Reportage "On n'achète plus du tout de viande", "il y a une paranoïa" : dans l'Aisne, les habitants divisés sur de nouvelles habitudes alimentaires à prendre, après 28 intoxications

Après les premiers résultats de l'enquête sur une série de contaminations à la bactérie E.coli qui a touché Saint-Quentin, dans l'Aisne, ses habitants oscillent entre inquiétude, soulagement et impatience.

Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Certains habitants de Saint-Quentin (Aisne) refusent d'acheter de la viande après une série d'intoxications à la bactérie E. coli. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)
Certains habitants de Saint-Quentin (Aisne) refusent d'acheter de la viande après une série d'intoxications à la bactérie E. coli. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Un décès, 28 intoxications alimentaires, de l'inquiétude et beaucoup de questions. La commune de Saint-Quentin, dans l'Aisne, est touchée par une série de contaminations à la bactérie E.coli, présente dans de la viande ou sur les surfaces de certaines boucheries, depuis le 12 juin. Une adolescente de 12 ans est morte après avoir développé un syndrome hémolytique et urémique lié à cette intoxication. Les autorités de santé ont confirmé, samedi 28 juin, que des traces de cette bactérie avaient été trouvées dans cinq des six établissements fermés préventivement. Si les habitants ont enfin des réponses aux questions qu'ils se posent depuis deux semaines, certains réfléchissent à modifier profondément leurs habitudes alimentaires.

"On avait un beau paquet de blancs de poulet et de viande hachée. Ma femme à préférer le jeter, on ne prend pas le risque", raconte Dominique, père de deux enfants et client de deux des boucheries incriminées par les autorités. Si ces boucheries finissent par rouvrir, il affirme qu'il n'y mettra plus les pieds car cette affaire a été un électrochoc pour lui. "Aujourd'hui on se pose beaucoup de questions sur la viande en général parce que ça fait vraiment peur", explique-t-il.

Légumes et poissons

"Maintenant, il ne se passe pas une semaine sans voir des problèmes avec du jambon et puis il y a tout ce qu'on a pu rappeler comme produits qui n'étaient pas conformes, qui amenaient des maladies… Je m'inquiète pour l'avenir, surtout pour nos enfants", poursuit le père de famille.

Chez de nombreux habitants de la commune, les habitudes alimentaires ont changé. Sur la table de Steven et de sa famille, par exemple, c'est poisson et légumes : "Désormais, on a totalement arrêté tout ce qui était viande et boucherie de Saint-Quentin". Pourtant, l'enquête a démontré que les traces de bactéries E.coli n'ont été relevées que dans certaines boucheries. "Peu importe, on ne prend pas de risque, c'est vraiment trop grave. On n'achetait déjà pas beaucoup de viande et là on n'en achète plus du tout", répond-il.

Soulagement et barbecue

Les habitants sont divisés sur la question. "Il y a eu une forme de paranoïa et de psychose. Certaines personnes n'arrivent pas à dissocier le vrai du faux et mettent tout le monde dans le même lot", confie Emilie, infirmière, sur le parking d'un supermarché. Elle se dit "rassurée" par les résultats des analyses, qui ont permis d'identifier clairement les lieux de vente à l'origine de la contamination. Un "soulagement" partagé par Florent qui compte bien racheter de la viande rouge "dès le week-end prochain" alors que la "saison des barbecues" a commencé.

"On sait d'où ça vient donc ça peut permettre justement de racheter de la viande rouge dans les lieux où on sait qu'il n'y a pas de problème."

Florent, habitant de Saint-Quentin (Aisne)

à franceinfo

Ces résultats d'analyse permettent aussi aux commerçants d'entrevoir une sortie de crise. Dans ce supermarché, en périphérie de Saint-Quentin, de grands panneaux qui trônent fièrement à l'entrée indiquent : "Notre boucherie est totalement mise hors de cause et blanchie dans les affaires de contaminations". Fermé à titre préventif il y a une semaine, le rayon boucherie pourra rouvrir dans quelques jours après avoir des résultats de prélèvements négatifs. "L'ensemble de notre stock a forcément été détruit et nous sommes aujourd'hui dans l'obligation de reconstituer nos stocks pour offrir une boucherie de qualité à nos habitués", indique Karine Legrand, chargée de communication de cet Intermarché de Gauchy.

Tourner la page

Pour autant, l'enquête du pôle de santé publique du parquet de Paris pour remonter la trace de la contamination n'est pas encore terminée et les habitants s'impatientent. Les distributeurs de la viande contaminée ont été identifiés mais il reste à connaître les fournisseurs de ces cinq enseignes, qui n'achetaient pas leur marchandise au même endroit.

L'enquête est relancée à chaque nouveau cas suspect avec un questionnaire de 25 pages auquel doit répondre la victime avec des questions telles que "Qu'est-ce que l'enfant a mangé ces derniers jours ? Quels animaux a-t-il pu croiser ? Quels déplacements a-t-il effectués ?". Il faut ensuite réaliser des analyses de selles pour chaque cas. Un processus qui prend du temps alors qu'à Saint-Quentin les habitants n'attendent qu'une chose : pouvoir enfin tourner la page de cette affaire.

Dans l'Aisne, les habitants divisés sur de nouvelles habitudes alimentaires à prendre, après 28 intoxications. Reportage de Boris Loumagne

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.