Reportage "C'est très difficile de s'adapter" : face à la forte demande en œufs, les producteurs français tentent de s'adapter

La filière française fait face à une importante hausse de la consommation d'œufs dans le pays. Elle tente de produire davantage tout en respectant certaines exigences des consommateurs, notamment en termes de bien-être animal, ce qui pose plusieurs difficultés.

Article rédigé par Sophie Auvigne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Dans l'élevage de poules blanches d'Olivier et Marine, près de Cholet. (SOPHIE AUVIGNE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Dans l'élevage de poules blanches d'Olivier et Marine, près de Cholet. (SOPHIE AUVIGNE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Les œufs sont la protéine animale la moins chère du marché et leur consommation augmente chaque année en France : 5% de hausse tous les ans depuis 2022. Il faut produire plus et tenir compte aussi des exigences des consommateurs, notamment sur le bien-être animal, mais avec des prix bas. Une équation délicate que des éleveurs essaient de rendre possible.

Olivier est éleveur de poules dans le Maine-et-Loire. Avant lui, son père et son grand-père élevaient des poules en cage. "Quand j'ai repris l'exploitation, on a profité de la transmission pour enlever toutes les cages et installer l'élevage au sol, raconte-t-il. Moi, je suis producteur, je suis là pour produire ce que les consommateurs veulent acheter." Plus de liberté pour 150 000 poules, cela demande plus de travail pour Marine, la femme d'Olivier. "On peut avoir des animaux qui ne trouvent pas où aller manger, où aller boire, des poules qui vont aller piquer les autres, décrit-elle. De temps en temps, il y a des petites bagarres. C'est un peu plus compliqué que quand c'était en cage."

Surtout beaucoup plus onéreux. Olivier a investi plus de 2,5 millions d'euros pour transformer son élevage. Bien-être animal oblige, il a 15% de poules en moins au mètre carré. Ses œufs sont forcément plus chers, selon Alice Richard, directrice de l'interprofession, et les consommateurs pas toujours prêts à payer. "On l'a vu avec toute la période inflationniste. D'un côté, on avait des attentes sociétales très fortes vers l'alternatif à la cage et à la fois, en période d'inflation, les consommateurs se tournent très rapidement vers les œufs les moins chers. Donc pour la filière, c'est très difficile de s'adapter parce qu'on a des signaux vraiment contradictoires."

"Garder une souveraineté" en œufs

Dans ces conditions, comment convaincre des éleveurs de s'endetter ? Olivier a trouvé une solution avec Brioche Pasquier, numéro un français de la brioche tressée. Tous ses œufs sont livrés à l'atelier de production créé par les frères Pasquier eux-mêmes, près de Cholet.

Olivier récupère les œufs de ses 150 000 poules. (SOPHIE AUVIGNE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Olivier récupère les œufs de ses 150 000 poules. (SOPHIE AUVIGNE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"L'idée est d'avoir des contrats avec nos fournisseurs jusqu'à dix ans. Le but, c'est de pouvoir acheter à des bons prix, lance Nicolas Pidoux, l'expert des œufs chez Brioche Pasquier. Mais on fait en sorte que les éleveurs puissent aussi gagner leur vie. C'est le principe de la loi Egalim. On a instauré un peu ce principe-là bien avant la loi. Alors, tous les quatre mois, on discute du prix de l'aliment, ce qui nous donne un nouveau prix d'œuf." Potentiellement, tous les quatre mois, Brioche Pasquier achète donc ses œufs à des prix différents. "C'est le principe qu'on a avec nos éleveurs."

Mais la France ne produit que 95% des œufs ce qu'elle consomme. Il faut donc importer des œufs, cauchemar de toute une profession. "C'est pour cela qu'au niveau de la filière, on a mis en place un plan à 2030, avance Yves-Marie Beaudet, président de l'Interprofession française des œufs (CNPO), et on s'engage à construire 300 nouveaux bâtiments de poules pondeuses pour garder cette souveraineté en œufs en France au plus près des 100%." Coût de l'investissement : 300 millions d'euros. L'appel est lancé, avis aux amateurs.

Face à la forte demande en œufs, les producteurs français tentent de s'adapter. Reportage de Sophie Auvigne

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.