Le cauchemar quotidien des chrétiens d'Egypte
Delga, en Haute-Egypte, est situé à 300 kilomètres au Sud du Caire. Ce village a vécu sous la terreur des islamistes pendant un mois, depuis l'évacuation sanglante à la mi-août du sit-in des pro-Morsi qui a fait plusieurs centaines de morts. En représailles, ses partisans dans ce village se sont vengés sur les chrétiens, abandonnés aussi par les nouvelles autorités.
Delga fait partie d'un ensemble de village qui compte 120
milles habitants. La minorité chrétienne est estimée entre 15 et 20%. Les
infrastructures sont pauvres, les routes défoncées, les installations
électriques d'un autre âge. Delga fait partie de ces milliers de village de
Haute-Egypte qui doit composer avec une importante minorité chrétienne sur une
terre dominée par les islamistes. Ici, on aperçoit encore des affiches
électorales pour Mohamed Morsi, alors qu'en comparaison au Caire il est quasi-impossible
d'en voir une encore en bon état.
Il y a eu deux vagues de violences à Delga contre les
chrétiens. La première, le 3 juillet, le jour de la destitution de Mohamed
Morsi, le président issu des frères musulmans.
La deuxième, lors de l'évacuation du sit-in des pro-Morsi au
Caire. Ce matin-là, racontent les habitants, ils ont entendu un appel à la
prière venant d'une mosquée du village. Appel à la haine, en réalité, car les
habitants ont distinctement entendu ce message qui incitait à "venger nos
frères, massacrés au sit-in de rabaa, dans la capitale".
Cinq églises brûlées
La violence a été instantanée. Cinq églises ont été brûlées,
dévastées, même le sol a été cassé. L'un des pères de l'église racontent qu'il
y avait 2.000 assaillants, qu'ils étaient constitués en différents groupes.
L'un pour brûler, l'autre pour voler, encore un pour écrire des inscriptions
sur les murs.
Le cauchemar des chrétiens de Delga ne s'arrête pas là. Ce jour-là la police a été chassée, et pendant un mois, les
habitants ont été livrés à eux-mêmes. La presse égyptienne parle alors de Delga
comme d'un village "tenu" par les islamistes. Les radicaux ont fait
régner la loi, non pas par les armes comme la presse locale le répétait, mais
en maintenant la peur. Par des manifestations massives avec des messages
virulents. Par du racket aussi.
Le village regorge de témoignages décrivant ses méthodes
plus proches du banditisme que de l'islamisme. Une habitante raconte notamment
que l'une des ses vaches a été volée, puis les voleurs lui ont revendue. Les
médias égyptiens ont évoqué l'existence d'un impôt de protection (jizya) imposé
aux chrétiens. Les habitants nous ont démenti cette information, il s'agissait,
d'après leurs récits, plus d'une entreprise de racket généralisé.
Pression quotidienne
Le 16 septembre, la police et l'armée sont intervenues à
Delga. L'opération a été spectaculaire, même des hélicoptères ont été déployés
dans ce village. Ils inondaient l'air de gaz lacrymogènes, pour que dans le
même temps, les troupes progressent au sol.
Mais depuis la peur n'a pas disparu à Delga. Pour preuve,
notre rencontre avec Adel, un fidèle de l'église de la Vierge Marie. Il a
commencé à nous parler, puis soudain, son discours a complètement changé de
registre. Ce n'étaient plus des islamistes du village qui avaient dévasté son
église. Non, c'étaient des inconnus, des bandits. Nous nous retournons, et
voyons cinq hommes dans notre dos. Ils écoutent ce qu'Adel nous raconte. Leur
seule présence suffit à intimider.
Pour poursuivre l'entrevue avec Adel, nous devons nous
cacher d'eux. A ce moment-là, loin de ses cinq hommes, Adel nous livre un tout
autre témoignage. "Je ne pouvais pas parler librement tout à l'heure,
j'ai dit ça pour protéger ma famille, ma femme qui est médecin dans le village" ,
explique-t-il. Adel n'a pas quitté Delga, "j'aide les chrétiens qui
ont été victimes d'attaques, je reste pour eux" , dit-il avec une voix
fragile, à l'inverse de la force de caractère qu'il lui faut pour rester ici.
Aidé par des musulmans
Cent-cinquante familles ont, à l'inverse, décidé de partir.
C'est le cas de Samir, un avocat, un notable du village. Il s'est réfugié au
Caire, avec sa famille, après avoir fui dans des conditions édifiantes. Sa
maison est attaquée, il se réfugie chez un voisin, s'y cache pendant 6 jours.
Son cousin, lui, n'a pas eu le temps de fuir. Il a été tué, égorgé. Son corps a
même été trainé derrière un tracteur dans le village, racontent ses proches.
Même à 300
kilomètres de Delga, la peur n'a pas quitté Samir. S'il
est en vie aujourd'hui, c'est grâce à un homme, un voisin, un musulman. Modéré.
Ils sont majoritaires dans le village, assure Samir. "Sans eux, sans
leur courage car il leur en fait aussi pour nous aider" , assure Samir "sans
eux, il ne resterait plus grand-chose des biens de chrétiens à Delga".
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