Patrice Leconte transporte ses lecteurs à Aix-les-Bains : "Je ne sais pas si ce que raconte ce livre est vivable, mais j'aimerais bien"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 7 mai 2025 : le réalisateur, scénariste et auteur Patrice Leconte qui publie un nouveau roman, "La tentation du lac", aux éditions Arthaud.

Article rédigé par Elodie Suigo, Étienne Presumey
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Patrice Leconte, à Paris, août 2021. (Astrid di Crollalanza / Flammarion)
Patrice Leconte, à Paris, août 2021. (Astrid di Crollalanza / Flammarion)

Avant ses succès cinématographiques tels que Les Bronzés, Les Bronzés font du ski, Viens chez moi, j'habite chez une copine ou Monsieur Hire, Patrice Leconte était un lecteur et un amateur de bandes dessinées et notamment, celles de Gotlib. Il n'est donc pas très étonnant qu'il sorte mercredi 7 mai 2025, son sixième roman, La Tentation du lac, aux éditions Arthaud, avec toujours cette farouche envie d'écrire ses histoires. Ce petit dernier raconte la vie de Rodolphe, un homme somme toute banal, presque transparent auprès des personnes qui gravitent autour de lui. Il est scénariste et un beau jour, il décide de redonner un sens à sa vie en déménageant à Aix-les-Bains, dans un appartement en face du lac.

franceinfo : C'est drôle parfois hors-sol, naïf, léger et doux. On a l'impression que vous nous racontez presque l'histoire des personnages de votre vie ?

Patrice Leconte : Ce n'est pas faux et de toute façon, ce Rodolphe déjà, il a un prénom stupide, qui ne rime pas avec grand-chose. Si vous êtes poète et que vous dites, j'ai passé la nuit avec Rodolphe, la rime suivante, à part c'était dans un pays du Golfe, ça s'arrête là. Mais j'envie cet homme-là, d'ailleurs, le roman est écrit à la première personne, c'est plus facile de s'impliquer.

C'est déstabilisant, parce qu'on se demande à quel moment, ça s'entrecroise et à quel moment vous jouez avec nos nerfs ?

À notre époque, avec tout ce qui se passe, le quotidien nous pousse beaucoup à faire semblant. Et ce bon Rodolphe, il s'en rend compte, il en a marre en fait de faire semblant de faire comme si tout allait bien alors que ça ne va pas fort. Il est scénariste, aucun film ne s'est tourné d'après ces scénarios, il en a un peu ras la casquette. Il a un peu d'argent devant lui et il dit : "Je vais m'en aller, dans une ville calme, et au moins, je pourrai, jour après jour, ne pas faire grand-chose, mais au moins, je ne ferai plus semblant". Même si ça raconte des trucs peut-être un peu plus graves ou sérieux, je ne peux pas m'empêcher d'être léger.

Il fait attention à lui, il se protège beaucoup. Il dit : "J'ai pris une décision à laquelle je préfère me tenir, ne plus être sentimental, du moins pour un temps. Ces derniers temps, j'ai essuyé trop de déconvenues avec le désir et je ne veux plus prendre le risque de la désillusion". Qu'est-ce que c'est la désillusion ?

J'ai été pendant longtemps président du club des sentimentaux, c'était très bien.

"De temps en temps, être trop sentimental nous joue des tours parce qu'on se laisse aller à des choses irréelles ou irréalistes."

Patrice Leconte

à franceinfo

Je ne sais pas si c'est bien ou mal, mais parfois, ça vous revient dans le pif simplement parce qu'on ne peut pas être sentimental tout seul. Il faut être au moins deux et on n'est pas toujours deux. Je ne sais pas si ce que raconte ce livre est vivable, mais j'aimerais bien que ça le soit. Les romans sont là pour nous faire vivre des vies qui ne sont pas les nôtres et pour nous donner envie de vivre autrement.

On découvre aussi qu'à travers ses scénarios, il raconte sa vie, ses difficultés. Il les fait endosser à ses personnages, il les malmène de temps en temps.

Ce qui se passe et que j'ai trouvé assez marrant à raconter, c'est que ce personnage n’est pas caissier ou boulanger. Il est scénariste donc il écrit des histoires. En partant à Aix-les-Bains pour mener une vie plus douce et plus calme, il a envie de vivre le dernier scénario qu'il a écrit. Si le film ne se fait jamais, au moins, lui, il l'aura vécu. Il y a donc là quelque chose d'assez marrant de se demander ce que fait le personnage du film que j'ai écrit.

Je me posais la question de savoir si cet ouvrage n'était pas une ode au temps qui passe et la nécessité de le laisser passer pour se donner le temps ?

Ce qui est vrai, c'est que je n'aurais jamais pu écrire ce roman, raconter cette histoire quand j'avais 25 ou 30 ans.

"C'est effectivement en faisant le test du rétroviseur et en n'ayant plus tout à fait 22 ans, loin de là, que je me rends compte que j'aspire à quelque chose de plus calme."

Patrice Leconte

à franceinfo

Non pas que ma vie soit super agitée, mais cette manière qu'on a tous de faire semblant si on veut continuer à être crédible, ça me tue, ça me fatigue. Je n'ai plus envie de faire semblant de rien. De là, à boucler une petite valise et partir à Aix-les-Bains, il s'en faut de pas grand-chose.

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