Loi contre le narcotrafic : "Il faudra s'assurer d'un certain nombre de garde-fous", estime un magistrat

Damien Brunet, magistrat spécialiste de la lutte contre la criminalité organisée et président de la commission du Club des juristes revient sur différents points de la proposition de loi qui arrive à l'Assemblée nationale.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Damien Brunet, magistrat spécialiste de la lutte contre la criminalité organisée au parquet général de Paris, le 17 mars 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Damien Brunet, magistrat spécialiste de la lutte contre la criminalité organisée au parquet général de Paris, le 17 mars 2025. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Il y a déjà des mesures très intrusives dans la vie privée qui existent, qu'on veuille aller plus loin, on peut le comprendre, mais il faudra quand même s'assurer d'un certain nombre de garde-fous", estime lundi 17 mars, Damien Brunet, magistrat spécialiste de la lutte contre la criminalité organisée au parquet général de Paris, alors que la proposition de loi pour lutter contre le narcotrafic arrive à l'Assemblée nationale.

"Le moment politique, juridique qu'on est en train de rencontrer est un moment historique. Des grandes lois de lutte contre la criminalité organisée en France, pour l'instant, on en a eu une, c'est la loi Perben 2 de 2004, rappelle le magistrat. Donc si on se retrouve tous les 20 ans, il faut dire clairement, qu'on cherche à lutter contre la criminalité organisée. Ajouter un impératif de renseignement me semble peut être contre productif ou en tout cas troubler peut-être un peu la lisibilité du texte".

Activer à distance les téléphones, création d'un dossier-coffre...

Plusieurs mesures de cette proposition de loi ont été écartées en commission, mais pourraient réapparaître sous la forme d'amendements. Il y a, tout d'abord, la possibilité d'activer à distance des téléphones portables et appareils électroniques, pour écouter ou filmer à leur insu les personnes surveillées, comme en matière de terrorisme. "On est en réalité dans un dans un schéma classique d'évolution des technologies utilisées par les malfaiteurs et donc de moyens de débusquer cette utilisation des techniques", selon Damien Brunet. "Néanmoins, aujourd'hui, on a déjà un dispositif qui est très offensif", insiste-t-il.

Autre mesure qui fait débat : la création d'un "dossier-coffre" mis en place par les forces de l'ordre. Ce fichier pourrait priver d'accès les avocats aux éléments les plus sensibles de l'enquête et éviter que les trafiquants sachent par quels moyens ils ont été surveillés (siphonnage de données, téléphoniques ou informatiques, micro caché, géolocalisation...) ou comment les enquêteurs sont remontés jusqu'à eux. "Ce dispositif existe déjà pour ce qu'on appelle les témoins sous X", souligne le magistrat qui redoute un "affaiblissement" des preuves en cas de généralisation de ce type de mesure.

Par ailleurs, le magistrat pointe "une forme d'incohérence juridique", "puisque certaines techniques ne sont pas intégrées dans le dossier-coffre, comme l'infiltration", ou encore "le repenti". "Or, ce sont les deux techniques les plus dangereuses pour les personnes que ça concerne, le policier infiltré ou la personne repentie. Et là, on entend qu'elles puissent ne pas être dans le dossier", dit-il. "Cette disposition qui attise un certain nombre de réactions, pourrait ne pas être retenue", conclut-il.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.