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Reportage
Le succès des dispositifs de "soins études" pour renforcer l'accompagnement des jeunes souffrant de troubles psychiatriques
Aider les jeunes qui souffrent de troubles psychiatriques est un enjeu crucial aujourd'hui, surtout depuis le Covid. Les cliniques de "soins études" proposent un dispositif innovant, avec un accompagnement médical et scolaire adapté.
Développer les prises en charge médicales, mais aussi aider ces jeunes à retrouver le chemin de la classe quand ils sont déscolarisés : c'est l'objectif que se sont fixé les dispositifs "soins études", qui accueillent environ 1 600 élèves de toute la France au sein de 13 cliniques gérées par la Fondation Santé des étudiants de France (FSEF). C'est le cas notamment à Rennes, où franceinfo s'est rendu.
Les manuels sont ouverts sur les tables, un polycopié est projeté au tableau : tout ressemble à un cours de terminale classique. Sauf qu'il n'y a que trois élèves. Les jeunes qui se retrouvent ici ont comme point commun d'avoir été déscolarisés pendant plusieurs mois, voire plus d'un an, en raison de troubles psychiatriques divers. La moitié a déjà fait des tentatives de suicide.
Un dispositif à l'écoute des élèves qui fonctionne
Lucie, 18 ans, est hospitalisée ici depuis un an et demi : "Je n'arrivais plus du tout à aller en cours dans mon ancien lycée, ça a bien duré un an. J'ai été à l'hôpital pendant deux semaines, j'ai eu une dépression. Je suis tombée malade une première fois au collège, je suis allée à l'hôpital pendant plusieurs mois. En première, je suis retombée malade."
"J'ai toujours eu du mal avec les autres de mon âge, à entrer dans des groupes par exemple, à me sentir intégrée dans la classe et forcément, ça me faisait du mal."
Lucieà franceinfo
Aujourd'hui, grâce à l'accompagnement dont elle dispose dans cette clinique, Lucie va mieux. "Les professeurs qui me connaissent depuis l'an dernier ont remarqué une forte différence : je suis beaucoup plus présente, je participe plus et j'arrive à prendre des notes." La jeune femme se projette vers le bac, et même si l'idée l'angoisse encore, elle imagine rejoindre la fac l'année prochaine.
Des aménagements spécifiques et une prise en charge minutieuse
La clé de cette réussite est liée à différents facteurs, mais la particularité de ces cliniques "soins études" est que tout est réuni au même endroit. Les jeunes n'ont que quelques dizaines de mètres entre leur chambre d'hôpital et leur salle de classe et surtout, les deux mondes de la santé et de l'éducation se parlent.
L'emploi du temps scolaire, par exemple, est supervisé par les médecins. "C'est vraiment à la carte", explique Vanessa Veret, la proviseure adjointe de l'antenne du lycée installée dans la clinique : "On fait de la dentelle. Suite aux soins que les jeunes ont pu avoir dans la semaine, un psychiatre ou une infirmière psy va nous contacter. Et nous dire que cette semaine, ça ne va pas être possible de mettre des cours à ce moment-là, le jeune est trop envahi, on va plutôt mettre des soins".
Souvent, quand un élève arrive, il n'a que quelques heures de cours par semaine et, progressivement, au fur et à mesure qu'il retrouve ses repères, son emploi du temps s'étoffe. Il est aussi possible de boucler son année de terminale en deux ans au lieu d'un seul. Les classes ne dépassent jamais les 15, voire 10 élèves, ils sont choyés et même le cadre est pensé pour que tous se sentent au mieux : "Ils ont toute la forêt, ils se l'approprient, souligne Vanessa Veret. Non seulement ils ont les oiseaux, ils ont les canards, les écureuils, les lapins."
Charlotte, une autre élève, témoigne après une année complètement isolée durant laquelle elle n'allait plus en cours et ne voyait personne.
"C'est, entre guillemets, plus simple d'aller mal ici. Dans le sens où si jamais je suis fatiguée, je peux rentrer chez moi et on ne va pas me poser de problèmes."
Charlotte, une élève de la clinique de Rennesà franceinfo
"Dans mon ancien établissement, les gens étaient très bienveillants, mais n'avaient pas les moyens de l'être. Ils avaient des classes de 32 et ne pouvaient pas faire grand-chose. Alors qu'ici, tout l'établissement est géré pour faire en sorte d'accompagner les élèves." Les visages de ces jeunes sont souvent graves. Ils et elles – la plupart des élèves sont des filles – ont traversé des épreuves et on sent peut-être moins d'insouciance que dans un lycée classique. Mais ces difficultés leur donnent aussi une certaine maturité.
"Bombe à retardement"
On compte dans cette clinique de Rennes, en plus des jeunes qui ne sont là que pour les cours et suivis par des médecins en ville, dix places en hospitalisation à la semaine, et dix autres en hôpital de jour pour toute la Bretagne. "C'est largement insuffisant, alerte le docteur Vivien Morlec, psychiatre chef de service. C'est une bombe à retardement parce qu'aujourd'hui, la population des 16-24 ans est la population la plus touchée par les troubles psychiatriques en France. On sait que ce sont des années qui sont déterminantes sur la validation du baccalauréat, sur le début des études supérieures.
"Si on ne vient pas soigner ces jeunes, ce sont des jeunes qui vont se retrouver précarisés, marginalisés, avec de grandes difficultés d'insertion socioprofessionnelle. Donc c'est un défi majeur pour les prochaines années."
Vivien Morlec, psychiatre, chef de service à la clinique de Rennesà franceinfo
Le professionnel estime qu'il faudrait notamment renforcer la prévention dans les établissements scolaires.
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