Cadmium dans le chocolat : quatre questions sur la présence de ce métal lourd dans les tablettes, poudres et céréales cacaotées

Ils peuvent laisser un goût amer. Outre leur forte teneur en sucres, les produits cacaotés (comme les tablettes de chocolat, les barre chocolatées ou les poudres à diluer dans du lait) contiennent une quantité "non négligeable" de cadmium, un métal lourd aux effets nocifs pour la santé, avertit, jeudi 21 août, l'UFC-Que Choisir. L'association de défense des consommateurs préconise ainsi d'en "modérer la consommation", en particulier chez les enfants.

Début juin, les médecins libéraux avaient déjà lancé une alerte en ce sens, dénonçant "un véritable fléau de santé publique". A cette occasion, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) avait annoncé à l'AFP la publication "en fin d'année" de travaux visant à évaluer l'exposition humaine au cadmium, afin de définir "des leviers d'action pour réduire l'imprégnation de la population française". Qu'est-ce que le cadmium ? Dans quels produits le trouve-t-on ? Que faire pour éviter des conséquences sur notre santé ? Franceinfo fait le point.

1 Qu'est-ce que le cadmium ?

Le cadmium est un métal lourd qui se trouve naturellement dans les sols et pénètre dans les végétaux via leurs racines, explique l'Anses. Il est également produit de manière industrielle, notamment "pour la fabrication des bijoux et dans les secteurs de l'aéronautique, l'aérospatiale, l'exploitation minière, le nucléaire, et la production de matériel électrique", précise l'Institut national de recherche et de securité (document PDF). Ce métal est utilisé pour la fabrication de batteries, de pigments, d’alliages, de revêtements de pièces métalliques ou encore comme stabilisateur pour certaines matières plastiques, explique encore l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

Certaines activités humaines, comme l'industrie ou l'agriculture avec l'utilisation d'engrais, "peuvent augmenter sa présence dans les sols", observe l'agence, qui préconise d'"agir à la source, en particulier au niveau des matières fertilisantes en partie à l'origine de l'augmentation de la concentration en cadmium dans les sols". En France, "plus de 7 000 sites et sols pollués ou potentiellement pollués sont recensés", note la Haute Autorité de santé (HAS).

"La fève de cacao a tendance à particulièrement concentrer ce toxique", relève l'UFC-Que Choisir. L'association pointe ainsi "les tablettes en chocolat noir", particulièrement concentrées en cacao, surtout celles "issues labellisées bio et équitable, car leur cacao provient d'Amérique latine, dont les sols contiennent une grande quantité de ce toxique".

2 Quels produits alimentaires en contiennent ?

Selon l'enquête, 50 grammes de biscuits de la marque Bjorg fourrés au chocolat noir représentent 20% de la valeur toxicologique de référence chez un enfant, contre 8% pour un adulte. Une portion de 46 grammes de céréales chocolatées Chocapic atteint 11% de cette valeur chez l'enfant et 5% chez l'adulte. Pour une part de 13,5 grammes de chocolat en poudre Poulain à 70% de cacao, ces valeurs s'élèvent à 17% et 7%. Ces teneurs ont été confirmées à l'association par Bjorg et Carambar&Co, propriétaire de la marque Poulain, et sont légales. De son côté, Nestlé a reconnu auprès de l'AFP que le métal pouvait être "présent à l'état de traces dans certaines matières premières".

Outre le cacao, le cadmium est présent dans d'autres produits de consommation courante, comme les céréales du petit-déjeuner, le pain, les pommes de terre et certains légumes, dont les épinards. Par ailleurs, les abats (comme le foie et les rognons) et les produits de la mer, comme les coquillages et les fruits de mer, précise la HAS, sont "naturellement riches en cadmium". "Les algues ont aussi particulièrement tendance à accumuler cet élément présent dans le milieu marin", souligne l'Anses, avec "près d'un quart des algues destinées à l'alimentation" dépassant "la valeur de concentration maximale recommandée". Par ailleurs, les fumeurs sont, eux aussi, exposés "par l'inhalation de la fumée du tabac". 

L'Anses a identifié plusieurs catégories de la population particulièrement concernées par la surconsommation de cadmium. Ainsi, 0,6% de la population adulte française dépasse la dose journalière de cadmium tolérable par ingestion, mais ce taux grimpe à 14% pour les enfants de 3 à 17 ans et jusqu'à 36% pour les enfants de moins de 3 ans.

3 Quelles sont les conséquences sur la santé humaine ?

Selon les autorités sanitaires, une "exposition prolongée au cadmium" a des conséquences sur la santé. Ce métal s'accumule dans l'organisme au fil du temps, principalement dans les reins et le foie, ce qui peut entraîner des atteintes rénales et osseuses (avec, notamment, une augmentation du risque de fracture), des conséquences sur la fertilité et sur le développement du fœtus. Chez les travailleurs de la métallurgie, une trop grande ingestion de cadmium peut provoquer un cancer broncho-pulmonaire, après une exposition professionnelle à des poussières ou des fumées de cadmium, souligne l'Anses. 

"Le cadmium est à l'origine de l'explosion des cancers du pancréas", affirmait début juin sur franceinfo le docteur Pascal Meyvaert, généraliste dans le Bas-Rhin et membre des Unions régionales des professionnels de santé-Médecins libéraux (URPS), le syndicat de médecins libéraux à l'origine de l'alerte lancée début juin sur la contamination au cadmium d'une partie de la population. "On ne veut pas faire peur, mais ce sont quand même les cancers [du rein et du foie] qui nous inquiètent le plus". 

Des études nationales publiées par Santé publique France en 2021 ont montré un "doublement de la contamination moyenne des Français", analysent les URPS. La contamination des enfants français serait ainsi quatre fois supérieure à celle des enfants étasuniens ou allemands, selon ces professionnels de santé libéraux, qui avaient écrit au gouvernement début juin "pour actionner les leviers nécessaires afin de protéger les citoyens, sans plus attendre". Ce qui avait conduit le ministre en charge de la Santé, Yannick Neuder, à annoncer le remboursement du dépistage du cadmium "à l'automne en médecine de ville".

4 Comment limiter l'ingestion de cadmium ? 

L'UFC-Que Choisir, les médecins et les autorités sanitaires recommandent de limiter l'ingestion de produits cacaotés, surtout pour les enfants et les femmes enceintes. Si les produits mentionnés dans l'enquête de l'association de défense des consommateurs respectent la teneur maximale réglementaire en cadmium, celle-ci explique à l'AFP que les amateurs de cacao peuvent malgré tout "dépasser la dose journalière tolérable en consommant plusieurs produits contenant du cadmium dans une même journée".

C'est pourquoi les autorités sanitaires préconisent à tous les amateurs de cacao (et à toute la population en général), de varier son alimentation. Pour limiter la concentration de cadmium, l'Anses invite aussi à "agir à la source", c'est-à-dire auprès des agriculteurs et industriels, en proposant la mise en place "de nouvelles valeurs seuils" de teneurs en cadmium autorisées dans les sols et dans l'air. Et ce, "afin d'éviter la survenue d'effets sanitaires et de mieux protéger les consommateurs comme les travailleurs".

Comme le cadmium se trouve également sous forme de poussière, la HAS suggère aux personnes vivant avec des enfants de moins de 7 ans de "les protéger de l'ingestion de poussières et de terre", "en évitant de les laisser jouer directement sur le sol et en leur coupant les ongles court et en lavant fréquemment leurs vêtements, jouets et doudous".