Annulation de la présidentielle en Roumanie : ce que l'on sait des soupçons de manipulation en faveur du candidat d'extrême droite Calin Georgescu
Des documents déclassifiés par la présidence roumaine font état d'une "guérilla coordonnée" sur la plateforme de vidéos pour accroître la popularité de Calin Georgescu, arrivé en tête au premier tour à la surprise générale. L'ombre du Kremlin plane sur cette campagne de déstabilisation.
L'élection présidentielle en Roumanie, dont le second tour devait avoir lieu dimanche, sera finalement reprogrammée. La Cour constitutionnelle roumaine a annulé, vendredi 6 décembre, "l'ensemble du processus électoral concernant l'élection du président" de ce pays d'Europe de l'Est. Cette décision intervient après une campagne traversée par de nombreuses polémiques (percée d'un candidat inconnu, nouveau décompte des votes, craintes d'annulation du scrutin...) après l'arrivée en tête de Calin Georgescu au premier tour. Le candidat d'extrême droite prorusse est soupçonné d'avoir bénéficié de graves manipulations sur le réseau social TikTok alors que l'ombre du Kremlin planait sur cette campagne de déstabilisation. Franceinfo fait le point sur ces soupçons.
La Cour constitutionnelle a annulé l'élection
La Cour constitutionnelle a annulé "l'ensemble du processus électoral concernant l'élection du président de la Roumanie", sans expliquer les raisons de cette annulation. "Le processus électoral (...) reprendra dans son intégralité, le gouvernement fixera une nouvelle date pour l'élection (...), ainsi qu'un nouveau calendrier pour accomplir les tâches nécessaires", écrit-elle dans un communiqué. Lundi, l'institution avait validé les résultats du premier tour après un recomptage des voix.
Une "promotion agressive" a été faite sur TikTok
Des documents déclassifiés par la présidence roumaine détaillaient les allégations visant le candidat d'extrême droite Calin Georgescu, prorusse et opposé à l'aide à l'Ukraine. Selon les autorités, les données obtenues "révèlent une campagne de promotion agressive, en violation de la législation électorale, et une exploitation des algorithmes pour accroître la popularité de Calin Georgescu de manière accélérée". Cette opération de "guérilla coordonnée" sur TikTok a permis, d'après les documents roumains, de doper très fortement la notoriété de l'ancien haut fonctionnaire. Calin Georgescu figurait à moins de 1% des intentions de vote dans les sondages début novembre et il a au final recueilli plus de 22% des voix au premier tour, le 24 novembre.
(Nouvelle révélé que le réseau social TikTok a été "inondé" de contenus à son sujet.
Une enquête menée par le site roumain G4media a révélé que le réseau social chinois a été "inondé" de contenus à son sujet, ce qui a favorisé la hausse rapide de sa popularité. Les services secrets roumains ont recensé "25 000 comptes TikTok" directement associés à sa campagne, lesquels sont devenus "extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin".
Un "important réseau" d'influenceurs a été ainsi mis à profit, pour la plupart à leur insu. Une centaine ont été recensés, totalisant plus de huit millions d'abonnés. "Ces influenceurs ne mentionnaient pas son nom, mais les commentaires sous leurs vidéos étaient inondés de messages favorables à Georgescu", explique Victoria Olari, une chercheuse spécialiste de la Roumanie, dans Le Monde.
Selon les autorités roumaines, des comptes utilisant des logos d'institutions officielles ont également été créés "afin de faire croire que M. Georgescu avait le soutien" de ces organisations. La mobilisation sur la plateforme de vidéos TikTok semble par ailleurs avoir été orchestrée depuis l'application de messagerie chiffrée Telegram.
La Russie dément toute ingérence
Les documents déclassifiés de la présidence roumaine affirment que certains comptes qui ont participé à cette opération "ont été précédemment impliqués dans la promotion de messages prorusses, anti-Otan et anti-Ukraine". "Les rapports déclassifiés font état d'une ingérence extérieure significative et sans précédent dirigée contre les institutions et processus démocratiques", explique le ministère des Affaires étrangères roumain dans un communiqué.
Voisine de l'Ukraine, la Roumanie a aussi détecté plus de 85 000 cyberattaques, "y compris le jour de l'élection", lancées depuis une trentaine de pays "et exploitant les vulnérabilités des systèmes informatiques électoraux" pour déstabiliser le processus démocratique, selon les documents de la présidence roumaine. Cette dernière estime ainsi que "le modus operandi et l'ampleur" pointent vers un acteur étatique.
"Nous avons informé nos alliés de cette tentative d'ingérence extérieure et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour protéger la démocratie, la sécurité nationale et la souveraineté."
Le ministère des Affaires étrangères roumaindans un communiqué
"Nous rejetons fermement toutes les attaques hostiles, que nous considérons comme totalement infondées", a répondu la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, avant la décision de la Cour constitutionnelle d'annuler le scrutin. Elle a dénoncé "des accusations de plus en plus absurdes" à l'encontre de Moscou. Interrogé par l'AFP, Calin Georgescu a de son côté déclaré "n'avoir aucune preuve qu'une campagne coordonnée ait eu lieu sur la plateforme à ce jour".
L'UE avait mis en garde le réseau social
La Commission européenne avait annoncé dès jeudi qu'elle allait intensifier sa surveillance de la plateforme de vidéos "dans le contexte des élections roumaines", après avoir reçu des informations sur une possible interférence de la Russie. Dans un communiqué, l'exécutif européen exige ainsi de TikTok "le gel et la conservation" des données liées "aux risques systémiques réels ou prévisibles que son service pourrait poser sur les processus électoraux et le débat civique dans l'UE".
"TikTok conserver les documents internes et les informations concernant la conception et le fonctionnement de ses systèmes de recommandation, ainsi que la manière dont il gère les risques de manipulation intentionnelle."
La Commission européennedans un communiqué
En réponse, le réseau social chinois a promis de coopérer avec la Commission européenne. "Nous sommes impatients d'établir les faits en réponse aux spéculations et informations inexactes", a déclaré un porte-parole de la plateforme, alors que le groupe a déjà démenti les accusations dont il fait l'objet.
(Nouvelle fenêtr
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