Filière de l'œuf : "Il y a vraiment un enjeu d'installation de nouveaux éleveurs pour répondre à la demande", explique la directrice du CNPO
Avec une demande en hausse, la France est face à un enjeu de souveraineté alimentaire. Alice Richard préconise une adaptation des normes environnementales françaises pour qu'elles s'adaptent à des "exploitations familiales" plutôt qu'aux grosses industries.
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Alice Richard représente la filière professionnelle de l'œuf, aliment que les Français consomment de plus en plus, en moyenne quatre par semaine. Elle est la directrice du CNPO (Comité National pour la Promotion de l’Œuf), l'Interprofession française des œufs.
franceinfo : On voit parfois des ruptures de stock dans les rayons. Est-ce que ça pourrait s'aggraver ?
Alice Richard : Non, on ne peut pas parler de pénurie, en France aujourd'hui, parce que notre production en œuf reste stable. Certes, on a pu constater des rayons un petit peu clairsemés dans certains magasins. Il y a eu des tensions observées sur le marché de l'œuf. C'est lié à une hausse de la consommation qui est relativement importante et qu'on connaît depuis 2023. On a eu une hausse autour de 4% en 2023, du même ordre de grandeur en 2024. Et là, si on regarde simplement les premiers mois de 2025, on est déjà à plus 4,2 % en consommation.
Quand les Français ont vu les rayons carrément vides aux États-Unis, il y a eu une réaction d'inquiétude et des constitutions de stocks.
C'est vrai qu'on a assisté à cet effet pénurie. En voyant des images de rayons vides aux États-Unis, certains consommateurs en France ont, au lieu d'acheter une boîte, par exemple, en acheter deux. Et ça suffit pour déstabiliser le marché et vider en partie les rayons. Mais ce sont des tensions qui sont relativement ponctuelles. Et désormais ça rentre dans l'ordre. Même si on sait qu'on n'est pas à l'abri de voir réapparaître ces tensions ponctuellement, à cause du manque de production.
Aux États-Unis, l'envolée des prix a été phénoménale. En France, où est-ce qu'on en est ?
En France, on a la chance de maîtriser la sécurité de notre production, grâce à la vaccination contre la grippe aviaire. On a développé la vaccination sur les canards, mais ça permet de protéger toutes les espèces, y compris la poule pondeuse. Et grâce à ça, en fait, on sécurise vraiment notre production.
"Aux États-Unis, ils font face actuellement à une épidémie de grippe aviaire qui est vraiment sans précédent. Ils ont perdu quasiment 11% de leur cheptel en quelques mois."
Alice Richard, directrice du CNPOà franceinfo
Et ça a créé un effet sur le prix, qui a vraiment augmenté. On a pu voir jusqu'à 12 dollars une boîte de douze œufs. Ce sont des prix qu'on n'a jamais vus auparavant.
Et qu'on ne verra pas en France ?
Et qu'on ne voit pas du tout en France. Parce qu'on a la chance aussi d'avoir une production qui est contractualisée. Donc les volumes et les prix sont fixés entre le producteur et le distributeur sur plusieurs années. Et ça permet d'assurer un prix stable au consommateur, voire une baisse de prix. C'est ce qu'on a pu observer en rayon, sur 2024. On a une baisse sur tous les modes de production confondus, d'environ 1%.
La France a beau être le premier producteur d'œufs en Europe, avec 15,5 milliards d'œufs produits l'an dernier, ça ne suffit pas. Il faut importer. Et un pays l'a compris : l'Ukraine, qui nous a vendu 10 millions d'œufs en 2022, 50 millions en 2024, 60% de plus encore depuis le début de l'année 2025. C'est un problème ?
C'est vrai que c'est une vraie inquiétude pour la filière. L'Ukraine est devenue vraiment en quelques mois le pays numéro un en exportation vers l'Union européenne. Et avec des normes de production qui ne sont pas du tout les mêmes que celles qu'on constate dans l'Union européenne.
