce mardi 11 février sur franceinfo Emmanuel Vasseneix, président de l'Union des Jus de fruits (Unijus) et président de la LSDH (la Laiterie de Saint-Denis de l'Hôtel), à propos de la taxe soda. Cette taxe sur les boissons sucrées, qui figure dans le projet de budget de la Sécurité sociale sur lequel François Bayrou a dégainé lundi l'article 49.3, est une recommandation des autorités de santé, contestée par les industriels qui n'y voient qu'une mesure budgétaire.
Cette taxe - entrée en vigueur en 2012 - est devenue progressive à partir de 2018 (en fonction de la proportion de sucre contenue dans les boissons). Tandis que les politiques mettent en avant une volonté d'améliorer la santé (lutte contre l'obésité ou le diabète), les industriels y voient une taxe opportuniste pour remplir les caisses de l'État. Or, selon la filière, les boissons sans alcool ne pèsent pas plus de 4% de la consommation de sucre des adultes.
La pédagogie plutôt que la sanction
Contacté par l'Agence Radio France, Emmanuel Vasseneix estime ainsi que cette hausse n'est pas la bonne réponse aux enjeux de santé publique mis en avant : "Elle n'a pas pour vocation à être fléchée vers, par exemple, l'éducation à l'alimentation ou vers un meilleur système de prévention et de pédagogie. Concrètement, c'est une taxe qui va permettre de renflouer les caisses de l'État et c'est ça ce qui nous scandalise dans ce qui va être effectué", estime le responsable industriel, qui "pèse" environ 150 millions de litres de jus, de nectars et de boissons gazeuses par an. Il assure que, pour une entreprise comme la sienne, cette taxe représente plus de 20 millions d'euros de hausse de taxe par rapport à l'année dernière.
Il assure que le pari fait par les pouvoirs publics, "c'est de dire qu'on va monter le prix des produits de façon à écarter les gens de ces produits". "Or, poursuit-il, on constate aujourd'hui que c'est plutôt l'inverse qui se produit". Cette taxe est donc, selon lui, "inefficace sur ce qu'on veut faire parce que l'argent n'est pas fléchée correctement". "On préfèrerait être plutôt sur la pédagogie, l'éducation à l'alimentation plutôt qu'en permanence sanctionner et faire payer le consommateur plus cher."
Un rapport de juillet 2024 du ministère de la Santé indique que la taxation des boissons sucrées fait partie des mesures les "plus efficaces pour lutter contre le surpoids et l'obésité", avec l'étiquetage et l'interdiction de publicités. L'Organisation mondiale de la santé a appelé fin 2023 les gouvernements à augmenter ces taxes, regrettant que seulement 108 pays en imposent avec un taux de taxation moyen qui ne représente que 6,6% du prix d'un soda.
La taxe c'est "pratiquement 30 centimes" de plus par litre
Emmanuel Vasseneix explique que cette hausse représente "pratiquement 0,30 centimes d'euro du litre sur un soda classique". Dans le détail, au 1er janvier, elle était de 3,5 centimes par litre pour les boissons contenant moins de 10 grammes de sucre ajouté par litre et de 27,3 centimes pour celles contenant 150 grammes de sucre par litre. Un litre de Coca-Cola contient environ 100 grammes de sucre, ce qui correspond à une taxe de 15,7 centimes. Un litre d'Ice Tea pêche Lipton en contient 30 grammes et l'Oasis Tropical 66 grammes. Le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025 prévoit une augmentation de la taxe pouvant aller de 4 à 35 centimes par litre.
"Il n'y a pas de produits interdits. Ils ont leur place dans l'alimentation en quantité raisonnée et raisonnable.
Emmanuel Vasseneix, président de l'Union des Jus de fruitsà franceinfo
Pour Emmanuel Vasseneix, qui reconnaît que des efforts sont encore possible du côté des industriels, les taxes précédemment mises en place "étaient déjà très élevées par rapport à ce qu'on connaissait", il fallait donc "laisser ces taxes-là", regrette-t-il, répétant qu'il "fallait fléchée l'argent de ces taxes vers des mesures de prévention pour réapprendre correctement à manger et à consommer nos produits. Boire un verre de soda c'est agréable, à conditions qu'il soit dans le cadre d'un équilibre alimentaire", défend le président de l'Union des Jus de fruits.
"Si on ne répercute pas, on travaille à zéro"
Les grands noms de la filière promettent déjà de répercuter le coût supplémentaire sur les consommateurs. L'incontournable Coca Cola pourrait augmenter de 10%. Questionné sur la répercussion de cette taxe sur le consommateur, Emmanue Vasseneix assure être obligé de le faire : "Pour la simple et bonne raison que le coût de la taxe demandée est supérieur à nos coûts de production. Si on ne la répercute pas, ça veut dire qu'on travaille à zéro".
Les industriels laissent aussi planer une autre menace, celle de déplacer leurs investissements futurs à l'étranger pour une filière qui emploie 11 000 salariés, sans compter les 15 000 emplois dans l'ensemble du secteur betteraviers, grossistes en boissons, café restaurants...
Emmanuel Vasseneix souhaite "qu'on arrive à se mettre autour de la table entre les services de santé et les organisations de consommateurs etc pour recaler la manière dont on consomme ces produits-là - et il y en a d'autres aussi - de façon raisonnée et raisonnable. Il faut qu'on remette du dialogue là-dedans. On a beau faire toutes les lois et toutes les taxes qu'on veut, de toute façon ce n'est pas pour ça qu'on change le comportement des consommateurs". Selon le Syndicat des boissons sans alcool, la taxe a rapporté 443 millions d'euros en 2023. Elle devrait rapporter - avec celle des Jeux - environ 300 millions d'euros supplémentaires.
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