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Reportage
En Belgique, une usine recycle pour la première fois des pots de yaourt en contenants alimentaires
Il était déjà possible de recycler le polystyrène pour en faire des pare-chocs, des pots de fleurs ou des tuyaux d'arrosage. Mais l'usine Indaver d'Anvers est la première en Europe à trouver un procédé chimique pour qu'un pot de yaourt redevienne un pot de yaourt.
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C'est une première ! Les pots de yaourt individuels peuvent à présent être recyclés et redevenir des pots de yaourt. C'était jusque-là impossible, mais un nouveau système pour recycler chimiquement ces emballages en polystyrène vient d'être mis au point dans une usine à Anvers, en Belgique. Ce sont 80% des pots de yaourt triés en France qui y seront désormais envoyés.
Une fois triés en France, les pots de yaourt sont broyés, puis acheminés vers l'usine Indaver d'Anvers, où ils arrivent sous forme de granulés de polystyrène qui sont alors stockés dans des silos que nous montre le directeur de l'installation, Erik Moerman.
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Il a le sourire aux lèvres, car voilà des années que ses équipes travaillent sur ce procédé de recyclage chimique. "Ces pots de yaourt sous forme de granulés, explique-t-il, sont introduits dans ce qu'on appelle un extrudeur, où ils vont être chauffés à plus de 500 degrés. On va ensuite capter les vapeurs pour produire du styrène."
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Le styrène, c'est ce liquide, qui ressemble à de l'eau, que l'on retrouve à la sortie de ce labyrinthe de tuyaux et de cuves. Mais pas question d'y goûter, c'est un produit hautement toxique, de la matière première pour fabriquer d'autres pots de yaourt en polystyrène. C'est cela, la grande nouveauté : avant les pots de yaourt triés en France étaient envoyés en Espagne pour être recyclés, mais pas en emballage. Le polystyrène était utilisé pour fabriquer des pare-chocs, des pots de fleurs ou des tuyaux d'arrosage.
En France, moins de 20% des pots de yaourt sont recyclés
Désormais, ces pots peuvent redevenir des contenants alimentaires. "Ça s'appelle boucler la boucle. C'est de l'économie circulaire. C'est ce qu'on cherche", se félicite Jean Hornain, le directeur général de Citeo, l'organisme spécialisé dans le recyclage des emballages. Il est chargé d'envoyer les pots de yaourt vers cette usine. Un processus qui reste plus onéreux que fabriquer des emballages non recyclés. "La matière vierge et le plastique vierge ne sont pas chers, poursuit-il. Donc c'est exact que, finalement, le fait de le réutiliser, de le garder sur notre territoire européen, plutôt que d'aller acheter des résines à l'autre bout de la planète ça a un prix, celui d'une usine comme celle-ci. Mais c'est le prix de la circularité, c'est le prix de la soutenabilité européenne. Et puis c'est un enjeu environnemental."
Une campagne de communication a donc été lancée pour inciter les Français à mettre le pot de yaourt dans le bac jaune. Un geste qui n'est pas encore automatique, selon Anne-Sophie Louvel, la directrice des opérations chez Citeo. "S'agissant du pot de yaourt, explique-t-elle, ce sont les souillures qui souvent sont assimilées dans l'esprit des Français à une caractéristique de non-recyclabilité. Et il faut les rassurer."
"Ce n'est pas parce qu'un emballage jeté est sali ou souillé qu'il n'est pas recyclable, bien au contraire. Et la preuve avec le pot de yaourt."
Anne-Sophie Louvel, la directrice des opérations chez Citeosur franceinfo
Aujourd'hui, sur les 60 000 tonnes de yaourt mis sur le marché chaque année en France, seulement 10 000 tonnes sont récupérés pour être recyclés.
"C'est répondre à côté de la problématique", juge une ONG
Mais pour les ONG qui se battent contre la pollution plastique, c'est loin d'être satisfaisant. Plutôt que d'investir plus de 100 millions d'euros dans ces installations, selon elles, la priorité devrait être de trouver des solutions pour se passer du plastique. "Mettre en avant ces solutions de recyclage chimique, c'est répondre à côté de la problématique et en particulier quand on parle d'un polymère particulier qu'est le polystyrène, qui n'est pas un plastique anodin du tout", juge Henri Bourgeois-Costa, le directeur des affaires publiques de la Fondation Tara Océan.
"Le polystyrène est toxique, de façon directe. Il est également toxique pour l'environnement."
Henri Bourgeois-Costa, de la Fondation Tara Océansur franceinfo
"Nous, à la Fondation Tara Océan, poursuit-il, quand on étudie la quantité et la qualité des plastiques qui sont présents dans l'environnement, ce qu'on constate, c'est que ce plastique, en particulier le polystyrène, ils ont une persistance dans l'environnement et une capacité à se retrouver dans l'environnement qui leur est propre, qui est plus importante que la moyenne des plastiques."
Et avec une production de plastique qui pourrait tripler d'ici 2060, un simple changement d'habitude des consommateurs ne sera pas suffisant pour infléchir cette tendance. "Aujourd'hui, quand on est consommateur et qu'on veut manger du yaourt en France, souligne Henri Bourgeois-Costa, l'essentiel, pour ne pas dire la quasi-totalité du marché, ce sont des pots en polystyrène jetables. Donc ce n'est pas à la portée du citoyen d'engager ce changement. C'est très difficile pour l'industriel tout seul également, puisqu'il est dans des logiques de compétition et de compétitivité économique avec ses concurrents. Et s'il le fait seul, c'est évidemment quelque chose de très, très désavantageux. Donc il va lui falloir un cadre réglementaire, un cadre global qui lui permette de le faire sans avoir ces problématiques-là."
Une pollution qui ne se limite pas qu'aux déchets que l'on retrouve dans l'environnement. La production de plastique basée sur le pétrole et le gaz est à l'origine de 4% des émissions de gaz à effet de serre à travers le monde.
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