Pologne : alerte à la désinformation avant la présidentielle

Quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, fixé au 18 mai 2025, une vaste opération de manipulation pro-russe a été détectée sur les réseaux sociaux.

Article rédigé par Angélique Bouin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
La position pro-Ukraine du Premier ministre polonais Donald Tusk lui vaut une ingérence russe dans la campagne en vue de la présidentielle du 18 mai 2025. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)
La position pro-Ukraine du Premier ministre polonais Donald Tusk lui vaut une ingérence russe dans la campagne en vue de la présidentielle du 18 mai 2025. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

Faux comptes, vidéos truquées, rumeurs sur l’immigration : le service diplomatique de l’Union européenne alerte sur une ingérence visant à affaiblir le gouvernement pro-européen et à favoriser l’extrême droite à 12 jours de la présidentielle en Pologne. Une stratégie bien rodée, déjà observée l’an dernier en Roumanie. L’alerte émane du service diplomatique de l’Union européenne, (site https://euvsdisinfo.eu), dont les chercheurs ont analysé une opération coordonnée de manipulation de l’information apparue le 9 avril dernier sur les réseaux sociaux. Objectif : perturber le scrutin.

Deux vidéos trompeuses circulent. Elles reprennent l’identité visuelle de médias respectés. Elles affirment que l’élection pourrait être reportée pour cause de menaces terroristes. Dans les dix minutes suivant leur publication, 90 faux comptes relaient les contenus. La désinformation atteint alors les 100 000 vues. Les partages se multiplient ensuite et elles deviennent virales. Les commentaires s’en prennent au gouvernement pro-européen de Donald Tusk. La mécanique est bien rodée : faire peur, délégitimer les institutions démocratiques, faire monter l’extrême droite, notamment en diffusant de fausses informations sur l’immigration.

Des migrants inventés à Cracovie

Premier exemple avec une vidéo montrant des dizaines de personnes circulant de nuit avec des valises dans une rue de Cracovie. Les commentaires évoquent des migrants amenés illégalement dans le pays par les autorités, à l’abri des regards. L’affaire prend de l’ampleur lorsqu’une députée du parti Droit et Justice la relaie. Sauf qu’il s’agissait simplement de touristes quittant un hôtel. La vidéo a été sortie de son contexte.

Autre intox virale : une femme présentée comme une réfugiée ukrainienne exhibe sept passeports. Elle est accusée de toucher plusieurs allocations. En réalité, c’est une saynète satirique qui a valu bien des déboires à son auteur, selon l’enquête du site de fact checking Konkret24 de la principale chaîne d’information polonaise.

Des soupçons clairs d’ingérence russe

Derrière ces manipulations, on devine l’ombre du Kremlin. Pour les analystes du Service européen d’action extérieure, on parle bien d’une campagne d’ingérence russe. La Pologne, alliée de poids de l’Ukraine, est une cible stratégique. Ces opérations visent à renforcer les candidats nationalistes et anti-européens et à promouvoir le récit pro-russe.

Ce n’est pas un cas isolé. En Roumanie, l’an dernier, Calin Georgescu, un inconnu nationaliste et eurosceptique est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle, après une campagne virale sur TikTok. L’élection a été annulée par le conseil constitutionnel roumain. Décision inédite, justifiée par des soupçons d’ingérence russe trop forts.

En Pologne, l’influence russe se heurte à un État plus solide, démographiquement et diplomatiquement. Mais en marge de la campagne électorale la désinformation y prospère. Elle alimente un discours pro-russe et hostile aux migrants.

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