L’Europe veut doter les objets d’un passeport numérique à partir de 2027
En rassemblant dans un document unique les différentes étapes de la vie d'un produit, cela facilitera sa traçabilité, son recyclage et l'information des consommateurs. Mais les fabricants restent divisés sur le sujet.
Malgré l’annonce, cette semaine, par la Commission européenne d’un train de mesures visant à alléger la réglementation des entreprises en matière de responsabilité sociale et environnementale, on mesure un intérêt croissant des consommateurs pour disposer d’informations sur les produits qu’ils achètent. Il y a par exemple déjà des règles en matière d’affichage des ingrédients pour l’alimentation. Le Règlement européen pour l’écoconception des produits durables (ESPR), adopté l'été dernier, a vocation à s’appliquer à terme à l’ensemble des productions. L’établissement d’un passeport numérique des produits permettra ainsi de singulariser chaque objet. Cela va donc au-delà de la seule transparence sur les modalités de fabrication.
Un passeport pour tous les objets
À terme, cela s'appliquera à tous les objets vendus au sein de l’Union européenne. Mais les premiers concernés par son entrée en vigueur à partir de 2027 sont les batteries, les équipements électroniques, le secteur de la construction et le textile. L’idée est que ce passeport centralise les données concernant le cycle de vie du produit.
Soit une documentation concernant la composition, les modalités de recyclage ou les options de réparabilité qui doit être établie et transmise par les acteurs de la chaîne économique : du producteur, au vendeur en passant par le distributeur, le réparateur jusqu’au consommateur final.
Le texte européen ne précise pas la nature du dispositif technique. On pense en priorité au QR Code mais d’autres supports sont envisageables comme les puces RFID ou NFC voire le classique code-barres. Se pose ensuite la question du lieu de stockage des informations, afin qu'elles puissent être mises à jour et consultées facilement (en s’assurant qu’elles ne font pas l’objet de modifications frauduleuses). Chaque produit se trouvant alors désigné par un identifiant unique.
Des fabricants divisés sur le sujet
Les avis des industriels sont partagés. Entre les uns, qui y voient une contrainte supplémentaire avec la mise à disposition d’informations techniques que les concepteurs – qu’ils soient PME ou grands groupes – ne tiennent pas à partager. Tandis que d’autres y voient un avantage compétitif par la mise en avant de leur processus de production dès lors qu’ils sont plus vertueux que certains de leurs concurrents. C’est également un levier important pour le développement de l’économie circulaire qui s’appuie sur la vente d’occasions et une meilleure réparabilité des objets.
À ce stade, les particuliers n’ont pas vocation à renseigner ce passeport numérique qui s’imposera aux professionnels. Et ce, malgré l’essor des transactions de seconde main réalisées sur les plateformes commerciales.
Si elle se conçoit dans une démarche de développement durable et de suivi de la qualité des produits, cette traçabilité systématique des produits (et donc de leurs utilisateurs) devra garantir le respect de la vie privée. Même si les marques vont certainement chercher à entretenir par ce canal une relation personnalisée avec les consommateurs.
Des entreprises ont anticipé le mouvement
Fin 2024, le groupe Fnac Darty a initié ce qu’il appelle le "passeport digital" pour assurer le suivi des produits électroménagers. On y accède, par un QR Code, à toutes les étapes du cycle de vie de l’appareil en question : de sa fabrication, aux réparations subies jusqu’à ses modalités de recyclage. Dans ce cas, c’est aussi une garantie de l’origine des produits reconditionnés et une assurance de son bon fonctionnement au moment de la revente. Cela facilite en outre l’identification et la recherche de pièces détachées. Fnac Darty prévoit de doter tous ses produits de seconde main (réfrigérateurs, sèche-linge, congélateurs, etc.) de leur sésame digital d’ici la fin mars 2025. En attendant de l’élargir progressivement aux produits neufs.
Dans un autre domaine, les groupes de luxe comme LVMH, Richemont ou Prada travaillent déjà, depuis plusieurs années, sur des procédés leur permettant d’établir l’authenticité et le suivi de leurs productions.
Cette pratique devrait se généraliser, même si l’Europe lève le pied en matière de réglementation sur l’environnement, parce que les consommateurs sont demandeurs.
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