Du coup, qu'est-ce que vous demandez ?
Nous, ce qu'on demande, c'est que tous les œufs qui transitent vers l'Union européenne depuis les pays tiers, puissent subir les mêmes contrôles que les œufs sur le territoire. Donc des contrôles, notamment sanitaires, parce qu'on a une réglementation très stricte en France notamment sur la gestion des salmonelles.
Parce ce que c'est un produit fragile ?
Oui, c'est un produit sensible d'un point de vue sanitaire. Et on a aussi des demandes sur les normes de production.
"Il n'y a rien de comparable entre la France, où les modes de production sont largement tournés vers l'alternatif, et l'Ukraine, où on est surtout sur des poules élevées en cage."
Alice Richardà franceinfo
Pour être autosuffisant, il manque 300 millions d'œufs chaque année. Est-ce que les éleveurs français peuvent y arriver ? Et notamment avec le vaccin et la fin de la grippe aviaire ?
C'est un virus qui est saisonnier, donc on sait que ça peut revenir tous les ans. Il y a un vrai enjeu pour nous de maintenir l'efficacité de la vaccination. Ce n'est pas lié qu'à la vaccination, c'est aussi les bonnes pratiques des éleveurs, d'un point de vue sanitaire. Comme la mise à l'abri ponctuelle des volailles quand c'est nécessaire et que le virus circule trop en hiver.
Et notamment pour celles qui sont élevées à l'extérieur.
Complètement. Et donc on n'est pas à l'abri que ça revienne. Il y a plein de mesures à maintenir, la vaccination à encourager. Et dans ces conditions-là, on sait qu'on pourra maintenir une production. Après, tout l'enjeu, c'est de la développer. Et là, il y a vraiment pour nous un enjeu, pour installer des nouveaux éleveurs et répondre à cette demande.
Justement, vous envisagez de construire 300 nouveaux poulaillers d'ici 2030. Un poulailler, c'est beaucoup de normes. Il faut en moyenne deux ans de démarches. Alors la filière en appelle aux autorités pour accélérer les procédures d'installation. Est-ce que vous voulez vous débarrasser de quelques contraintes environnementales ?
Nous, ce qu'on demande, c'est que les éleveurs puissent être en mesure de s'installer plus rapidement, pour pouvoir répondre à cet un enjeu de souveraineté alimentaire. Et donc assouplir les règles d'installation et les normes qui peuvent peser. Comme vous le disiez, c'est deux ans entre le début d'un projet et sa finalisation.
"Dans ces deux ans nécessaires à une création de poulailler, on estime qu'il y a un an consacré uniquement aux démarches administratives."
Alice Richardà franceinfo
Donc, nous, on essaie de pouvoir améliorer ces conditions d'installation et les rendre plus faciles pour les éleveurs.
Et donc vous visez les normes environnementales ?
On vise certaines normes environnementales, en effet, dans le projet de loi du plan qui est examiné en ce moment à l'Assemblée. Pour nous, il s'agit aussi d'adapter une réglementation à des exploitations familiales et agricoles qui sont de toutes petites tailles, et sur lesquelles on a plaqué des réglementations plutôt liées à l'industrie. Ce n'est donc pas du tout adapté à une exploitation où il y a une personne salariée qui travaille toute seule et qui n'a pas les mêmes moyens qu'une entreprise de grande taille.
À quoi ressembleront ces nouveaux poulaillers ?
On a pris un engagement dans notre plan de filière, c'est d'atteindre, à horizon 2030, 90% des poules pondeuses élevées en élevage alternatif. Il faut savoir qu'en France, c'est interdit de construire un nouvel élevage en cage. Donc nous, on encourage largement la construction de bâtiments au sol. C'est ce qu'on appelle le code deux, ou en plein air label rouge et bio pour tous les élevages de poules pondeuses à l'extérieur.
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